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Archive for the ‘« Foutan »’ Category


DPR a retrouvé une lettre de M. Miguet parue dans la Presse réunionnaise dans laquelle il faisait état d’une déclaration de M Didier Robert, Président du Conseil Régional de la Réunion, concernant la langue créole. DPR se fait un plaisir de l’offrir à nouveau à ses lecteurs. Elle en vaut la peine. DPR974.

« Le 8 juin 2011, sur les ondes de France Inter, M. Didier Robert déclare : enseigner le créole est ‘ passéiste’, ‘d’arrière-garde’. Très bien ! Maintenant, M.Robert, je vous propose l’exercice suivant : dans cette proposition, remplacez ‘ enseigner le créole ‘ par ‘Didier Robert ‘. Cela donne (n’est-ce pas ?): ‘Didier Robert est passéiste, d’arrière-garde ‘. Si moi, Emmanuel Miguet, je déclare ça, je m’expose à ce que l’on m’objecte :  ‘ Sans la moindre justification, le moindre argument, vos appréciations, M. Miguet, totalement subjectives, nous apprennent peut-être quelque chose sur vous, mais faute d’éléments objectifs, sur M. Robert, rien !’ Qui me dirait cela aurait parfaitement raison. Devant donc justifier mon propos, je dis, au moment où l’humanité cherche à diminuer les émissions de C02, où la planète va droit dans le mur avec, à échéance prochaine, une élévation de la température de plus de 2° ; où, dans le monde entier, les agglomérations urbaines se dotent de transports collectifs électro-ferroviaires, dire que l’on va remplacer le tram-train par deux mille autobus – soit pare-choc contre pare-choc, 20 km de ferraille polluante, bruyante et mal commode – c’est le comble du passéisme et de l’arrière-garde (2).

 

Ayant fourni mes raisons, je suis, désormais légitimé à déclarer : ‘ Avec Didier Robert a été porté à la tête du Conseil Régional de La Réunion quelqu’un qui, foncièrement passéiste, mène des politiques d’arrière-garde, incapables de permettre à La Réunion d’affronter le monde difficile et dangereux dans lequel nous entrons ‘. À votre tour, M. Robert ! Vous avez publiquement dit qu’enseigner le créole était passéiste, d’arrière-garde…Six semaines plus tard, nous attendons toujours les arguments susceptibles de nous convaincre du caractère objectif de votre propos, faute de quoi vous nous obligerez à considérer que vous en usez des questions de linguistique comme de l’Australie et de la coopération internationale : avec la même légèreté, la même irréflexion et la même incompétence. (3)

 

Jusqu’à maintenant, le seul argument que vous ayez produit, le même jour sur France Inter, est celui-ci : ‘Tous les Réunionnais parlent le créole. Donc enseigner le créole à l’école n’a pour moi que peu d’utilité ‘.

Magnifique, M. Robert ! Au moment où l’état cherche à faire des économies, vous vous rendez compte, ces milliers d’inutiles qui émargent au budget à enseigner le français à des Français qui parlent tous le français ! Vous avez Jacqueline Farreyrol à l’Assemblée Nationale : par sa bouche, n’attendez plus pour tonner contre ces parasites de la société, ces affameurs du peuple, ces sangsues qui sucent le sang des pauvres gens ! Démasquez l’astuce avec laquelle, depuis trop longtemps la mafia des profs de français a réussi à faire prendre des vessies pour des lanternes et à faire croire à l’utilité d’enseigner le français à des Français qui parlent tous le français…Et puis M. le leader de l’UMP (4) réunionnais, l’UMP a des élus au Parlement européen : il est urgent d’ouvrir les yeux à ces pauvres Anglais qui dépensent leur bel argent à enseigner l’anglais à des Anglais qui parlent tous l’anglais, à ces malheureux Polonais qui se ruinent à enseigner le polonais à des Polonais qui parlent tous le polonais…

 

Le monde vous attendait M. Robert !

Je rédige tout de suite votre plaque au Panthéon : « Didier Robert, bienfaiteur de l’humanité, a délivré le peuple français de ses profs de français, les Chinois de leurs profs de chinois et les Réunionnais de leurs profs de créole réunionnais.  Ex Tampone lux. Koméla la lïmyèr i sorte Tampon. » (Cf note 1)

 

Emmanuel Miguet

 

Notes :

  • Ex Tampone lux : Du Tampon jaillit la lumière. (M. Didier Robert, natif de Saint-Pierre, est très lié à la région du Tampon.)
  • La priorité donnée à la route et à l’automobile, (voire aux bus ?) est un choix de Didier Robert, Président de la Région Réunion.
  • La politique internationale de Didier Robert en Australie : qui s’en souvient ?
  • Monsieur D. Robert a été un membre influent de l’UMP, (parti de M. Sarkozy) et semble à l’heure actuelle très attiré par La République en marche de M. Macron.

