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Archive for the ‘Uncategorized’ Category


Notre île de la Réunion fut, dès l’origine, une terre de grande piété : il suffit pour s’en convaincre d’en faire le tour et de constater qu’elle est protégée par un chapelet de saints. Même les « Quartiers » qui au départ n’avaient pas de saint patron se sont empressés de faire comme les autres : c’est ainsi que le « Boucan Laleu » a pris le nom de Saint-Leu et que le poétique « Quai de la rose » a été rebaptisé Sainte-Rose. Seuls ont échappé à cette sainteté les montagnes et les villages de l’intérieur qui font penser au marronnage et témoignent de la présence malgache : Qu’on pense à Cilaos, Mafate ou Salazie (1) …

Il y a donc une cinquantaine d’années on ne pouvait faire cent pas dans nos chemins, sentiers et contours sans devoir se signer devant de petites niches en l’honneur de la sainte Vierge, toute de bleu et de blanc vêtue ; à côté d’elle le Sacré-cœur, drapé de vêtements flottants, laissait voir en relief un cœur écarlate, cependant que l’enfant Jésus gigotait allégrement dans sa crèche.

Une des nombreuses niches consacrées à Saint-Expédit.

À l’heure actuelle, par contre, en ce début de 21ème siècle, il n’y en a plus que pour Saint-Expédit : il trône dans les églises, à la Rivière du Mât, à Salazie, à Saint-Leu, à la Délivrance de Saint-Denis, à la Rivière du Mât et j’en passe…Sur les chemins et les sentiers, plus de quatre cents chapelles, oratoires et « niches » lui sont également consacrés. Sur cette question cruciale j’ai voulu avoir l’avis circonstancié de deux de mes vieux amis, connus sur les bancs de l’école communale, l’un, d’une foi de charbonnier que nous appelions « Zanfan Bondié » et l’autre auquel nous avions, étant donné que c’était un grand mécréant, attribué le surnom de « Coco Lenfèr ». Mais laissons leur la parole :

 

Coco Lenfèr : Bonjour Zanfan Bondié, il est bien joli, votre Saint-Expédit : on ne sait pas exactement d’où il vient ; on n’a pas la preuve qu’il ait été un Saint ; il n’a jamais été canonisé et un pape de Rome a même retiré son nom de la liste des Saints reconnus. Ceux qui croient en lui et en ses pouvoirs d’intercesseur auprès de Dieu sont en fait des esprits faibles, des ignares qui sont tout près de croire à la magie…

Zanfan Bondié : Coco, tu ne changeras donc jamais ? Les gens qui ont foi dans les pouvoirs de Saint-Expédit sont souvent des gens de qualité, comme Madame Chatel qui, à Marseille, a vu ses vœux exaucés : Elle voulait absolument rentrer à La Réunion et il n’y avait plus une seule place libre. Grâce à ses prières à Saint-Expédit elle a pu revenir rapidement à La Réunion. Pour remercier le Saint elle a fait venir une statue de celui-ci dans notre île. Cette statue a été placée dans l’église de la Délivrance à Saint-Denis et a été, depuis lors, l’objet d’un culte fervent (Encyclopédie de La Réunion : Tome 6, page 89). De même un ancien Préfet de La Réunion a fait installer une statue de ce Saint dans les rampes de la Montagne (Voir note ci-dessus).

C’est un fait que beaucoup de Réunionnais vénèrent Saint-Expédit et s’ils persistent dans cette foi, c’est que leurs prières ont été entendues : on ne fait jamais appel en vain à Saint-Expédit. Je te renvoie d’ailleurs à la prière à Saint-Expédit qui te renseignera sur l’étendue de ses pouvoirs (2).

 

Coco Lenfèr : ce que tu dis de Mme Chatel et du Préfet prouve seulement que des gens crédules ou superstitieux il y en a plus qu’on ne croit et qu’ils se trouvent dans toutes les couches de la société. Ainsi donc, toi aussi tu gobes toutes ces sornettes ? Il y a cependant des choses qui dépassent l’entendement : il paraît que si l’on demande à Saint-Expédit d’exaucer un vœu et qu’on oublie ensuite d’apporter en guise de remerciement les fleurs, les bougies ou l’ex-voto promis, cela n’est pas sans conséquences fâcheuses. Vrai pas vrai ? Les limites du crédible sont largement dépassées quand je découvre que l’on peut faire intervenir Saint-Expédit pour se venger de quelqu’un qui vous a causé du tort. C’est tout bonnement ahurissant ! Si Dieu est amour, je conçois difficilement qu’il puisse agir ainsi dans un cas semblable !?…

Zanfan Bondié : Si tant de gens croient en Saint-Expédit, c’est qu’il a répondu à leurs attentes, c’est que leurs prières ont été exaucées. C’est là-dessus, tout simplement, que repose le succès du Saint et le fait qu’il a de plus en plus de fidèles en France, à La Réunion, à l’île Maurice et surtout dans les pays d’Amérique latine, en particulier au Brésil…

Statue de Saint-Expédit à l’église de la Délivrance à Saint-Denis (La Réunion)

 

Coco Lenfèr : Je sais, dans tous ces pays les « miracles » sont légion. Il y en a même un dont j’ai été témoin : c’est ainsi que dans un « Quartier » des Hauts de La Réunion, un disciple du Saint a, sur son lopin de terre, inauguré une petite chapelle à Saint-Expédit. La nouvelle a vite fait le tour de la région et les fidèles ont afflué ; chacun disait ses prières, laissait dans des troncs des messages écrits adressés au Saint. Et soudain est entré un jeune homme (Probablement un membre de la famille du propriétaire des lieux) qui s’est dirigé vers un tronc disposé à cet effet et y a glissé des espèces sonnantes et trébuchantes. Il était signifié par l’exemple que prier était bon, mais qu’il était nécessaire de participer plus concrètement à la vénération du Saint. Depuis lors la chapelle a cru en dimensions : un fidèle avait trouvé par ce moyen la possibilité d’assurer à sa famille une existence à l’abri des privations.

Zanfan Bondié : Coco tu es toujours resté le même, toujours avec le doute en tête, avec une langue perfide, avec la volonté de mettre en cause la foi des gens simples. Je ne te suivrai pas sur ce chemin et je respecterai toujours les gens qui souffrent et trouvent dans cette foi des raisons d’espérer.

 

Coco Lenfèr : O.K, mais dis-moi Zanfan, il y a encore une question qui me turlupine : que fait la religion catholique, apostolique et romaine pour conduire ses fidèles dans le droit chemin ? On constate en effet qu’elle n’est guère active pour ramener ses brebis au bercail et lutter contre des croyances qui sont mêlées de superstitions.

 

Zanfan Bondié : Tu m’en demandes trop, mais je suis sûr que tu as ton idée là-dessus !

