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Archive for mars 2011



Emporté par son imagination créatrice, un lecteur nous envoie sa vision du triomphe de la nature en plein centre de Saint-Denis : « voilà, nous dit-il, à quoi pourrait ressembler la maison Hugot dans un ou deux siècles ou plus, le jardin une fois débroussaillé…mais les banians n’auront pas le temps de pousser ; les promoteurs sont tapis dans l’ombre avec leurs bulldozers. »

 

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A l’angle de la rue Sainte-Marie et de la ruelle Margotin s’élève une construction qui a posé et pose toujours des problèmes de sécurité au voisinage. Nos lecteurs pourront se reporter pour plus de précisions au blog suivant :

http://lenimportequoireunion.over-blog.com

A propos de l’urbanisme à Saint-Denis il est un certain nombre de questions que l’on peut se poser :

1)   Les services d’urbanisme de la ville de Saint-Denis sont-ils autre chose qu’une « chambre d’enregistrement » ? N’ont-ils pas à étudier les demandes de permis de construire pour voir s’ils sont conformes aux textes (en particulier au Plan Local d’Urbanisme) ?  Sinon c’est la foire d’empoigne et le recours incessant aux tribunaux…

2)   Existe-t-il à Saint-Denis et dans les autres communes de l’île un responsable de l’architecture qui veille à ce que les constructions ne soient pas faites dans le mépris souverain de toute harmonie ?

3)   Dans l’affaire que nous venons de mentionner, la mairie de Saint-Denis a-t-elle fait tout ce qui est de son devoir pour assurer la sécurité des citoyens ?

Affaire à suivre…

 

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Alphonse Allais, écrivain et humoriste célèbre, était passé maître en l’art de la formule à la logique imparable : constatant que l’air des villes était pollué alors que l’air de la campagne était pur et vivifiant, il avait fort justement proposé que l’on construisît les villes à la campagne !

Nos édiles dionysiens, au premier rang desquels notre délégué à l’urbanisme, ne veulent pas être en reste. Ils sont entrain de parvenir au même résultat et d’obtenir un air pur en faisant en sorte que la nature à son tour, entre dans la ville ; cette innovation révolutionnaire voit le jour en plein Saint-Denis, dans la rue Sainte-Anne ; elle s’opère là où se trouvent la maison Hugot et le terrain Bundervoet.

C’est là, en effet, sous nos yeux, que la nature reprend ses droits : la cour de la maison se transforme en riche pâturage, tandis que sur le terrain voisin, les cassis deviennent quasiment des arbres de haute futaie. Vue des airs la propriété Bundervoet ressemble à s’y méprendre à la canopée (1) de la forêt amazonienne.

Il va sans dire que dans un milieu naturel aussi favorable toute une faune, ailée ou non, à quatre pattes ou davantage se développe, se multiplie, prospère à loisir, entre autres les charmants moustiques zébrés du Chik ou de la dengue (dont se plaignent des voisins peu respectueux de la nature !) Une intéressante faune à deux pattes fréquente également ces lieux propices à des ébats de toutes sortes, picole, rigole et batifole, grimpe sur les toits et escalade les murs au mépris du danger.

Dans une telle expérience novatrice il se trouve toujours, hélas, des mauvais coucheurs ennemis du progrès, pour se plaindre de l’insécurité ou de l’insalubrité. Pour notre part nous ne pouvons qu’encourager la municipalité de Saint-Denis à tenir bon et à poursuivre son œuvre régénératrice de la nature à une époque où l’on déplore — à juste titre – la disparition de pans entiers de le forêt amazonienne et par suite la déperdition de la diversité biologique.

(1) Canopée: sommet de la forêt tropicale humide qui grouille de vie.

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La Petite-île Saint-Denis ne manque pas de monuments intéressants dont l’un des plus remarquables  est, sans conteste, l’église Notre-Dame de la Délivrance. Erigée sur le flanc ouest de la rivière Saint-Denis, elle a vraiment fière allure : telle une figure de proue elle domine l’espace dégagé de la vallée et de l’océan. Elle est visible depuis le boulevard Lucien Gasparin, depuis les rampes de la Montagne, depuis la mer. Tout semble converger vers elle ; on dirait que la rue du Pont n’est rien d’autre que l’allée qui y mène. Celle-ci se termine d’ailleurs par un escalier à double volée (un dernier effort pour les pèlerins !) qui conduit au pied du sanctuaire ; ils ont vraiment été inspirés ceux qui ont décidé de construire à cet endroit ce lieu de pèlerinage.