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 M. G, la souffrance linguistique, vous connaissez ? J’ai vu des adultes pleurer au simple souvenir de ce qu’ils ont vécu à l’école. Ils y étaient arrivés avec la seule langue qu’ils aient apprise dans leur famille, une famille qui était capable de vivre, de communiquer, de traiter toutes les affaires de sa vie avec le créole , ce créole même que les méprisants disent n’être pas une langue. Et voilà qu’arrivé à l’école, dès qu’il commence à s’exprimer, José T, on lui intime de parler « bien ». Il découvre tout d’un coup, à six ans, qu’il parle « mal » , que sa maman parle « mal », et son papa, et ses frères et sœurs, et ses voisins, et le chinois de la boutique, et les bazardiers , et le facteur…

À  six ans il découvre qu‘il y a deux mondes : le monde bien et le monde mal. Lui, tout son univers est le monde mal. La seule langue qu’il sache parler, l’école, institution de la République, lui déclare qu’elle est classée « mal ». À six ans il a bien compris. Il n’a plus parlé…Comment aurait-il parlé ? Toute sa vie, familiale, professionnelle en a été marquée. Jusqu’à aujourd’hui c’est un timide, un introverti, mon ami José. Et combien comme lui, comme cette femme que j’ai vue encore, pas plus tard qu’au mois de juillet à La Plaine des Grègues : devant 120 personnes, elle s’est levée pour témoigner de sa scolarité humiliée ; elle en avait des sanglots dans la voix, elle a encore pleuré, mais de joie, à l’idée qu’aujourd’hui l’Éducation nationale, offre à des enfants de La Réunion, encore en trop petit nombre, les possibilités ouvertes par les classes bilingues et les classes Langue et Culture Réunionnaises (LCR).

À La Plaine des Cafres, j’ai assisté à l’assemblée générale de la structure semi-coopérative. Tous les professionnels paysans ne parlaient que créole. La brochette de notables qui se trouvait sur l’estrade parlait français. Quand un paysan avait quelque chose à dire – cela concernait forcément son métier, son gagne-pain, sa vie – il prenait son courage à deux mains et s’exprimait dans la seule langue qu’il connaissait. Après tous les discours qu’on venait d’entendre en français, cela détonait tellement que cela soulevait un rire, puis un autre, venu de ceux-là même qui ne parlaient que créole, jusqu’à ce que bientôt tout le monde rie, y compris les notables, y compris le malheureux qui, rouge de confusion, se rasseyait. Et plus aucun paysan ne parlait. Et ceci, assemblée après assemblée, année après année. Et la brochette prenait les décisions sans qu’aucun des intéressés n’ait pu dire son mot, alors que c’était leur destin qui était en jeu, que ce sont eux qui se levaient à 4 heures du matin, par zéro degré, sans électricité alors…

Des linguistes du monde entier se sont penchés sur les créoles, français, anglais, espagnol, néerlandais, et appellent les créoles :  des « langues » pour des raisons scientifiques évidemment. Le créole de La Réunion est répertorié par l’Unesco comme langue… Mais j’ai vu beaucoup de ceux qui tirent toute leur estime de soi, d’avoir été, eux, capables de maîtriser le français : ils considéreraient comme une déchéance personnelle l’éventualité que le créole ait le même statut que le français, parce qu’alors s’évanouirait le seul motif de leur sentiment de supériorité, maîtriser la langue qui donne le pouvoir… Êtes-vous de ceux-là Mr G ? Où va-t-on, mon pauvre monsieur, si le statut de langue – scientifiquement indéniable – étant institutionnellement reconnu au créole, dès lors, tous ceux qui le parlent, du jour au lendemain devenaient les égaux de ceux qui le parlent aussi, ou qui ne parlent que le français ? Oui, je suis d’accord avec vous : sale coup pour tous les gens bien, « Bien » parce qu’ils parlent français.

Si tous ceux qui s’expriment en créole, d’un coup, devenaient, eux aussi des « gens bien » !

 

Emmanuel Miguet.

Notes :

1)  Il y a quelque temps, paraissait dans les quotidiens de La Réunion, cette lettre destinée à Mr. G., anti-créole notoire.  Dpr974 a estimé qu’il n’était pas nécessaire de le désigner sous son nom complet, car ce Mr G est l’archétype de tous les Mr G. de La Réunion et d’ailleurs. Nos lecteurs en connaissent quelques uns.