Coco Lenfèr : Tu sais que l’église catholique, au Brésil par exemple, fait bon ménage avec le culte de Saint-Expédit. S’il en est ainsi, c’est qu’elle a trouvé par là un moyen de résister à l’influence grandissante des cultes évangéliques : il vaut bien mieux pour elle d’avoir le soutien des fidèles de Saint-Expédit plutôt que d’entrer en guerre contre lui, car ce serait autrement courir le danger de conforter un « mouvement » qui pourrait faire sécession et se retourner contre elle, voire renforcer ses ennemis.

 

Robert GAUVIN

 

Notes :

  • Noms malgaches de « cirques » montagneux ou de petites agglomérations de l’intérieur.

 

 PRIÈRE À SAINT-EXPÉDIT DANS LA DÉTRESSE.

 

Saint-Expédit,

Vous qui êtes le protecteur de la jeunesse, des familles et des vieillards ;

Vous qui êtes le salut des écoliers, le bouclier des soldats,

Le viatique des voyageurs, l’avocat des pécheurs, la béquille des malades,

Le consolateur des affligés, le médiateur dans toutes les causes,

Le soutien très fidèle de tous ceux qui espèrent en vous ;

Vous qui êtes notre secours dans les affaires pressantes, venez à mon aide.

Je vous en prie, ne remettez pas à demain ce que vous pouvez faire tout de suite.

(NDLR : La dernière phrase nous semble assez comminatoire !)

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Bonjour Mesdames, bonjour Messieurs, bonjour à toute la société !

Vous savez, bien sûr, ce qu’est un rêve. Qu’il s’agisse d’un beau rêve ou bien d’un cauchemar, cela se passe pendant votre sommeil. Il arrive qu’une fois réveillé on ne se souvienne plus de grand chose, mais parfois c’est différent, on s’en souvient très bien. En ce qui me concerne, j’ai souvent la chance de me souvenir des rêves que j’ai faits. Pas toujours certes, mais cela arrive quand même assez souvent.

J’ai rêvé un jour que je savais lire : figurez-vous, en effet, qu’il y a dans notre île plus de 120.000 personnes en âge de lire et qui ne maîtrisent pas la lecture : eh bien! Je suis de ceux-là !

Vous savez, quand on naît sous une mauvaise étoile, toutes sortes de mésaventures vous arrivent. Vous êtes le premier à perdre votre travail, premier à avoir des ennuis avec l’administration, premier à souffrir du mépris de la société, premier à subir les mauvais coups de la vie. Je ne sais pas si vous en avez vraiment conscience, mais je peux vous assurer que quelqu’un qui ne sait pas lire, souffre beaucoup dans notre société fondée sur l’écrit. Et si vous ne savez pas lire, vous êtes comme un handicapé dans la vie…Cela finit par vous stresser, par vous tourmenter jusque dans votre sommeil. C’est allé si loin, qu’un beau jour…j’ai rêvé que je savais lire.

Cela m’a pris un jour où plus exactement une nuit : je me souviens de m’être levé et d’avoir marché dans toute la maison à la simple lueur de la lampe de sel. Je jure que j’ai vu ma maison comme je ne l’avais encore jamais vue ; j’arrivais même à lire les jours sur le calendrier, les actualités sur les pages des revues, collées sur la cloison, ainsi que les informations concernant vedettes et gens de la haute, sans compter les nouvelles des guerres dans telle ou telle région du globe. J’étais très heureux d’être capable de voir et de lire tout cela. Le prix des courses sur le carnet de boutique (1) m’intéressait également, même si ce n’était guère bon marché…(2)

Mais ce dont je rêvais depuis longtemps, s’est enfin réalisé : j’ai pu lire sur le carnet de notes de ma petite fille ce que la maîtresse pensait d’elle. Ah ! Ma petite-fille – Elle est pour moi le Bon Dieu – et de plus elle travaille très bien. La maîtresse ne tarit pas d’éloges à son sujet : « Bien ! Très bien ! Trop bien ! Bon travail ! Bonne volonté ! » Dans mon coeur je me disais : si elle continue ainsi, elle sera infirmièse (3) ou même docteuse (3). Quand on peut être l’un, on peut également être l’autre, n’est-ce pas ?

Mais voilà tout à coup le réveil qui se met à sonner. C’est l’heure de se lever. J’ouvre les yeux et la première question que je me pose est de savoir si je sais encore lire. Hélas, non ! Je ne le sais plus, mais alors plus du tout. Mon rêve s’est dissipé : je n’arrive plus à lire ce qui est écrit sur le calendrier ! Ni sur la liste des commissions du carnet de boutique. Je n’arrive pas davantage à déchiffrer le nom des vedettes sur les pages des magazines. Il en est de même pour les nouvelles de la guerre. Et en ce qui concerne le carnet de notes des élèves, impossible à moi de savoir si les résultats sont bons ou non. Mon rêve s’est envolé et avec lui ma capacité de lire en comprenant quelque chose…Fini, bien fini !… À moins qu’une prochaine fois, lors d’un prochain rêve…Ce que l’on a pu faire une fois, on peut sans doute le « re-bisser » (4). N’est-ce pas ?

Georges Gauvin.

NOTES :

  1. C’était le carnet en double exemplaire sur lequel le commerçant chinois notait pour les clients importants les achats et leur coût. Le règlement se faisant à la fin du mois.
  2. Les gilets jaunes n’auraient-ils pas déjà frappé ?
  3. Tous nos lecteurs auront bien compris ce que l’auteur veut dire.
  4. « Bisser » est bon, « re-bisser » est plus clair ! N’est-ce pas ?

 

illustration Huguette Payet

illustration Huguette Payet

Ceux qui veulent et savent apprécier le créole réunionnais auront plaisir à découvrir ci-dessous le texte original en créole de Georges Gauvin.

Moin la fé in rèv éstra : moin téi konète lir ! !

Mésyé, Médam, la sosyété, zot i koné kosa i lé in rèv, kisoi in mové rèv, kisoi in bon rèv. In rèv ou i fé sa kan ou i dor.Dé foi ou ansouvien pi, défoi ou i ansouvien bien. Par shans, souvan dé foi, mi rapèl bann rèv moin la fé. Pa tout biensir, mé désèrtin kant mèm…

Moin la rèv moin téi konète lir. Pars figir azot néna isi La Rényon plis san vin mil pèrsone an az lir i koné pa lir pou vréman, é moin osi pou mon par moin lé an parmi sak i koné pa lir…Zot i koné kan ou lé né sou in mové zétoil tout kalité kanikrosh i ariv pou ou. Promyé pou pèrd travaye ! Promyé pou an avoir bann z’annuiman avèk l’administrasyon ! Promyé pou ète méprizé dann la sosyété ! Promyé pou soufèr bann trikmardaz la vi.

Mi koné pa si zot i koné mé mi di azot in moun i koné pa lir i soufèr bonpé dann nout sosyété bazé dsi sak lé ékri, alor forsé si ou i koné pa lir ou lé konm andikapé d’ la vi… Afors ou néna lo stress pou in n’afèr konmsa, dé foi sa i zigil aou ziska dann out somèye. Sé konmsa k’in zour moin la rèv moin té i koné lir.