Le vœu de Monseigneur Maupoint

L’église doit sa construction à un vœu, émis par le deuxième évêque de Saint-Denis, Monseigneur Amand René Maupoint. Alors que la frégate qui l’amenait à La Réunion en octobre 1857 se trouvait au large du Cap de Bonne espérance, le bateau fut pris dans une tempête si violente qu’un naufrage était à craindre. L’évêque pria alors la Vierge et promit, si le bateau, l’équipage et les passagers étaient sauvés, d’ériger une église qui porterait le nom de Notre-Dame de la Délivrance et qui serait un lieu de pèlerinage, en particulier pour les marins.

Il tint parole et en 1858 une paroisse fut créée ; une chapelle en bois fut bâtie, relativement modeste, qui s’avéra rapidement trop petite pour la population des environs. Cette chapelle se situait au nord de l’église actuelle. En 1891 un nouveau curé est nommé, le père Berthomieu, natif de l’Aveyron. C’est à ce curé-bâtisseur que l’on doit la construction de l’église telle que nous la connaissons. Les plans furent dessinés par l’ingénieur communal Auguste Bénard, puis approuvés en juillet 1893 par le conseil municipal de Saint-Denis. Les matériaux utilisés provenaient d’une église abandonnée, située à la Providence.

La construction dura cinq ans pendant lesquels le père Berthomieu s’investira complètement.  Enfin, le 14 avril 1898, l’église sera consacrée par Monseigneur Antonin Fabre, dans un grand concours de notabilités et de fidèles.

Caractéristiques de l’église.

Cette église de la Délivrance est un bijou de l’art néo-gothique toscan à La Réunion. (Le style néo-gothique a été adopté au cours du 19ème siècle pour la construction de nombreuses églises en France.)

Elle est construite en moellons de basalte, maçonnés à la chaux avec  des joints en relief. Sur la façade  d’une vingtaine de mètres de haut se détachent quatre pinacles, coiffant des piliers. Au dessus de la porte centrale on distingue une grande rose. 28 statuettes en terre cuite, faites à Lyon représentant les apôtres et des saints décorent la façade. Deux statues plus importantes, celle de Saint-Joachim et de Sainte-Anne avec Marie enfant sont placées dans les niches des deux pinacles les plus élevés. Au sommet de l’édifice se dresse une statue en fonte de fer de la Vierge, copie d’une statue dite de l’Immaculée Conception de Pie IX, qu’avait admirée le père Berthomieu dans sa région natale.

La décoration intérieure

En 1898 au moment de l’inauguration il n’y avait pas de décor. Tout était blanc. C’est le frère Fulbert, père du Saint-Esprit qui réalise le décor polychrome (décor de végétaux et de motifs dans la nef et les bas-côtés ; la voûte centrale figurant un ciel étoilé). Le chœur est garni de toiles marouflées (1) représentant des scènes de la vie de la Vierge et de l’enfance du Christ peintes en 1904-1905 toujours par le frère Fulbert. A signaler également quatre vitraux des ateliers Bessac de Grenoble dont celui qui illustre le « vœu de Mgr Maupoint » lors de la tempête qu’il rencontra au large du Cap.

Le mobilier très intéressant a été entièrement  créé à La Réunion. Il faut se souvenir que les églises à La Réunion ont été des chantiers de formation pour les artisans, en particulier les églises de Saint-Jacques, de la Rivière Saint-Louis, de Sainte-Anne et de la Délivrance. Les prêtres se sont systématiquement attachés à former les gens des quartiers. (Ne serait-ce pas de là que vient la vocation de la Rivière Saint-Louis pour l’artisanat du bois?) Ainsi, à la Délivrance, le confessionnal et la chaire entre autres sont l’œuvre de deux ébénistes réunionnais Jules Thierse et Joseph Antony. Ce mobilier a été fabriqué avec des bois  de La Réunion spécialement consacrés à l’ébénisterie : natte, tamarin, benjoin et bois d’olive…Le maître-autel est également un joyau du néo-gothique à La Réunion, mais lui, proviendrait de la première chapelle de ce style dans notre île, construite par les Jésuites à la Ressource dans les années 1840, chapelle aujourd’hui disparue.