2)  Pour ceux que la question des langues créoles intéresse, nous recommandons vivement la lecture de l’article de l’Express du 7/O2/2018, intitulé « L’hypocrisie de Macron » signé de Michel Feltin-Palas.

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Que demande – t’on à des amis du dehors qui revoient La Réunion et Saint-Denis après dix ans d’absence ? Après les salamalecs d’usage, les informations sur la santé et sur ce que deviennent les enfants, la question ne rate pas : « Comment trouvez-vous notre chef-lieu ? Il a beaucoup changé, n’est-ce pas ? Il s’est bien modernisé, pas vrai ? » Et la réponse arrive, sans nuance :

«  Assurément Saint-Denis a beaucoup changé, parfois en mieux, d’autres fois en moins bien, mais ce qui nous a frappés le plus à Saint-Denis, c’est la saleté ! Pas partout, mais il y a près de certains lieux où l’on consomme, des papiers gras ou des sacs plastique qui traînent. L’on voit aussi trop souvent des villas ou des cases créoles qui auraient besoin d’un bon ravalement de façades.… Dans plus d’un quartier en dehors de l’Hyper – centre subsistent des murs noirâtres, tagués de dessins pas tous artistiques, des maisons délabrées qui s’effondrent sur elles-mêmes.

la maison délabrée du 112 rue Jules AUBER

Comment se fait-il qu’il y en ait tant de ces maisons ? Les propriétaires sont-ils des personnes désargentées ? Ou plutôt des spéculateurs qui attendent que la maison soit détruite par les intempéries, les carias ou la maladresse espérée des clochards, afin de pouvoir bénéficier de permis de construire de complaisance qui ne tiennent guère compte des préconisations du PLU ( Plan local d’urbanisme ?) »

Je fus obligé de reconnaître qu’ils n’avaient pas tort ; je m’empressai toutefois de changer de sujet de conversation et les invitai à lever leur verre pour fêter nos retrouvailles … Et pourtant il y aurait eu des choses à dire !…

Il aurait fallu admettre :

  • que pour une case créole restaurée il y en avait bien dix qui disparaissaient au profit des spéculateurs qui s’empressaient de construire des immeubles afin de toucher le Jackpot, en particulier dans le fameux quartier en or du centre – ville de Saint-Denis.
  • Que le plan local d’urbanisme, protégeant les constructions anciennes d’intérêt architectural, n’était pas toujours respecté et qu’il y avait beaucoup d’affinités – voire même de collusion, entre les bétonneurs à tout va et certains services d’urbanisme municipaux.
  • Que les restaurations, par exemple celle de l’Église de la Délivrance et celle de la Cathédrale à Saint-Denis étaient l’arbre qui cachait la forêt : il n’y a pas un seul ensemble qui soit sauvegardé comme dans d’autres ville de France, d’Allemagne ou des USA, pour ne citer que ces pays.
  • Que même la « rue de prestige », la rue de Paris, qui aurait pu être un ensemble cohérent préservé, ne l’est pas et que beaucoup de libertés sont prises avec le respect du patrimoine : il suffit en effet de regarder derrière la nef de la Cathédrale comment on a, avec la bénédiction de certain « Architecte des Bâtiments de France », transformé un bâtiment ancien, en boulangerie, logement avec piscine et conteneur bleu en suspension !!!
  • Que, même si l’on doit densifier pour répondre aux besoins de la démographie, on ne peut le faire partout : Il y a certes des espaces où l’on doit densifier, ou l’on peut construire en hauteur et d’autres où le patrimoine bâti doit être respecté avec ses jardins, sa verdure, ses fleurs…Le respect de notre architecture, de nos cases créoles traditionnelles, fera que notre ville attirera davantage de touristes. Le tourisme n’est – il pas, en effet, un axe important que La Région affirme, haut et fort, vouloir développer ? »

Il aurait fallu aussi parler d’un autre phénomène qui sévit à l’heure actuelle à Saint-Denis, à savoir la débauche de peinture à laquelle on assiste dans certains quartiers, comme celui de l’ancienne gare de chemin de fer, dans le bas de la rue de l’Est, de la rue Victor MacAuliffe et de la rue Jules Auber. Ici on ne craint pas le contraste, on n’a pas peur de choquer, on plonge bien hardiment ses pinceaux ou ses rouleaux dans des bacs de peinture aux couleurs disparates, on en met plein la vue ! Les visiteurs et les habitants de ces quartiers assistent impuissants, à une débauche de couleurs, à une véritable orgie de rouge sanguine, de jaune pétard, de bleu inquiétant, quand cela ne devient pas une cacophonie d’orange, de vert, de rose bonbon mis côte à côte. Ces artistes- peintres seraient-ils tombés sur des fonds de bacs de peinture inemployée à utiliser sans tarder pour ne pas risquer de les voir se dessécher ?