Sa la trap amoin in zour, plito in nuite, mi rapèl moin la lové épi moin la marsh partou dann la kaz. La lanp do sèl téi sifi pou fé in klarté dan la kaz. Mi jur moin la vi mon kaz konm moin l’avé zamé vi é anplis moin té i pé lir lo bann zour dsi kalandriyé, lo bann laktyalité dsi bann paz katalog kolé dsi lo kloizon avèk bann védète, bann moun la ote, épi ankor bann gèr d’isi d’laba dsi la tèr. Moin té kontan oir épi lir tousala. Mèm lo karné d’boutik moin té kontan oir sak lété marké dsi-solman lété in pé shèr lo bann komisyon.

Mé sak moin té i rèv dopi lontan l’arivé : moin la gingn lir dann karné d’note mon pti fiy sak la métrèss téi pans d’èl. A ! Mon pti fiy, fransh vérité, sa mèm mon bondyé é anplis èl i travaye bien konm k’i fo. La métrèss néna arienk konpliman pou èl : Bien ! Trébien ! Tro bien ! Gayar travaye ! Bone volonté. Dann mon kèr moin té i di si èl i kontinyé konmsa èl sar infirmyèz, pétète doktèz. Kan ou i pé fé l’inn, ou i pé fé l’ot !

Mé ala toudinkou révèye i sone. L’èr pou lévé l’arivé. Mi rouv mon zyé é promyé nafèr mi pans, si mi konète ankor lir. Non ! Mi koné pi ! Mi koné pi lir ditou. Mon rèv lé déyèr moin : Pi d’lékritir dsi kalandriyé ! Pi d’ komisyon dsi karné la boutik ! Mèm lo non bann védète dsi paz katalog mi gingn pi déshifré. Parèye pou la guèr. Tanka lo karné d’zélèv inposib amoin oir in n’afèr si lé bon sansa si la pa bon bon. Mon rèv lété parti avèk mon kapasité lir pou konprann in n’afèr. Fini ! Terminé tousa… ziska pétète in proshène foi, in proshin rèv. Sak la fé in foi, i pé ro-bissé non ?

Texte original créole de Georges GAUVIN.

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Quand Laramée fut condamné à mort…

(8ème…et 9èmeépisodes)

 Vous vous souvenez que Laramée avait fait danser un prêtre dans des buissons d’épineux, sapan, corbeille d’or et raisin marron. Ce fut pour le serviteur du Seigneur un véritable martyre. Le prêtre avait donc décidé de porter plainte contre Laramée. Mais comme le vieux soldat battait toujours la campagne, tantôt à gauche, tantôt à droite, « la loi » (1) n’avait pu mettre la main sur lui pour le livrer à la justice. Un jour cependant, on parvint à l’arrêter. Vite fait, bien fait, il fut condamné, à mort s’il vous plaît. Rien que cela!

 Il y avait une fois un monsieur le Foie qui mangea son foie avec un grain de sel…

guillotine.jpg

La création du docteur Guillotin

Le jour de l’exécution arriva … Une guillotine avait été montée dans la cour de la prison. Le bourreau avait été appelé qui devait  faire fonctionner l’appareil. On fit venir également un prêtre, un huissier et un médecin afin de constater qu’après l’exécution  le criminel était bien mort. Le prêtre qui avait dansé dans les sapans épineux fut aussi convoqué. Le jugement avait été relu à haute voix et il ne restait qu’à trancher le cou du criminel. Mais auparavant il fallait encore remplir une formalité, que l’on appelle la dernière volonté du condamné… J’ignore ce que vous auriez demandé dans un cas pareil, car là où l’on s’en va, on n’a pas, à vrai dire, besoin de grand chose ; il paraît seulement que dans cette situation d’aucuns auraient demandé une dernière cigarette ou  émis un vœu du même genre.

Kriké, monsieur ! Kraké madame ! La rafle de maïs coule à pic, la pierre flotte…

On demanda par conséquent à Laramée sa dernière volonté et le vieux soldat de répondre : «  Je voudrais jouer une dernière fois de mon violon ». C’est alors que le prêtre se mit à crier comme un cochon que l’on égorge : « Il ne faut surtout pas le laisser jouer de son violon, c’est un instrument maudit ! »… Mais vous le savez, la dernière volonté d’un condamné est sacrée et il ne saurait être question d’y déroger. Le prêtre continuait cependant de hurler. Le juge lui demanda de garder sa dignité : «  Vous savez mon père que l’on ne peut refuser à un condamné sa dernière volonté… Allons, qu’on lui donne son violon et qu’il en joue une dernière fois ! »

Laramée prit son violon et se mit à jouer : Tilili ! Tilili ! Tilili ! Tilala !  Et tout le monde se mit à danser. Souvenez vous de ce qu’avait dit le Bon Dieu à Laramée : « Tous les gens qui entendront le son de ton violon, se mettront à danser ! » Et c’était la vérité vraie : Les gens, assis sur les bancs se lèvent alors, se mettent à danser, s’emmêlent les jambes dans les bancs, tombent par terre. Le prêtre danse également tout en criant et sa grande robe se prend dans les chaises et les bancs ! Le bourreau tombe et fait la culbute sur le sol. Le juge en fait tout autant.

violoncelle

Le violon magique : tilili tilili, tilili tilala, tilouloute !

Laramée voit toute la pagaïe aux alentours. Il continue de jouer du violon, puis prend son sac et son fusil magiques et le voilà qui quitte la place. Une fois  hors de la vue des curieux, il range son violon et prend la poudre d’escampette.

Cette fois Laramée est sauvé. Pour lui recommence une période d’errance dans des pays éloignés afin qu’on ne le retrouve pas. Certains prétendent l’avoir vu ici, d’autres là. D’autres encore qu’on ne l’a pas vu, mais que l’on a entendu dire que des gens l’auraient vu et il y en a même  qui ont vu quelqu’un qui a vu quelqu’un d’autre qui raconte qu’un de ses camarades l’aurait vu. Mais Laramée est comme le furet bien connu…Personne finalement ne peut mettre la main sur lui et Laramée continuera de vivre un bon bout de temps ainsi…

Cette histoire n’est pas terminée…À nous le dixième « couplet » !…

 

 Note: « La loi »expression qui signifie « les gendarmes » en créole réunionnais.

Conte recueilli Par Georges Gauvin.

Traduction française de DPR974.

Illustration : Huguette Payet.

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1ère partie

L’enfance de Jean-René Grondin

Je suis pour l’état civil René Jean GRONDIN mais tout le  monde m’appelle Jean René.  Je suis fils de Marie Joseph Maurice GRONDIN et de Marie Bernadette DUMONT. J’ai vu le jour  en 1941, aux Colimaçons, au lieu-dit la Petite Ravine, dans une famille qui comptait déjà 7 enfants. Les temps étaient alors difficiles en particulier pour les familles pauvres des Hauts de la Réunion. C’était la guerre et la Réunion était encore Colonie.