« L’église Notre-Dame de la Délivrance constitue un unicum à bien des égards, tout d’abord par son style néo-gothique…étonnant et exceptionnel à La Réunion, par les décors peints …qui ornent la totalité des parements intérieurs, par le nombre et la qualité…des objets mobiliers qu’elle conserve » déclare la commission chargée d’étudier la proposition de classement de l’église qui sera en définitive inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques le 29 mars 1996. Elle est actuellement en cours de restauration.

La Délivrance, lieu de pèlerinage à la Vierge et à Saint-Expédit.

Comme l’a voulu Monseigneur Maupoint, La Délivrance est depuis l’origine un lieu de pèlerinage, consacré à la Vierge. L’apogée de ce culte a lieu le 24 septembre à l’occasion de la fête de Notre-Dame de la Délivrance, mais elle est également la première église à avoir accueilli une statue de Saint-Expédit. Cette statue a été installée en 1930 sur la demande de Mme Chatel. Celle-ci se trouvait à Marseille à la veille de la première guerre mondiale et tentait vainement de rentrer au pays. Elle pria Saint-Expédit dans une église de Marseille afin d’obtenir un  billet d’embarquement pour La Réunion. Son vœu fut exaucé et Mme Chatel respecta sa promesse. Depuis lors ce culte s’est répandu dans tous les quartiers et toutes les couches sociales de La Réunion.

Il semble cependant que la hiérarchie catholique ne partage pas l’enthousiasme des fidèles : c’est ainsi que les Jésuites de Saint-Michel en Belgique contestent la réalité historique de Saint-Expédit et que le Pape Pie XI demandait que l’on enlevât ses images des églises, apparemment sans grand succès. De même si la paroisse de La Délivrance a publié un livret sur Saint-Expédit, on peut lire une certaine gêne entre les lignes de la préface du curé quand il émet le souhait que le livret « puisse aider à purifier (la prière des fidèles) envers Saint-Expédit de toute trace de magie, de superstition et de peur »

Si ce saint  pas très orthodoxe  est également l’objet d’un culte en France et en Belgique, c’est au Brésil que cette vénération prend des proportions hors du commun (grandes processions, messes avec une affluence très importante). On peut se demander en définitive si La Réunion n’est pas en petit ce qu’est le Brésil en grand, un lieu de métissage biologique et culturel où il est difficile de séparer le religieux du magique et l’historique du mythique (2).

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(1) Maroufler : coller une toile peinte sur un mur, un panneau de bois, une toile plus forte (Cf. Le petit Larousse illustré)

(2)Ceux que cette question intéresse peuvent se reporter au tome 8 de « A la découverte de La Réunion ». Editions Favory. De même un documentaire passionnant a été réalisé sur ce sujet à La Réunion, en Europe et au Brésil par Bernard Crutzen sous le titre : « Cachez ce saint…Sur les traces de Saint-Expédit, invite au voyage exploratoire ».

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Un nom symbole d’isolement.

D’où vient le nom de Petite-île qui a été donné à ce quartier situé à l’ouest de Saint-Denis ? Car en fait il n’a d’île que le nom (1) : c’est une sorte de plateau délimité par la Rivière Saint-Denis à l’est, l’Océan Indien au nord et une montagne difficilement franchissable qui barre l’horizon à l’ouest et au sud. Est-ce dû au sens poétique des Réunionnais ou à leur goût pour le symbole, signifiant  ici qu’il s’agit d’un espace isolé, enfermé, enclavé ?

Cette caractéristique physique, cet isolement, marquera pour longtemps l’histoire du quartier et son développement sera plus lent, plus tardif que celui du centre-ville de Saint-Denis. Dans cet espace excentré dont l’accès était rendu difficile par les crues de la rivière, on a établi des « institutions » ou des constructions qu’on voulait garder à une certaine distance. C’est là, par exemple, que l’on a placé les cimetières : dans les années 1750 on a installé au bas du rempart creusé par la rivière un cimetière des noirs (2), là où se trouve aujourd’hui le lotissement de la S.I.P.R.  contre l’ancienne pile du chemin de fer. Un autre cimetière,  le « cimetière de l’ouest », pour les blancs celui-là, sera implanté en 1785 au pied de la montagne quand on déménagera le cimetière par trop insalubre qui était situé initialement autour de la cathédrale.

Le caractère de quartier isolé sera renforcé par l’implantation de deux bâtiments qui sont parmi les plus anciens et les plus beaux de l’architecture militaire à La Réunion : on construit d’abord une poudrière avec ses murs d’enceinte qui fut terminée en 1751. Du fait que l’on y stocke armes, munitions et poudre, il sera interdit à cause du danger que cela représente, de construire quoique ce soit dans un périmètre déterminé (3).