 

une orgie de couleurs

On avait jusqu’ alors l’habitude à Saint-Denis de voir les gens construire n’importe quoi, n’importe comment, avec ou sans permis de construire, en se souciant comme d’une guigne des formes et des styles de l’environnement bâti, mais à présent cela échappe à toute interprétation rationnelle, cela dépasse l’entendement, défie l’imagination et l’on se demande ce que cela peut bien signifier : on a le sentiment que les gens agissent en fonction du principe créole bien connu, synthétisé dans la formule : « Moin lé pa la èk sa ! » (1) Autrement dit, est affirmé au vu et au su de tous, qu’on n’a de compte à rendre à personne, que chacun d’entre nous est libre de faire ce que bon lui semble. Bref c’est une affirmation haute et solennelle de sa liberté !

une cacophonie de couleurs !

On nous avait naguère éduqués autrement : nous devions obéir aux principes d’honnêteté, de solidarité, de respect d’autrui : ces principes appartiennent apparemment à un passé révolu. Je ne sais si c’est un progrès ou un retour à des ères plus anciennes ou plus exactement, si en ce 21ème siècle commençant, nous ne serions pas revenus à la Cour du Roi Pétaud.…Il est vrai qu’en matière de couleur, l’exemple vient d’en haut : un homme de l’art, architecte des Bâtiments de France, n’a-t-il pas, quand il a été nécessaire de ravaler la façade de l’Hôtel de ville de Saint-Denis, décidé de le faire peinturlurer en ocre, couleur qu’il affectionnait particulièrement, au lieu de lui rendre sa couleur blanche, « marmoréenne » que lui avaient donnée ses bâtisseurs… Car tel était son bon plaisir ! …(CF. article du blog intitulé : Car tel est notre bon plaisir… )

DPR 974.

Notes

1) Cette expression créole signifie : «  Je m’en moque éperdument »

2) Un mot sur les trottoirs de Saint-Denis : Saint-Denis est sale et arpenter ses trottoirs est devenu, en dehors de l’hyper – centre (comme c’est joliment dit !) une entreprise périlleuse. Ils fourmillent de pièges, de cabosses et de bas-fonds où l’on court le risque de se casser la figure, voire le col du fémur… Certains d’entre eux sont si étroits que ne peuvent s’y croiser que des mannequins de haute couture souffrant d’anorexie à un degré avancé (ce qui est un peu rare chez nous en cette ère de malbouffe !)

3) La coquette malpropre, selon l’expression que j’ai entendue dans ma jeunesse, était une jeune fille qui se souciait peu de la propreté, mais utilisait massivement pour donner le change, des baumes, des crèmes, des fards, des onguents.

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Au sud de Saint-Gilles-les-Bains un petit chemin sur la gauche mène vers la colline. C’est là que se trouve, non loin de quelques maisons modestes, l’héliport désaffecté…Le lieu a retrouvé le calme d’autrefois. Effacé le bruit des rotors, oubliée la circulation intense du littoral…  Derrière les filaos on devine  le bercement perpétuel de l’océan.

Le palmier-relais de Saint-Gilles

La seule chose qui frappe celui qui s’est garé sur la petite place est un arbre, un palmier qui a, ma foi, fort belle allure. On en deviendrait presque lyrique : on  se surprend à murmurer  les premiers vers du poème de Verlaine, admirable en sa simplicité :

« Le ciel est par dessus le toit,

Si bleu, si calme.

Un arbre par dessus le toit,

Berce sa palme.»

L’arbre semble défier le ciel. Il offre aux regards son tronc marqué des anneaux du temps qui passe ; son stipe arbore cependant une teinte brun-clair un peu trop uniforme. Au sommet, une couronne de palmes aux feuilles toutes identiques…trop identiques… se détache sur l’azur… C’en est fini de la rêverie ; on revient à soi et l’on se rend compte que ce palmier est bizarrement entouré à sa base d’un quadrilatère de fer comme l’on en trouve parfois autour des statues des grands hommes auxquels la patrie reconnaissante élève un monument…

A regarder de plus près on constate que ce que l’on prenait pour une création de la nature est en fait une manifestation du « génie » humain, une réalisation culturelle, une « œuvre d’art » : c’est l’homme qui l’a conçue et façonnée d’acier et de… plastique… J’entends d’ici des gloussements qui sont absolument hors de propos !