Je me souviens de ma prime jeunesse, des champs de cannes ondulant jusqu’à l’Océan Indien, des chemins de terre parcourus par des charrettes tirées par des bœufs et par quelques rares voitures d’une poignée de favorisés du sort. Quoique pauvres nous n’étions  pas les plus mal lotis. Nous vivions près de nos  grands-parents. Nous étions des gens de la terre, mais sans terre. Nous cultivions surtout le géranium à la Chaloupe-St-Leu et à Trois-Bassins sur la terre des autres : celle-ci appartenait aux CHATEAUVIEUX, aux HIBON ou aux BEGUE.

char

Un jour mon père a dû avoir un différend  avec le gérant de la propriété BEGUE, qui l’a tout simplement prié de vider les lieux. Ce qui fut fait sans tambour ni trompette. Cela se passait en 1946.

Les hauts de St-André

Je ne sais pas exactement comment cela s’est passé, mais nous avons quitté les Hauts de l’Ouest pour les Hauts de l’Est et avons trouvé un point de chute à Menciol sur le territoire de la commune de St-André. Le terrain appartenait au Crédit Foncier puis plus tard il fut acheté par la Société BELLIER. Les cannes de cette zone étaient broyées à l’usine de Ravine Creuse.

(suite…)

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Quel titre étrange, voire paradoxal ! Comment un trou, synonyme d’enfermement, de prison, peut-il dans certains cas, évoquer à La Réunion, la liberté ? D’où vient ce goût des Réunionnais pour leurs cirques naturels, leurs grottes, leurs cavernes, leurs tunnels de laves, leurs trous de bébêtes (1), leurs îlets (2). Historiquement cela s’explique par le fait que les esclaves d’abord, pour échapper à la servitude, ont pratiqué le marronnage dans les endroits les plus cachés, les plus inaccessibles de notre île. Imités plus tard en cela par les descendants des colons blancs qui ne voulaient pas dépendre de l’autorité de leurs aînés, seuls héritiers des terres familiales : le trou c’était l’indépendance, c’était la liberté !

Nous avons déjà écrit sur des trous de la Réunion, le Trou Pilon, le Trou de Sas et le Trou de Cissia qui se trouvent dans le sud de l’île (3). Nous poursuivons aujourd’hui notre périple de découverte avec trois autres trous  dans l’Est, dont deux sont en fait des îlets : le « Petit Trou » avant le pont de l’Escalier sur la route qui mène à Salazie et, dans le cirque proprement dit, les « Trous Blancs » au pied du Gros Morne. Notre dernier point de chute sera le « Trou de Fer », une curiosité naturelle impressionnante qui mérite le détour ou à défaut un survol en hélicoptère…

 

 

Quand on s’engage sur la route de Salazie, viennent immédiatement à l’esprit les vers de notre poète national (4) évoquant l’intérieur de l’île :

«Perdu sur la montagne, entre deux parois hautes,

Il est un lieu sauvage au rêve hospitalier… »

C’est à Petit Trou, dans un cadre semblable qu’a vécu, Léon LARAVINE, un personnage singulier dont Catherine LAVAUX (5) nous rapporte l’histoire : « C’était une figure originale : sur le « rempart » dominant la route de Salazie, près d’une aiguille très pointue, il avait installé son « boucan » (6) à peu près à la hauteur de Petit Trou. A cet ancien combattant, le gouvernement avait donné, en récompense de ses bons services, un petit bout de terre. On pouvait y accéder facilement par le chemin de Dioré mais Léon préférait la rapidité et la difficulté en grimpant par le rempart à l’aide d’une échelle de corde. Il élevait là-haut bœufs, cabris, porcs, volailles qu’il tuait et descendait par son échelle pour aller les vendre à St-André. Il vivait comme un Robinson… Un jour on s’étonna de ne pas l’avoir vu de la semaine ; quelqu’un monta et le trouva mort… »

Près de P’tit Trou au lieu dit « La Passerelle », vivent aujourd’hui des familles qui doivent traverser la Rivière du Mât pour rattraper la route de Salazie. Dans les années 1960 monsieur COLLET père, pour pouvoir écouler ses produits agricoles,  construisit de ses mains et à ses frais une « passerelle » au-dessus de la rivière, qui donna son nom au petit village.

 

La passerelle de Mr Collet (collection privée).

La passerelle de Mr Collet (collection privée).

La vie était dure et la passerelle d’alors  rendit bien service jusqu’au jour où le RSMA (Régiment du Service Militaire Adapté) se fit un devoir de la doubler d’un pont carrossable.  Cela a tout changé : Quel bonheur de vivre aujourd’hui dans de tels « petits trous »  à l’abri du vacarme des villes ! Aspect idyllique, vie de Robinson, mais celui qui connaît la nature réunionnaise sait que tout peut changer très vite. À preuve les cyclones, les crues, les éboulements de terrain comme nous le verrons bientôt.

Les Trous Blancs.

Nous continuons vers Hell-Bourg pour nous rendre aux « Trous Blancs » au pied du Gros Morne. A écouter les gens du coin, ce site aux coteaux pentus a connu une histoire paisible. Pourtant, en 1875, selon un document des Archives Départementales, les habitants ont eu une peur bleue et ont été « obligés de déguerpir des environs du sinistre arrivé au «Grand Sable» en raison du danger qu’il y avait à demeurer dans une localité devenue inhabitable ». Quittèrent ainsi la zone dangereuse : LEBRETON Hubert, veuve BILLAUD, TECHER, DUGAIN Henri, DUGAIN Auguste, FESSARD André, FESSARD Jean-Baptiste, DAMOUR Exoïde, PAUSE Jean, SAUTRON Henri, L’INTÉRESSÉ Oscar, TOUSSAINT, NICOLAS Joseph, ROBERT Charles, JULIENNE F. , L’INSENSIBLE Eugène…

 

 

Que s’est-il donc passé à cet endroit ? Charles LEAL, journaliste mauricien, qui visita l’île en 1877 raconte cet événement dans son « Voyage à La Réunion ». « Il me tardait – écrit-il – de voir de près l’endroit où avait eu lieu le grand éboulis de 1875, qui a fait tant de victimes au Grand Sable. M. Joseph TECHER, un cultivateur de la Terre Plate, que j’avais rencontré le jour même de mon arrivée, voulut bien me servir de guide, me déclarant qu’il avait été témoin de cette effroyable catastrophe. Voici textuellement l’histoire des faits tels qu’ils se sont déroulés, et tels que M. TECHER se rappelle les avoir enregistrés dans une lettre écrite à l’un de ses amis, le lendemain même de l’éboulis. »

Eboulis du 26 novembre 1875. (Album de Roussin)

Eboulis du 26 novembre 1875. (Album de Roussin)