Au-dessus de la poudrière, sur une colline dominant la ville on élève un fortin, inauguré en 1756, qu’on nommera «  Redoute de Bourbon » et qui donnera son nom à toute la plaine de la Redoute. Ce fortin (4) comporte au rez-de-chaussée douze meurtrières et à l’étage huit baies carrées où l’on pouvait installer des canons…C’était l’un des éléments majeurs du système de défense de Saint-Denis qui comportait en outre un ensemble de batteries de canons le long de la côte, une douzaine en tout, dont la batterie du Cap Bernard, la batterie de la rivière, la batterie du gouvernement, la batterie impériale à la Pointe des jardins, la batterie Rouillé ou des sables…Toute cette force de frappe ne pourra pas grand chose contre l’ennemi  anglais bien supérieur en nombre qui s’emparera de l’île le 8 juillet 1810 après la bataille de la Redoute.

L’isolement avait déjà pris une autre forme vers la fin du XVIIIème siècle lorsque entre 1770 et 1780 l’ordonnateur Cyr Honoré de Crémont avait créé le « Camp des noirs du Roi ». Ces noirs esclaves étaient affectés aux travaux de l’Etat, entretien des routes et des bâtiments publics. En outre, au nord du camp,  sera ouvert dans les années 1790 – car on avait la hantise des épidémies – un lazaret (5) qui se trouvait sur un terrain actuellement occupé en partie par la caserne Lambert. Bref on a isolé tout ce qui pouvait poser problème : on a isolé les esclaves, on a isolé les malades, on a isolé les morts. Cet isolement s’est trouvé de plus renforcé par les installations militaires.

La vocation militaire du quartier (6)

La vocation militaire du quartier est évidente depuis les origines. Elle se maintiendra longtemps encore. En 1815 tandis que Maurice reste anglaise, La Réunion est rétrocédée à la couronne de France. Notre île prend alors une importance stratégique plus grande car située dans un « lac anglais ». On rase tous les baraquements sommaires et on décide de faire construire la grande caserne d’infanterie qui prendra plus tard le nom de caserne Lambert (7). Cette construction sera un grand chantier du règne de Louis-Philippe. Construit de 1846 à 1849 l’édifice sera inauguré par le gouverneur Sarda-Garriga. La caserne impressionne par ses dimensions, 207 mètres de long pour la partie centrale avec deux ailes aux extrémités qui lui donnent la forme d’un U. Lorsqu’on arrivait par la mer on voyait la ville de Saint-Denis et du côté de la Redoute un immense bâtiment caractéristique de l’héritage néo-classique avec ses colonnades et ses galeries. La caserne sera pendant longtemps une des plus vastes constructions de l’île et délimitera architecturalement au nord le quartier de la Redoute.

A suivre …                                                                                                DPR974

(1) Il en va de même pour les îlets ou îlettes comme nous disons et qui sont souvent accrochés au flanc des montagnes et rarement entourés d’eau.

(2)  Ce cimetière des noirs aurait disparu au milieu du XIXème siècle…

(3) Ce bâtiment désaffecté au milieu du XXème siècle a été transformé en lieu de culte catholique pour les militaires sous le nom de « Chapelle Saint-Louis ».

(4) On peut, à l’heure actuelle, visiter la chapelle Saint-Louis mais on ne peut le faire pour le fortin de la Redoute qui est en très mauvais état et qui est encore bâtiment militaire.

(5)  Le premier Lazaret n’est donc pas à la Grande Chaloupe, mais bien dans ce quartier isolé de Saint-Denis.

(6) La vocation militaire du quartier se développera encore au milieu du XXème siècle avec la construction de nombre d’immeubles de la gendarmerie.

(7) La caserne, inscrite sur la liste supplémentaire des monuments historiques, porte depuis 1930 le nom du Commandant Arsène Lambert dont il serait bon de connaître exactement les mérites.

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LES BONNES FEUILLES



Au hasard du « net », de la toile si vous préférez, on trouve des pages particulièrement intéressantes. Ainsi cette lettre que le Président Pompidou adressait à son premier ministre, Jacques Chaban-Delmas en 1970. Le Président Pompidou auquel on a reproché d’avoir livré Paris à l’automobile, apparaît ici sous un jour bien différent : il se révèle en tant que défenseur exigeant  de la nature. Il insiste en particulier sur l’aspect esthétique et sur la nécessité de la sauvegarde d’un milieu humain.