Ce palmier  n’est pas un  arbre ordinaire, c’est une représentation d’arbre, un arbre fictif sans doute, mais sa plantation n’offre que des avantages : une fois dressé, il ne réclame guère d’entretien : Point n’est besoin de ramasser ses palmes tombées, les oiseaux-bélier ne peuvent effilocher ses feuilles pour construire leurs nids, les carias se casseraient les dents à vouloir le ronger, les cyclones n’ont guère de prise sur son tronc « armé »…

Avec le seul souci de l’ésthétique…

Certains pourraient regretter qu’il ne porte guère de fruits. Sans doute. Par contre il intègre en sa couronne – j’oubliais de vous le dire – les antennes relais d’une marque bien connue de téléphonie. Ceci ayant pour objectif, nous dit la publicité, «  la réduction de la perception visuelle des équipements de téléphonie mobile. L’intégration paysagère permet de préserver les magnifiques panoramas de notre île grâce à des installations en harmonie totale avec le voisinage ». Voilà qui est admirablement dit. N’est-ce pas ?

Nous nous devons donc de rendre hommage à cette compagnie qui contribue de manière si désintéressée au respect de la beauté de notre île.

Il est certes des mauvais coucheurs, des pisse-vinaigre, des critiques professionnels qui poseraient encore des questions insidieuses, tendancieuses, indiscrètes du genre : combien ces antennes rapportent-elles chaque année à la compagnie en question ?… Fi, les vilains !… Le seul souci des créateurs de ces palmiers d’une espèce nouvelle est de contribuer à l’esthétique de nos paysages. Tenez le vous pour dit !

Robert GAUVIN

enraciné dans la lave du volcan (Cliché de F.L. Athénas)

Post-Scriptum :

Voici encore des questions de mécréants que nous ne mentionnons que pour les balayer d’un revers de main méprisant :

1)   Ces palmiers sont-ils à leur place, bien en évidence au bord de la mer, dans un sol de lave sur lequel ne pousse qu’une maigre savane jaunie par le soleil ?

2)   A-t-on la garantie que les ondes ainsi transportées n’ont pas de répercussions néfastes sur la santé des hommes ? Pourquoi, dans le cas de l’antenne installée près de l’héliport de Saint-Gilles, l’a-t-on  implantée près d’habitations de gens modestes ? Serait-ce parce qu’ils n’ont pas les moyens de se défendre ?

 

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Lorsqu’au début de ce siècle les travaux de restauration de l’Hôtel de ville de Saint-Denis furent sur le point de se terminer, une question tarauda l’esprit de l’Architecte des Bâtiments de France (1) : de quelle couleur allait-on repeindre ce bâtiment historique ?
Certes il avait été blanc à l’origine, comme l’avait voulu l’ingénieur Schneider en charge du projet, car, disait-il « le blanc fond harmonieusement toutes les parties de l’architecture et rappelle la pensée aux effets du marbre fraîchement taillé ». Blanc, le bâtiment l’avait été pendant la plus grande partie de son existence, ou alors d’une légère polychromie, mais cela n’avait pas l’heur de plaire à notre architecte en chef.

lithographie de Roussin

lithographie de Roussin

Cette idée d’un blanc virginal, d’un blanc marmoréen – qui n’est à vrai dire même pas une couleur – le titillait, l’agaçait prodigieusement, l’horripilait, bref l’empêchait de trouver la paix de l’âme. C’était une épine à son pied qu’il devait à tout prix enlever.

Il n’était pas homme à se laisser abattre et décida de relever le défi : un beau matin, debout devant le monument en chantier, il refit solidement les lacets de ses chaussures, retroussa ses manches et se lança dans l’ascension au mépris du danger ; parfois le pied glissait, le vertige menaçait, le cœur battait la chamade, mais enfin il atteignit le toit, s’agrippa à un encorbellement, tourna en s’accrochant autour du lanternon, sua, souffla, expira presque, mais ne renonça point et tout soudain…ô merveille !… Son courage, sa ténacité, son opiniâtreté furent récompensés : dans une encoignure il y avait, à peine visible à l’œil nu (un œil moins exercé que le sien aurait pu confondre la chose avec une fiente de bulbul Orphée nourri de goyaviers), il y avait donc un fragment, une trace, que dis-je, une allusion de peinture ocre que les intempéries n’avaient pu atteindre ! Son cœur bondit de joie : il tenait enfin l’argument imparable qui ferait taire les éventuels détracteurs : oui ! Pendant un certain laps de temps le bâtiment avait été peint en ocre !
Religieusement il recueillit dans son mouchoir la preuve de sa découverte, entreprit la redescente de l’édifice, faillit dans son allégresse rater un barreau de l’échelle, mais arriva intact sur la terre ferme. Il exultait en brandissant son trophée…
C’est qu’il avait pour l’ocre une tendresse ancienne : n’avait-il pas, dans les yeux, la mémoire et le coeur les souvenirs des coloris de Portofino, des teintures du Maroc, du piment d’Espelette et des falaises d’ocre de Roussillon en Provence entre Saint- Pantaléon et Saint-Saturnin-lès-Apt ?
Franchement, quelle était donc cette prétention réunionnaise à vouloir un hôtel de ville immaculé ? Pourquoi pas une Maison Blanche tant qu’ils y étaient?… Il n’avait que faire de leur histoire et de leur sensibilité. Cet hôtel de ville serait ocre-pétard, méditerranéo-tropical, exotique à souhait…Certes il y en avait parmi les indigènes (2) qui auraient pu être tentés par la rébellion, mais n’avait-il pas, lui, la science, l’art infus, le sens inné de la couleur ?