« Mon cher ami,

… La pluie qui, depuis plusieurs jours, tombait par torrents, venait de cesser, quand tout à coup, j’entends (un) bruit terrible … Encore à demi mouillé, je sors de la paillote qui me sert de cuisine, et alors un de ces spectacles qu’il n’est pas donné de contempler deux fois dans la vie, s’offre à mes yeux ! Les blocs, descendant du Gros Morne, roulaient les uns sur les autres, s’entrechoquant avec un bruit semblable au roulement du tonnerre, puis, rencontrant un Morne qui s’élève au pied des Salazes et qui, à ce qu’il paraît, est plus dur que le granit, s’élevaient à plus de cinquante pieds et retombaient en bondissant comme une grêle gigantesque. Peu à peu le calme s’est fait et alors nous avons pu nous rendre compte de l’horrible désastre. Cases, familles, et plantations, tout avait disparu dans le Grand Sable naguère si animé ; hier encore, une jeune fille du fond venait nous faire part de son prochain mariage et aujourd’hui, elle et son fiancé dorment sous l’éboulis. »

 

Le 24 novembre 1875, sous un amas colossal de roches et de terre, (18 millions de mètres cubes), 17 cases furent englouties entraînant la mort de 63 personnes.  Aujourd’hui une stèle rappelle cet événement tragique sur le sentier de la boucle des Trous Blancs.

 

Le Trou de Fer… ou comment j’ai échappé à l’enfer.

 

 

Cascade du trou de fer, photo V. Gauvin

Cascade du trou de fer, photo V. Gauvin

« Quoi ? », me dit mon interlocuteur, touriste fraichement débarqué sur notre île, « Vous prétendez être Réunionnais et n’avez jamais exploré le Trou de fer ? Vous êtes bien tous les mêmes. Vous habitez une île extraordinaire, l’île à grand spectacle, à en croire vos agences de voyage à court de superlatifs et vous ne connaissez pas le Trou de fer ?! »

Je fus tenté de répondre vertement à ce représentant d’une espèce fort répandue, celle des Jesaistout, pour qui le monde n’a pas de secrets et qui connaissent notre île intimement avant même d’y avoir mis le pied et s’en repartent au bout de quinze jours, fort des convictions forgées bien avant leur arrivée.

Je voulais, pour prouver ma qualité de Bourbonnais grand teint, de créole authentique, de Réunionnais de bonne extrace, en appeler à mes ancêtres venus de Bretagne, de Goa ou du Tamil Nadu, du Mozambique et de Madagascar. Je voulais mettre en avant ma maîtrise incontestée de la langue créole, mon addiction au piment, au rougail, au carri et au punch. Je voulais invoquer ma foi, résultat d’une subtile alchimie de plusieurs religions, judéo-chrétiennes, hindouistes et animistes. …Mais je sentis que le cas de mon interlocuteur était désespéré et pensai in petto: « À quoi bon ? » en me contentant de sourire…

Et pourtant il y avait là une faille dans mon armure, un manque dans mon éducation, une lacune dans ma culture : je l’avoue humblement, je ne connaissais pas le Trou de fer. Je me devais de réagir avant qu’il ne fût trop tard. Je décidai incontinent d’explorer cet abîme, d’entreprendre la descente quasiment abyssale du Trou de fer, de risquer ma vie s’il le fallait. J’en pris l’engagement solennel :

 

Croix de bois, croix de fer,                                                                                                                                                      Si je mens je vais en enfer !

 

Première possibilité : la randonnée.

Plusieurs possibilités s’offraient à moi que j’étudiais avec le plus grand sérieux, la première étant la randonnée, sac au dos, à partir d’Hell-bourg ou de la petite Plaine vers le gîte de Bélouve avec sa magnifique forêt de Tamarins des Hauts et de là vers la cascade du Trou de fer.

 

 La reine des Tamarins, abattue peut-être, mais vivante ! Photo V.Gauvin

La reine des Tamarins, abattue peut-être, mais vivante ! Photo V. Gauvin

 

Je me réjouissais à l’idée de rencontrer en chemin la « Reine des Tamarins », arbre gigantesque, qui par sa hauteur, son diamètre, ses branches, son feuillage offrait, hélas, trop de prise aux cyclones. À force de rafales, de vents tourbillonnants, de ralés-poussés, un cyclone plus intense que les autres avait fini par l’abattre. Mais même dans cette position allongée, inconfortable et peu naturelle pour un arbre, il avait retrouvé assez de force et de ressource pour continuer à plonger ses racines dans les profondeurs du sol volcanique et lançait vers les cieux des branches nouvelles.

Il y avait cependant deux inconvénients à choisir cette voie : D’abord le sentier qui était difficilement praticable en temps de pluie (7) et Dieu sait si les averses sont fréquentes dans cette région de l’île ! Cependant que l’eau venue du ciel s’infiltrait par le moindre interstice, sous l’imperméable on dégoulinait de sueur. Dans la grisaille on n’y voyait goutte et la progression s’avérait malaisée… On pataugeait dans la gadoue ; les chaussures collaient au sol, et au moment où l’on s’attendait le moins, le sentier se transformait brusquement en toboggan et l’on entreprenait sur les fesses une glissade involontaire d’une bonne dizaine de mètres, au risque de se retrouver dans les ronces du ravin, corbeilles d’or, sapans ou raisins marrons qui vous attendaient toutes griffes dehors. Dans le meilleur des cas on se relevait, pantelant, le visage scarifié, le corps endolori, complètement mouillé, berné (8 ) de pied en cap d’une boue visqueuse, en se demandant ce que l’on faisait là, ne sachant s’il fallait poursuivre sa route ou rebrousser chemin…Bref, très peu pour moi !…

 

Lorsque le guide touristique que je m’étais procuré, m’apprit en outre que l’on n’arrivait pas réellement au trou de fer mais à un point de vue d’où l’on apercevait, en l’absence de brume, entre deux averses, la cascade du trou de fer à une distance respectable, je renonçais à prendre cette route qui ne me permettait pas d’arriver à mes fins : descendre au plus profond du Trou de fer !

Si je choisissais cette voie je risquais d’être la risée de générations de touristes.

 

La deuxième possibilité : la technique de l’araignée.

Je décidai alors de changer mon fusil d’épaule et pour cela d’adopter la technique de l’araignée Nephila inaurata (à ne pas confondre avec le bibe vulgaire ou le babouk !) qui fait des prouesses de géométrie dans l’espace à partir du fil qu’elle fabrique en tant que de besoin. Je m’adressai à une équipe de canyonistes accomplis qui voulut bien m’initier et m’accompagner. Je me voyais déjà tout harnaché, chaussé de brodequins, la tête en sécurité dans un casque quasiment intégral. Je m’imaginais suspendu par un harnais et une corde à des sortes de piquets de métal, solidement fixés dans la roche dure. Tant bien que mal je progressais vers les profondeurs en repoussant du pied la paroi contre laquelle je risquais plus d’une fois de m’écraser.

Je me souvins alors que j’étais sujet au vertige et qu’il arrivait aussi – ce fut le cas récemment pour un malheureux alpiniste descendant les Salazes – que les piquets ne tiennent pas et que l’on soit précipité à quelques centaines de mètres plus bas avec le résultat qu’on devine aisément. J’eus la sagesse de renoncer à cette performance qui risquait de mal tourner.