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Lettre de Georges Pompidou,

Président de la République Française

à Jacques Chaban-Delmas,

Premier Ministre, en date du 17 juillet 1970

Mon cher Premier Ministre,

J’ai eu, par le plus grand des hasards, communication d’une circulaire du Ministre de l’Equipement – Direction des routes et de la circulation routière –dont je vous fais parvenir photocopie. Cette circulaire, présentée comme un projet, a en fait déjà été communiquée à de nombreux fonctionnaires chargés de son application, puisque c’est par l’un d’eux que j’en ai appris l’existence.

Elle appelle de ma part deux réflexions : La première, c’est qu’alors que le Conseil des Ministres est parfois saisi de questions mineures telles que l’augmentation d’une indemnité versée à quelques fonctionnaires, des décisions importantes sont prises par les services centraux d’un ministère en dehors de tout contrôle gouvernemental ; la seconde, c’est que, bien que j’ai plusieurs fois exprimé en Conseil des Ministres ma volonté de sauvegarder « partout » les arbres, cette circulaire témoigne de la plus profonde indifférence à l’égard des souhaits du Président de la République.

Il en ressort, en effet, que l’abattage des arbres le long des routes deviendra systématique sous prétexte de sécurité. Il est à noter par contre que l’on n’envisage qu’avec beaucoup de prudence et à titre de simple étude, le déplacement des poteaux électriques ou télégraphiques.

C’est que là, il y a des administrations pour se défendre. Les arbres, eux, n’ont, semble-t-il, d’autres défenseurs que moi-même et il apparaît que cela ne compte pas. La France n’est pas faite uniquement pour permettre aux Français de circuler en voiture, et, quelle que soit l’importance des problèmes de sécurité routière, cela ne doit pas aboutir à défigurer son paysage.

D’ailleurs, une diminution durable des accidents de la circulation ne pourra résulter que de l’éducation des conducteurs, de l’instauration des règles simples et adaptées à la configuration de la route, alors que complication est recherchée comme à plaisir dans la signalisation sous toutes ses formes. Elle résultera également des règles moins lâches en matière d’alcoolémie, et je regrette à cet égard que le gouvernement se soit écarté de la position initialement retenue.

La sauvegarde des arbres plantés au bord des routes – et je pense en particulier aux magnifiques routes du Midi bordées de platanes – est essentielle pour la beauté de notre pays, pour la protection de la nature, pour la sauvegarde d’un milieu humain.

Je vous demande donc de faire rapporter la circulaire des Ponts et Chaussées et de donner des instructions précises au Ministre de l’Equipement pour que, sous divers prétextes (vieillissement des arbres, demandes de municipalités circonvenues et fermées à tout souci d’esthétique, problèmes financiers que posent l’entretien des arbres et l’abattage des branches mortes), on ne poursuive pas dans la pratique ce qui n’aurait été abandonné que dans le principe et pour me donner satisfaction d’apparence.

La vie moderne dans son cadre de béton, de bitume et de néon créera de plus en plus chez tous un besoin d’évasion, de nature et de beauté. L’autoroute sera utilisée pour les transports qui n’ont d’autre objet que la rapidité. La route, elle, doit redevenir pour l’automobiliste de la fin du vingtième siècle ce qu’était le chemin pour le piéton ou le cavalier : un itinéraire que l’on emprunte sans se hâter, en en profitant pour voir la France. Que l’on se garde donc de détruire systématiquement ce qui en fait la beauté !

Georges Pompidou

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Quand je pense à la ville de Prétoria en Afrique du Sud que je n’ai vue qu’une fois dans ma vie et que je ne reverrai peut-être jamais, resurgissent aussitôt à mon esprit les milliers de jacarandas ombrageant les rues de la cité du mauve de leur floraison.

Pourquoi, me direz-vous, aller chercher si loin la beauté ? N’avons-nous pas ici, à La Réunion même, de beaux arbres, de belles réalisations paysagères : que l’on pense aux flamboyants  qui accueillent en été les visiteurs du Tampon, aux routes fleuries de francicéas vers Montvert et la Petite-île, aux alignements de badamiers  et de palmiers à Saint-Denis après le rond-point Vauban et à tout l’aménagement paysager qu’on ne se lasse pas d’admirer entre Sainte-Marie et Saint-Benoît : un effort méritoire a été fait par les aménageurs pour intégrer la route dans le paysage, pour la végétaliser, offrant de quoi séduire et l’œil et l’esprit et le coeur.