l’Hôtel de ville peint en ocre

l’Hôtel de ville peint en ocre

photo vue de côté des coulures noirâtres sur le bâtiment

photo vue de côté des coulures noirâtres sur le bâtiment

En outre n’était-il pas, dans ces contrées à tout point de vue sous-développées, le représentant de l’Etat en matière d’art, un Etat dont il tenait d’ailleurs les cordons de la bourse. Et il est bien connu que celui qui paye, décide ! Un sourire de triomphe transfigura son visage : sa religion était faite, sa décision était prise ; il avait décrété que le bâtiment serait peint en ocre et ocre il le serait … (3)
Car tel était son bon plaisir !

Robert Gauvin

(1) L’ABF de l’époque s’appelait Mr Jonquères d’Oriola.
(2) vient du latin « indigena » : celui qui est né dans l’endroit en question.

(3) Il arrivera bientôt le jour où il faudra repeindre le monument sur lequel se multiplient les traînées délavées et les coulures brunâtres. Il est à souhaiter que la décision du choix de la couleur soit prise dans le respect de l’histoire et ne dépende pas du caprice d’un seul. On pourrait aussi songer à rénover le « nouvel hôtel de ville » dont le « recouvrement » qui craquelle et s’effrite, n’est pas du plus heureux effet.

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Alphonse Allais, écrivain et humoriste célèbre, était passé maître en l’art de la formule à la logique imparable : constatant que l’air des villes était fort pollué alors que l’air de la campagne était pur et vivifiant, il avait, avec beaucoup d’à-propos, suggéré que l’on construisît les villes à la campagne !

Nos édiles dionysiens ne veulent pas être en reste. Plus forts que l’humoriste ils veulent mettre tout en œuvre pour faire « entrer la nature » dans la ville ; cette innovation révolutionnaire voit le jour en plein cœur de Saint-Denis, au 6 de la rue Sainte-Anne où se trouve la maison Hugot.IMG_2606-WEB

C’est là, en effet, sous nos yeux, que la nature reprend ses droits : la cour de la maison se transforme en riche pâturage, tandis que sur le terrain voisin  de la propriété Bundervoet, les cassis deviennent quasiment des arbres de haute futaie. Vu des airs cela ressemble à s’y méprendre à la canopée (2) de la forêt amazonienne.IMG_2719-WEB

Il va sans dire que dans ce milieu naturel toute une faune, ailée ou non, s’épanouit, prospère, prolifère à loisir. Ainsi les charmants moustiques zébrés du Chikungunya ou de la dengue trouvent là un terrain favorable. Une intéressante faune à deux pattes fréquente également ces lieux propices à des ébats de toutes sortes, picole, rigole et batifole, grimpe sur les toits et escalade les murs au mépris du danger.IMG_2726-WEB

Devant une telle expérience novatrice il se trouve toujours, hélas, des mauvais coucheurs, ennemis du progrès, pour se plaindre de l’insécurité ou de l’insalubrité. Pour notre part nous ne pouvons qu’encourager la municipalité de Saint-Denis à tenir bon et à poursuivre son œuvre régénératrice à une époque où l’on déplore — à juste titre – la disparition de pans entiers de le forêt amazonienne et par suite la déperdition de la bio-diversité.

Robert Gauvin

Ce texte, légèrement différent, a été publié sous le titre « Bâtir les villes à la campagne ».

2) Canopée : sommet de la forêt tropicale humide qui grouille de vie.