 

L’araignée Nephila inaurata dans ses oeuvres…(Aquarelle H. Payet).

L’araignée Nephila inaurata dans ses oeuvres…(Aquarelle H. Payet).

 

Il ne me restait plus qu’une seule possibilité, le recours à l’hélicoptère…

On m’assura que ce moyen de déplacement offrait une sécurité satisfaisante, mais avant de m’engager plus avant je résolus de visionner un film sur le sujet. Ah, mes amis ce fut une expérience révélatrice qui hanta nombre de mes rêves avant le jour fatidique ! Je vis dans ce film comment l’aéronef décollait à la verticale en quelques rotations de ses hélices, puis, après le rapide survol de la plaine littorale, il s’engagea dans un lit de rivière entre deux parois qui progressivement gagnèrent de la hauteur. Bientôt il fut enfermé, enserré, bloqué : un mur à droite, à gauche un à-pic, en face une infranchissable muraille de Chine. Aucune issue, aucune perspective… L’hélico et ses passagers étaient pris au piège, mais le pilote, cet inconscient, ne semblait pas s’en faire, bien qu’il fût en charge d’âmes humaines. Que faire, Bon Dieu, Seigneur ! Que faire ?

Le bruit des pales du rotor se transforma, de bourdonnement il devint pétarade, puis vacarme que répercutait l’écho. L’hélico était condamné au sur-place. Dans le film les passagers s’affolaient, visiblement saisis de kap-kap (9). Une dame particulièrement pieuse, s’était déjà signée moultes fois ostensiblement… Soudain, ô miracle, alors qu’on ne s’y attendait plus, un espace se dégagea qui ouvrit à l’appareil une voie certes étroite, mais suffisante pour qu’il se faufilât sans demander son reste. Équipage et passagers étaient sauvés ! Alleluja !

 

Le film en question montrait alors l’endroit où devait commencer la plongée dans le trou proprement dit. Devant des yeux qui avaient du mal à rester dans leurs orbites, s’ouvrait un entonnoir dans lequel se précipitait une cascade qui se jetait à des centaines de mètres plus bas. Lentement d’abord, puis plus vite, l’hélico s’enfonça. En même temps s’amorçait un mouvement opposé de l’estomac, des intestins, bref des entrailles, qui voulaient trouver une issue… vers le haut. Comment cela allait-t-il finir ? Nul ne le savait, sinon peut-être le pilote qui gardait prudemment le silence… Tant bien que mal l’on arriva au fond de l’entonnoir qui ressemblait lorsqu’on levait les yeux à un tunnel vertical…On n’était pas au bout de ses peines, car il faudrait bientôt reprendre la montée !

 

Si la descente apparaît normale au commun des mortels en fonction des lois de la gravitation newtonienne, quelles sont donc celles qui sont à l’œuvre pour la remontée ? Je ne les connais pas toutes, si ce n’est que plus vite on monte et plus vite les entrailles, les tripes et autres boyaux ressentent une propension égale mais opposée à se précipiter vers le bas…

Une autre loi universelle également est celle qui nous enseigne que plus la situation est délicate et plus les appareils sophistiqués ont tendance à se dérégler…C’est à ce moment précis, en effet, que le bruit des pales se fit irrégulier, laissant craindre une panne plongeant équipage et passagers dans un doute métaphysique…

Après bien des vicissitudes et des tournés-virés l’on atteignit à nouveau le sommet de la cascade et d’un bond guilleret l’aéronef, comme délivré de la pesanteur, franchit la chaîne de montagne, déboula à toute vitesse dans le cirque de Salazie, frôla à la vole le Piton d’Anchaing et joyeusement regagna sa base. Ici finit le film.

Ils en sont revenus, photo V. Gauvin

Ils en sont revenus, photo V. Gauvin

…Deux jours plus tard j’eus de bonne heure un appel téléphonique urgent. La compagnie d’hélico m’annonçait que mon survol prévu pour cette date, devait être, hélas, pour d’impérieuses raisons météorologiques, annulé. Par politesse je feignis la déception, mais intérieurement je jubilais : mon esprit était soulagé, mon cœur bondissait d’allégresse. J’avais retrouvé l’optimisme et le goût de vivre. Le fameux survol en hélicoptère fut remis – Grâces soient rendues à Dieu – aux calendes grecques, ou si vous préférez à la Saint Glinglin !…

 

 

Christian Fontaine et Robert Gauvin.

 

 

Notes :

(1) Le « trou de bébête » évoque en créole réunionnais un coin perdu, situé au diable vauvert.

(2) « On appelle ainsi à Bourbon (La Réunion), les localités circonscrites comme des îles par des cours d’eau, des ravines et même de simples plis de terrain, sur les pentes des montagnes » (F.de Mahy, 1891). Cf. Le Dictionnaire illustré de La Réunion.

(3) Se reporter à l’article de ce blog intitulé : De la « Psychologie sociologique des trous »…

(4) Ce qui valait pour « Le Bernica », dans l’Ouest de l’île, sous la plume de Leconte de Lisle, convient parfaitement pour le cadre de l’îlet Petit Trou.

(5) Catherine Lavaux est l’auteur d’un livre remarquable sur La Réunion, constamment réédité depuis 1973, intitulé : «  Du battant des lames au sommet des montagnes ».

(6) Boucan : petite cabane de paille.

(7) Il faut reconnaître que depuis l’époque dont nous parlons l’O.N.F a travaillé à l’amélioration de ce chemin en construisant de nombreux caillebotis qui permettent d’échapper à la boue due à un climat particulièrement pluvieux.

(8) Nous créoles étions dans le vrai : le terme « berner » – courant en créole – n’existe pas dans notre Petit Robert français, mais l’internet nous apprend que J. Orr, s’appuyant sur une interprétation très plausible d’une expression utilisée par Rabelais, pense que le sens principal de « berner » serait « souiller » ; « berner » étant dérivé de « bren » (matière fécale). Cf : http://www.cnrtl.fr/ définition/berner in Etymol. et Hist.

(9) Kap-kap : avoir le kap-kap (Créole) : trembler de fièvre.

(10) D’après les connaisseurs de la terminologie géographique, le nom de Trou de fer serait utilisé par erreur. Le nom exact que l’on pourrait retrouver sur des cartes anciennes serait « Trou d’enfer » dont tous les visiteurs reconnaissent qu’il est tout à fait justifié. Une pétition devrait bientôt circuler pour obtenir la restitution de cette appellation contrôlable.

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La ministre des outremers, George Pau-Langevin, a effectué une visite de 2 jours dans notre île. Les récents événements intervenus autour du chantier de la nouvelle route du littoral ne peuvent que l’interpeller. D’autant que la décision du gouvernement de mettre fin définitivement au chantier déjà largement entamé du barrage de Sievens tel qu’il était conçu, ou le report de sa décision concernant l’aéroport de Notre-Dames-des-Landes, montre que rien n’est irréversible.