Ceci vaut pour l’extérieur des villes, mais il en va différemment pour le cœur des cités. De beaux arbres, il y en a encore (en dehors des jardins publics) mais la plupart du temps isolés qui peuvent plaire grâce à leur floraison, leur forme, leur originalité. Je mentionnerai par exemple à Saint-Denis le cyrtostachys lakka, communément appelé palmier rouge à lèvres, dont un exemplaire se trouve derrière l’Immaculée Conception dans la rue Roland Garros ou encore le majestueux baobab de la cour de l’Equipement, les lataniers à « écailles » à la direction de la Culture, rue de Paris ou le cytise couvert de ses milliers de papillons jaunes dans la rue Monseigneur de Beaumont. Mais autant on admire ces arbres isolés, autant on se dit que rien n’est plus beau qu’un ensemble d’arbres ou de buissons. Cependant l’évolution à laquelle nous assistons ne va pas forcément dans le bon sens.

Où est passée la ville-jardin ?

Saint-Denis, par exemple, était autrefois une ville-jardin, avec ses arbres, ses parterres fleuris, ses fontaines jaillissantes ; elle l’est de moins en moins. Il y a 15 ou 20 ans de cela on pouvait, au coeur de l’été, marcher à l’ombre des arbres. C’est de plus en plus difficile, car on bétonne en sous-sol, on bétonne en largeur, on bétonne en hauteur.

Bien entendu les décideurs en matière de PLU (Plan Local d’Urbanisme) avaient dans leur immense sagesse, décrété, qu’il fallait dans certains quartiers « maintenir l’implantation des maisons au centre des parcelles pour conserver la densité des espaces verts (2)». On ne sait que trop bien comment, avec la complicité des services de l’Abf et  de la mairie ces principes sont battus en brèche : on affirme quelque chose et en misouk on fait juste le contraire… Le plus souvent on abat les arbres, ces empêcheurs de spéculer en rond : en quelques semaines on vient d’éradiquer le manguier du 141 de la rue Juliette Dodu et dans la rue Monseigneur de Beaumont on vient de mettre  à bas un arbre à pain, un manguier, un letchi en état de produire. Regardez autour de vous et dites-moi si ce n’est pas vrai ! Pour ce faire toutes les raisons sont bonnes. Il arrive certes que ces arbres soient cariatés, mais en général les carias ont bon dos. La plupart du temps ce sont des promoteurs qui veulent rentabiliser le moindre mètre carré de terre et pour eux tout prétexte est bienvenu. On m’objectera qu’il existe des textes, exigeant (en fonction de la surface du terrain) que l’on replante des arbres si on en a abattus. Bien sûr, mais par un rapide tour de passe-passe on retrouve en lieu et place d’un bel arbre, un buisson rachitique et le tour est joué !

Massacre à la tronçonneuse

A côté de ceux qui veulent faire place nette pour engranger le maximum de profits se trouvent, hélas, des gens qui ne sont pas forcément mal intentionnés à l’égard de la nature, mais dont l’action n’est pas particulièrement heureuse : je veux parler des élagueurs.  Je ne nie pas qu’il y ait parfois nécessité d’élaguer en particulier avant la période cyclonique pour éviter que des branches ne portent atteinte aux fils électriques ou aux lignes téléphoniques, mais on élague trop souvent  en dépit du bon sens et de l’esthétique (3): il y a quelques semaines de cela, une entreprise au nom prédestiné, Jardinator (4), s’attaquait à l’élagage des filaos du Collège Juliette Dodu : le combat fut sans pitié ! Je ne prétends pas que le filao soit une essence précieuse ; qu’il soit nécessaire de le discipliner, je l’admets volontiers, mais était-ce vraiment utile de procéder à ce massacre à la tronçonneuse du côté de la rue Sainte-Marie, ce d’autant plus que sur la rue Juliette Dodu le collège offrait déjà aux passants le spectacle affligeant de quelques filaos orphelins et dépenaillés.
Si le filao ne convient pas, que l’on trouve une autre essence d’arbre plus adaptée, qu’on enlève les vieux chicots restants et que l’on replante une haie d’arbres le long de la rue Sainte-Marie et Juliette Dodu car il y a nécessité d’abriter les murs du collège d’un soleil trop ardent et d’atténuer les bruits de la circulation. Sans parler de l’aspect esthétique !