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P.S. Emporté par son enthousiasme et son imagination créatrice un de nos lecteurs nous envoie sa vision du triomphe de la nature en plein centre de Saint-Denis : «  Voici, nous dit-il, à quoi pourrait ressembler d’ici  un siècle ou deux la maison Hugot ; Ne serait-ce pas l’aboutissement de la politique impulsée par nos édiles qui, outre le respect de la nature, militent avec conviction pour faire de Saint-Denis une « ville d’art et d’histoire »? Nature et culture étroitement emmêlées, notre bonne ville, déjà première ville de l’Outre-mer français par sa population, pourrait alors prétendre au titre d’Angkor du Sud-Ouest de l’Océan Indien !!!

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Savez-vous ce qu’on  inaugurait,  ce  vendredi   26 avril,  rue  Rambaud  à     Saint  Denis,  avec   hôtesses, champagne et petits  fours ?

 

– Une  école ?

–  Non !

– Une  maison de retraite ?

– Pas davantage !

– Un dispensaire  alors ?

– Vous faites fausse route !

– Ce ne  serait  pas, par   hasard, un  musée  de la  marine ? L’endroit   à  30 mètres  du  rivage  s’y  prête…

– Ah, Monsieur,  un peu  de respect ! Ce  serait  une   offense   à la mer. Il  y  a bien  longtemps qu’on navigue   à  vue  en ce passage et  aucun  musée ne voudrait  garder   mémoire de  si  piètres  équipages.

– Un espace  de  loisirs   pour les  jeunes  du  quartier peut – être ?

– Vous  vous  égarez !

– Une opération  de  logement  social sans  doute,  parce  que je  vois là  sur la  photo  deux éminentes  et  honorables  personnalités  de la  SHLMR !

– Vous   n’y  êtes  pas  du  tout ! Vous  confondez   les lances   à  incendie   des  halls  d’immeubles  avec   d’autres jets plus mercantiles.

– Je  crois deviner : c’est  un  lieu  de  culte,   parce  que,  si  j’ai  bonne   mémoire,  ces terrains appartiennent  à la régie  funéraire   et ces  grandes  structures   métalliques  me  font  penser  à  une  nef  ondulante  ?…

–  Vous  brûlez, mais   il ne  s’agit  pas  du  dieu  auquel  vous pensez et  on  n’enterrera  sur  ce site  que les  illusions  démocratiques ; quant  à  l’ondulation, c’est vrai que le navire a  bien failli sombrer lors  d’un coup  de vent    à la  fin  août  dernier. Heureusement les  souffles divins   qui  président   à  nos destinées ont  alterné et le  capitaine a su tenir la  barre bien  à  droite.

– Allons   bon,  quelle énigme !  Serait – ce alors  un chantier  d’insertion porté  par une  secte ? .…

– C’est  un peu  ça, surtout  pour la  secte,   mais ici  on  n’ insère que de  l’illégalité  et  du  favoritisme et  comme  c’est  automatique   on a prévu  les  fentes pour  introduire  les pièces. Tenez  je  vous  donne  un  indice : le  promoteur  soutient tous les  politiques  qui le  soutiennent  en retour et a postulé   pour le poste  d’adjoint   à  l’urbanisme  dans la  prochaine  équipe   municipale et  néanmoins capitale.

–  Ah  ça   y est,  je  vois :  ne  s’agirait-il pas   de  la  station de lavage  de  voitures   automatique qui lave   plus   blanc  que toutes les   juridictions  et  toutes les   instances  de  contrôle et  sur  laquelle  j’ai  lu  des  choses  par  très   catholiques  dans  IMAZ Press et dans  le JIR ? Mais   pourquoi  tous  ces  gens  se  sont-ils  déplacés pour si  peu ? Je  reconnais  sur la photo un adjoint  au  maire  de Saint – Denis,  l’ancien  directeur  de la  SHLMR  et  sa  directrice  du  développement,  le  directeur  de l’urbanisme  de La  Possession et   deux   promoteurs   immobiliers  spécialistes  de   » l ‘ optimisation  fiscale « .

– C’est  que  c’est un événement tout  simplement. Et si  vous  me  demandez  comment on fabrique  un « événement »,  je  vous  répondrais, comme  l’avait  déjà   bien  expliqué   Wittgenstein dans  son tractatus logico-philosophicus,  qu’un événement est  tout   simplement ce qui  arrive. Il suffit  donc  d’envoyer  des  cartons d’invitation pour   accélérer  l’avènement  de l’événement. Il  y  a tant de gens  qui  s’ennuient  et  qui ne demandent  qu’à  recevoir  des  cartons  d’invitation et  sont prêts à faire  bonne  figure  dans Télé Mag !

– Mais que  font   là  ces restaurateurs ? A – t – on l’intention  de  s’attabler  pendant  que les jets  remplissent  leur   office ?