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Illustration : Vinci

George Pau-Langevin ne peut ignorer que l’un des chantiers routiers de France les plus complexes et les plus coûteux doit se construire sur le territoire de La Réunion.

  • Le coût initial (valeur 2010) du projet de la nouvelle route du littoral est de 1 milliard 660 millions d’euros, soit 133 millions d’euros le kilomètre ! Des moyens budgétaires conséquents ont été mobilisés sans qu’aucune expertise économique et financière n’ait été réalisée malgré les demandes maintes fois réitérées.
  • La construction en pleine mer de cette route, dont les besoins en matériaux s’élèvent à près de 20 millions de tonnes de roches, est porteuse d’impacts multiples sur le plan de l’environnement. Le Conseil National de Protection de la Nature a d’ailleurs émis un avis défavorable sur ce projet.

Force est de constater que l’État est jusqu’à maintenant pleinement engagé au côté de la Région Réunion pour la réalisation de ce projet. Celui ci ne pourrait voir le jour sans la participation financière importante de l’État et sans toutes les autorisations administratives liées aux réglementations notamment en matière d’environnement.

Le Gouvernement a donc une responsabilité quant à l’engagement et au suivi de ce chantier conduit sous la maîtrise d’ouvrage de la Région.

La Ministre des outremers ne peut donc qu’être interpellée par les premières difficultés rencontrées et qui font ressortir le caractère totalement inédit sinon aberrant de ce chantier périlleux :

  • Alors que des marchés ont été signés, la matière première du chantier n’est toujours pas garantie. On n’a jamais vu un chantier lancé sans que la matière première ne soit disponible ! Or, c’est ce qui se passe avec ce projet de route en mer. Va-t-on éventrer La Réunion, au mépris de toutes les règles environnementales et de prévention des risques, pour construire en pleine mer 12 kilomètres de route, en bouleversant l’écosystème et en défiant tous les phénomènes climatiques ?
  • Alors que le chantier n’en est qu’à ses travaux préparatoires, il n’a fallu que les intempéries modérées liées à la proximité relative d’un cyclone et d’une tempête tropicale, dont l’impact pour notre île a été par ailleurs minime, pour que le chantier de la nouvelle route du littoral soit perturbé par la houle et subisse des premiers dégâts : digues endommagées, déplacement des enrochements, emportement de la plateforme de remblais par la mer, nécessité de mise à l’abri de la plateforme de sondage et immobilisation du matériel, arrêt des travaux…

Que se passera-t-il quand La Réunion sera directement touchée par un événement climatique d’ampleur comme un cyclone ? Peut-t-on imaginer que durant les 7 ans initialement prévus de durée du chantier, La Réunion soit à l’abri de tout phénomène climatique extrême ? Faudra-t-il alors à chaque fois arrêter le chantier, mesurer les dégâts occasionnés sur le chantier et tout recommencer ?

Ces premiers événements ne sont que des prémices. Ils sont annonciateurs d’autres aléas qui vont inéluctablement conduire à une catastrophe prévisible. Le chantier de la route en mer ne pourra jamais être mené à terme dans les délais annoncés et va engloutir des moyens considérables, en pure perte.

Il n’est pas possible de ne pas analyser ces événements et de ne pas essayer d’en tirer les enseignements pour le présent et pour l’avenir. Il n’est pas possible de fermer les yeux devant la réalité qui se dessine sous nos yeux.

L’année 2015 est présentée comme celle du début d’exécution des premiers travaux. Va-t-on s’engager dans le scénario d’une catastrophe environnementale majeure au moment où Paris doit accueillir la conférence mondiale sur le climat ?

La décision du gouvernement de mettre fin définitivement au chantier déjà largement entamé du barrage de Sievens tel qu’il était conçu, ou le report de sa décision concernant l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, montre que rien n’est irréversible.

Prenant en compte ces éléments, le groupe des Conseillers régionaux de l’Alliance a sollicité une audience auprès de la Ministre des outremers.

Les conseillers régionaux de l’Alliance
20 janvier 2015

Tous nos remerciements (DPR974 ) vont à   http://www.7lameslamer.net/  .

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Les lutins statisticiens de WordPress.com ont préparé le rapport annuel 2014 de ce blog. En voici un extrait :

Le Concert Hall de l’Opéra de Sydney peut contenir 2 700 personnes. Ce blog a été vu 49 000 fois en 2014. S’il était un concert à l’Opéra de Sydney, il faudrait environ 18 spectacles pour accueillir tout le monde.

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2013 en révision


Les lutins statisticiens de WordPress.com ont préparé le rapport annuel 2013 de ce blog.

En voici un extrait :

Le Concert Hall de l’Opéra de Sydney peut contenir 2.700 personnes. Ce blog a été vu 37  000 fois en 2013. S’il était un concert à l’Opéra de Sydney, il faudrait environ 14 spectacles pour accueillir tout le monde.

Cliquez ici pour voir le rapport complet.

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SUR LES TRACES DU PÈRE DAUBENBERGER

Si vous voulez faire le tour de l’île en passant par l’Est, vous sentirez nettement, juste après Saint-Benoît, que vous entrez dans un autre univers. La route se fait moins large, les ponts rétrécissent, franchissant des ravines à sec dont le lit est constitué d’un chaos de basalte. Les maisons modestes en bois sous tôle semblent s’accrocher au sol. L’air y est différent, les contrastes de couleur plus forts. Les montagnes, les ravines, la végétation vous donnent le sentiment de pénétrer dans un monde mystérieux où des forces telluriques sont à l’œuvre, où les hommes ne font pas le poids face à la nature.

Vous en êtes là de vos pensées quand, soudain, au détour de la route, l’espace s’ouvre en grand et vous restez bouche bée devant une apparition, un édifice qui se détache sur l’azur du ciel : l’église de Sainte-Anne… Vous la connaissiez, bien sûr, mais la restauration  qui vient d’en être faite la rend plus belle, plus étrange, plus impressionnante encore.

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Ceux qui la voient pour la première fois se perdent en conjectures. De quel style est-elle ? Chacun a  entendu parler du style roman, du style gothique, du style classique…mais cette église-là est inclassable, originale, singulière en particulier par l’abondance de la décoration de sa façade et les couleurs de l’intérieur. Sommes-nous en Europe, en Orient ? Serait-elle la création d’un facteur Cheval des tropiques ? Ne sachant comment la cataloguer les journalistes, pour qualifier son étrangeté, la disent « baroque » (1). Elle surprend, intrigue, ne laisse personne indifférent.

Ce n’est évidemment pas l’église d’origine, fort modeste, que l’abbé Cornet avait commencé à bâtir en 1857. Celle-là a été fondamentalement transformée  à partir de 1921 quand arriva dans cette paroisse du bout du monde le père Georges Daubenberger, d’origine alsacienne, fils d’architecte et missionnaire en Afrique où il a construit    églises, écoles et léproseries.