Pour conclure je voudrais soumettre à votre réflexion  une citation de Théodore Monod, naturaliste et savant français de renom, à propos de la place de l’arbre dans la ville : « L’arbre en ville, est porteur de messages. Tout d’abord en tant que symbole de la vie dans un paysage artificiel de béton, d’asphalte, de verre et de métal. Ensuite par sa beauté née du contraste entre le vivant et l’inanimé. Mais il évoque également le silence dans un univers de bruit. Enfin il devrait inspirer le respect de la vie. Le mot respect n’étant pas pris dans le sens affaibli qu’il a aujourd’hui, mais dans celui de révérence tel qu’Albert Schweitzer l’avait employé en espérant qu’il deviendrait, si l’homme s’humanisait, la base d’une morale nouvelle et d’un essor de l’humanité. »

R-D.G.

(1) C’est le titre  d’une belle chanson de Maxime Leforestier qui aborde cette question sous un angle sensiblement différent.

(2) Cf. PLU de Saint-Denis : Secteurs UPC, UPD.

(3) Normalement n’est pas élagueur qui veut. Il y a toute une formation à suivre… Qu’en est-il à La Réunion, terre de grande liberté ?

(4)  Terminator, Mediator, jardinator… On ne se méfie jamais assez de ces termes en –tor qui apparemment cachent quelque chose de destructeur et d’irréversible.

AMIS LECTEURS : A VOS PLUMES !!!

L’arbre fait partie de votre vie et de votre patrimoine ; il en est qui ont marqué durablement votre  enfance, votre jeunesse, votre vie. Faites nous part de votre expérience ! Nos colonnes vous sont ouvertes !

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Nous avons la douleur de vous faire part du décès du manguier de la rue Juliette Dodu (1). Il est parti dans la fleur de son âge : son tronc était solide, la sève y circulait. Ses branches portaient des fruits et des nids d’oiseaux. Les passants profitaient de son ombrage.

Il participait à la diminution du  taux de gaz carbonique dans l’air. Il contribuait à filtrer la poussière, à rafraîchir l’air en augmentant le taux d’humidité par sa respiration, à atténuer le bruit des voitures qui passaient, à diminuer la réflexion lumineuse. Ses racines retenaient l’eau de pluie.

Dans le jardin où il se dressait naguère, tout a été bétonné. A sa place se trouve à présent une plaque de métal qui recouvre sans doute l’accès (illégal) à l’égout.

Il a succombé sous la tronçonneuse, victime de l’appât du gain maximal et immédiat de certains humains et d’un délégué à l’urbanisme dont la signature vaut condamnation à mort.

N.B. Nous demandons instamment aux lecteurs de ne pas confondre Mr Espéret Jean-Pierre, délégué à l’urbanisme de la ville de Saint-Denis et qui dégaine le stylo plus vite que son ombre et Mr Jean-Pierre Espéret, le défenseur de l’environnement  et protecteur des arbres bien connu. Il s’agit ici d’une fâcheuse homonymie.

(1) Prière de se reporter à l’article  ci-dessous.

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Je ne sais pourquoi je veux  vous raconter cela, mais il faut que je le dise à quelqu’un, tant j’en ai gros sur le cœur ; mais par où commencer ? Ah oui ! Il faut que je vous parle de lui , vous savez bien, de celui qui venait à vélo, s’appuyait contre le mur, profitait de mon ombre en été; je lui donnais de bon cœur une mangue quand il avait besoin de vitamines et d’énergie et il me parlait ; cela il savait le faire et il me parlait en confident, en ami.

Je sais, j’aurais dû me méfier, mais il avait un tel air de sincérité et il parlait si bien(comme on dit chez nous « la lang na poin le zo ! ), de son amour pour la nature, pour les oiseaux, pour les arbres…Je le croyais mon ami ; Je me suis fait avoir.

Tout a commencé quand la case créole dans le jardin de laquelle j’ai poussé, a été démolie ; elle était bien sûr un peu cariatée, mais elle était encore bien belle et tenait toujours bon ; on aurait pu se contenter de la restaurer, mais non contents de la détruire, des hommes sont venus qui ont abattu mes frères et sœurs du jardin, le pié d’zavocats, le pié d’grenade, le pié d’bâton mouroung et puis ce fut le tour des bougainvilliers, des rosiers ; ce fut un carnage !…J’ai bien tenté de réagir, mais je n’étais pas libre de mes mouvements et puis mon ami ou plutôt celui qui se prétendait tel , tentait de me calmer en me disant qu’on replanterait mes amis, que de toute façon j’étais son préféré, que mes mangues étaient les meilleures de tout le quartier,  qu’il me ferait un rempart de son corps et que j’aurais la vie sauve ( J’ignorais à l’époque que c’était lui qui signait les condamnations à mort).