Il faudrait pouvoir lire dans les pensées du père à son arrivée à La Réunion, imaginer peut-être sa désillusion, deviner ses craintes et ses espoirs : l’île de la Réunion de 1921 sentait encore à plein nez la colonie, avec sa misère, ses cases en paille, ses enfants dont beaucoup mouraient en bas âge, ses hommes et ses femmes allant nu-pieds. La plus grande partie d’entre eux était analphabète et le métissage qui avait fait se rencontrer dans ces confins du monde l’Afrique, l’Asie et l’Europe, n’était pas seulement génétique, mais aussi culturel et religieux : chacun se concoctait sa religion personnelle où se mêlaient  éléments de doctrine chrétienne, croyances hindouistes et sans doute aussi culte des ancêtres et pratiques relevant de la sorcellerie. Dieu, ici, pouvait prendre des noms et des formes multiples …Pour les chrétiens, ou baptisés comme tels, ce n’était pas le Dieu d’amour (arrivé bien plus tardivement sous nos latitudes) qui régissait le monde, mais le Dieu justicier et prompt au châtiment de l’Ancien Testament (2).

On imagine le père Daubenberger autoritaire, bourru, marqué par sa culture germanique (Il est né et a vécu toute sa jeunesse dans une Alsace rattachée à l’Allemagne ; en Afrique il a travaillé en tant que prêtre dans les colonies allemandes). On l’imagine parlant français avec un accent à couper au couteau. Connaît-il le doute devant la tâche qui l’attend ? Si oui, alors il le balaie certainement très vite. Il n’est pas homme à baisser les bras. Le père Daubin, comme l’appellent ses ouailles, a le sens de la décision, de l’organisation, de l’action. C’est un homme  qui a la foi en Dieu, mais aussi la foi des bâtisseurs. Il sait, en outre, communiquer son énergie, transmettre son enthousiasme.

Détails de la décoration de la façade.

Détails de la décoration de la façade.

Il décide de transformer l’église, d’en faire quelque chose de remarquable  avec l’aide d’un maçon expérimenté, Raphaël Calciné. D’après celui-ci, cité par le Mémorial de l’île de la Réunion, «  le père Daubin  voulait quelque chose de splendide aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur ».  Il décide de décorer la façade,  de placer le clocher sur le devant et de construire une petite chapelle en l’honneur de Sainte Thérèse de Lisieux (Celle-ci a été canonisée en 1925).

Il s’attaque d’abord à la façade et à la décoration, faite de milliers de pièces moulées : « les motifs ont été fabriqués pièce par pièce, raconte R. Calciné (in le Mémorial ). En bas dans l’église, les filles de Marie et le père coulaient le ciment dans les moules que le père avait fait fabriquer d’après ses dessins. Plus tard ils les démoulaient et  les assemblaient par séries de 4 ou 5 sur des bases en ciment. Quand le tout était sec, on le montait sur la façade où je procédais à l’assemblage final ».

Dans son entreprise le père entraîne les enfants du catéchisme, les filles de Marie, des bénévoles : cette église sera leur création, l’objet de leur fierté, un témoignage de leurs capacités. Les fidèles qui construisent l’église s’approprient l’édifice. C’est leur bien, leur église qui enracine un peu plus en eux la foi chrétienne.

Intérieur de la Chapelle dédiée à Ste Thérèse.

Intérieur de la Chapelle dédiée à Ste Thérèse.

En outre, cette église inclassable correspond à leur métissage culturel, à leur penchant pour une décoration surabondante, à leur goût  pour la couleur (2). Il n’est besoin pour s’en persuader que de contempler  l’azur du ciel constellé de roses de la chapelle Sainte Thérèse. Ce n’est pas une église européenne transplantée sous le ciel des tropiques ; c’est une église selon leur cœur.

Cette église répond aussi aux besoins de repères des fidèles : en pédagogue averti le père Daubin  fait installer dans la chapelle trois demi-globes moulés en ciment. Sur le premier l’on voit La Réunion et ses communes, sur le second la France et ses départements et sur le troisième on découvre essentiellement où se situe La Réunion par rapport aux îles voisines, à l’Afrique et surtout à la France : c’est qu’à l’époque rares étaient les Réunionnais qui étaient sortis de leur île. Ils ne se doutaient pas que « Dehors est un grand pays… » comme l’écrit le poète Alain Lorraine. Pour la plupart des habitants de Sainte-Anne l’horizon se limitait alors à Saint-Benoît. Aller à  Saint-Denis relevait de l’expédition vers une terra incognita.

En grand sur le globe la Réunion et ses communes.

En grand sur le globe la Réunion et ses communes.

Le prêtre-bâtisseur de Sainte-Anne est un homme exceptionnel, auteur d’une réalisation hors du commun, intrigante, unique. Son originalité fait que la façade de l’église, son clocher et la chapelle consacrée à sainte-Thérèse en totalité ont été classés sur la liste des monuments historiques en 1982 et qu’elle attire de plus en plus de touristes (3).

Le père Daubenberger a marqué de sa personnalité, de ses réalisations le bourg de Sainte-Anne et sa population. Sainte – Anne ne peut se concevoir  sans la présence du père Daubenberger. Sainte-Anne, c’était sa vie, son œuvre. Et l’on comprend aisément, qu’après un apostolat de 25 ans, il ait voulu être enterré dans le chœur de son église.

Robert Gauvin

 

Notes :

1)   baroque, du portugais « barroco » qui signifie « perle irrégulière ».

2)   La question de la couleur n’est pas secondaire. Elle a été encore l’objet de longs débats au moment de la restauration qui vient d’avoir lieu ; certains s’opposaient à l’utilisation du jaune qui faisait « trop malbar ! » Les couleurs finalement adoptées, gris, jaune pâle et terre cuite sont du plus heureux effet.

3)   Le jour de notre visite il y avait nombre de touristes métropolitains et un car entier de Mauriciens. Il nous semble que l’accueil peut être nettement amélioré : pourquoi n’y a-t-il pas à l’entrée, outre les documents d’ordre religieux, des cartes postales de l’édifice et des brochures sur l’histoire de l’église et son architecture? D’autre part le panneau de renseignements qui se trouve sur la droite de l’esplanade n’est pas immédiatement visible et n’est pas en très bon état. Il y a, paraît-il, des visites guidées ; comment sont elles organisées ?

Remarque complémentaire : L’église de Sainte-Anne est si originale qu’elle a été choisie comme cadre de la cérémonie de mariage du film de François Truffaut « La sirène du Mississipi ». Jean-Paul Belmondo se mariait à Catherine Deneuve  et le couple recevait la bénédiction du prêtre, rôle joué par Albert Ramassamy, secrétaire de la section locale du Sni (Syndicat national des instituteurs) et futur sénateur socialiste.

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Les lutins statisticiens de WordPress.com ont préparé le rapport annuel 2012 de ce blog.

En voici un extrait :

4.329 films ont été soumis au festival de Cannes cette année. Ce blog a été vu 31 000 fois en 2012. Si chaque vue était un film, ce blog pourrait supporter 7 festivals.

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