Puis les hommes se sont mis à creuser la terre pour faire des garages. Ils ont monté des murs, bétonné à tout-va . Là où régnaient la verdure, les fleurs , l’air et la lumière, toutes choses indispensables à la vie, ils ont entassé l’une sur l’autre des cellules de béton ; il m’a bien eu , le cycliste, quand il m’a assuré que mes amis seraient replantés ; il paraît que leurs lois les y obligent (1), mais comment le faire dans ce béton ?

Tout ce temps je souffrais moralement et physiquement, de la poussière, du bruit, de la disparition des miens, de la solitude, mais je vivais. Je ne comprenais pas que ces hommes avaient encore besoin de moi, que bien dissimulés derrière mon feuillage, abrités du regard des passants – j’aurais dû les ameuter, mais comment faire ?- ils continuaient à bétonner de plus belle. Ils cachaient même leur jeu en clouant des planches de bois par dessus le béton.

Jusqu’alors ils ne s’en étaient pas pris à moi, mais un beau matin, alors que mon soi-disant ami n’était pas là, ils me mutilèrent, me coupèrent une maîtresse branche sous le prétexte que je risquais de défoncer les fenêtres du premier étage : pourquoi donc avaient ils construit jusque sous mon feuillage ? Lorsque mon ami, ou du moins celui qui se disait tel arriva, je lui montrai, la rage au cœur, mon membre mutilé… il me parla longuement, la voix mielleuse, comme il savait le faire et m’expliqua qu’il prendrait des sanctions, mais que perdre une branche n’était pas à proprement parler un drame, que cela cicatriserait vite, que toute la sève irait dans la branche préservée et que mes fruits n’en seraient que plus beaux.  Je ne fus pas complètement rassuré ;  j’avais de sombres pressentiments.

Le pire était en effet à venir ; un jour les ouvriers se mirent à faire du bruit pour faire diversion et l’un d’entre eux s’approcha de moi avec une tronçonneuse . Après avoir sectionné toutes mes branches, il s’attaqua à mon tronc, le haut d’abord, puis la partie centrale et voilà ce qui reste de moi , un tronçon, un rondin, une souche…Ma rage, ma détermination n’étaient cependant pas entamés : je me sentais,  ce matin encore, capable de rebourgeonner , de redémarrer, de croître à nouveau , mais j’ai surpris tantôt une conversation entre mon « ami » et le chef de chantier ; il lui donnait un accord qui valait pour moi condamnation à mort , l’hypocrite ! Après m’avoir donné toutes les assurances possibles il déclarait à l’autre qu’il comprenait sa position, abondait dans son sens : je risquais – disait-il – de porter atteinte aux fondations par mes racines ; une solution radicale s’imposait !

Arbres, mes frères, avant que je ne parte pour le paradis des arbres(2) et des oiseaux, permettez-moi de vous donner un conseil : quand vous verrez s’approcher de vous un homme à la mine benoîte, poussant son vélo, ayant aux lèvres une déclaration d’amour pour la nature et  qui, niant toute évidence, prétendra même être « vert », vous n’aurez plus grand chose à espérer. Cherchez-vous des alliés, faites lui des crocs-en-jambe avec vos racines, laissez choir sur lui vos fruits les plus lourds et avant toute chose ne l’écoutez pas lorsqu’il prétendra être votre ami. Souvenez-vous de la phrase attribuée à Saint François d’Assise :  « Mon Dieu, protégez-moi de mes amis, mes ennemis, je m’en charge ! »

N.B. Toute ressemblance avec certain délégué à l’urbanisme de la ville de Saint-Denis ne serait en aucune façon le fruit du hasard.

Dpr974

(1) Mais ils s’asseyent sur les lois. Cf. article : CELA NOUS AURAIT BIEN PLU QUE LE P.L.U. SOIT RESPECTÉ… (réédition)

(2) Les seuls arbres qui trouvent grâce aux yeux de ce fourbe sont les arbres en béton Cf. la photo.

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