– C’est  un détail. C’est   juste pour inciter les  clients  à  boire  de l’eau  avant  de prendre la route  et  pour créer un peu  d’animation et  c’est  aussi   pour  mieux rentabiliser  l’opération. C’est  pourquoi le promoteur  de la  station – service   a  sous-loué   une partie  des parcelles.

– C’est  autorisé  ça ?…

– Ça dépend   pour  qui  et  comme  disait A. Legros : quand  on veut,  on peut  et réciproquement.

– Mais  dites – moi,  comment   peut  on  installer  un tel  équipement sur  un espace aussi  charmant, dont je pensais  qu’il était  inconstructible  et destiné   à  accueillir  des espaces  verts  et  des   lieux  de balade ?

– Mon pauvre  ami, quelle naïveté ! il suffit  de  connaître le maire  et de  signer   là  où  il faut, au  moment  où  il faut. Bon c’est  vrai,  il vaut  mieux  aussi  avoir  du répondant.  Et  puis  en fait  de  balades, il ne  s’agissait  que  de  balader  les  électeurs ! Ah ! Ah ! Ah ! C’est  trop  drôle ! Quand  je pense  que  certains  se  sont laissés prendre. Suffisait  de mettre sur la   liste   un écologiste !

– Je  pensais  que ça  avait changé. On nous  avait  promis  un Etat exemplaire !

– Je  vous  en  prie  ne  soyez  pas   grossier !  Nous  ne sommes   plus  à  l’école !…

– Vous pensez  que  ça  va marcher cette  station de lavage ?

– Au début   non,  mais  avec le temps …

– J’ai   lu   que  c’était  précaire et dérogatoire…

– Y  a du  précaire  qui  dure  encore et le précaire  c’est renouvelable «  si – comme  disait  mon  ami  Turgis –   la ville  ne conçoit pas  sur  cette langue  de terre  un projet   global ». Autant  dire  qu’il a l’éternité   pour  lui. Et  pour la dérogation,  permettez-moi  cette réflexion, un peu   métaphysique, je   vous le  concède : la dérogation, c’est  ce  qui fait   vivre  le  droit ! Allez donc   imaginer   un  monde  sans  dérogation. Ce  serait  comme  qui  dirait des riches sans les  pauvres ou des gens  en  bonne  santé qui  ignoreraient  les  malades. Vous  voyez   bien  que  ce serait   l’enfer sans  le paradis.

Je  pris congé et je regrettais  d’être  venu  en  vélo  parce que  ma  voiture  a  vraiment  besoin  d’un coup  de  lustre,   à très  haute  pression !

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        Pierre BALCON

 

1) Nous sommes redevables à Télé-mag  de cette galerie de portraits. Dpr974.

 

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Si nous admettons la critique lorsque nous agissons mal, il serait néanmoins souhaitable que l’on applaudisse des deux mains quand nous faisons quelque chose de bien…Car, à part nous, ici à La Réunion, qui d’autre a réussi à découvrir en pays lointain, à acclimater, puis à faire produire en abondance l’arbuste qui porte le nom de « gouyave de France » ? Ah ! La gouyave de France (1) !… Moi-même, malgré que j’en aie, suis bien obligé de reconnaître qu’elle est plus belle, plus juteuse, plus délectable que notre pauvre petite gouyave-péi !

Arthur Grimaud (1784-1869) : Branche de goyaves.(Collection du Musée Léon Dierx).

                                                                                                                                                                        Illustration du célèbre Album de Roussin

 

 

 

Mais… Que se passe-t-il donc ?…J’entends d’ici quelques individus mal intentionnés, quelques dénigreurs professionnels, quelques esprits chagrins qui vont jusqu’à prétendre que la gouyave ne peut être cultivée en France où le climat ne lui convient pas ! Vous m’en direz tant ! Mais… pourquoi dit-on alors « gouyave de France  » ?… Ah bon ? D’après vous ce ne serait qu’une  façon de s’exprimer ? Qu’une manière de dire que le fruit en question est beau, charnu et délicieux !

Comment est-ce alors possible que nous, Réunionnais, croyions que tout ce qui vient de France est meilleur?… Des gens cultivés  soutiennent que cela vient de notre histoire et en particulier du temps des colonies : on nous a appris que nous n’étions  rien sans la France, qu’en toute chose nous devions la prendre pour modèle. Plus tard quand il s’est agi de faire partir nombre de jeunes Réunionnais  par le Bumidom (2), la France fut dépeinte comme  un Eldorado voire un paradis terrestre : ce fut alors le temps de la publicité à forte dose et sans nuance. Là-bas c’était le pays de Cocagne. Il suffisait d’ouvrir la bouche pour que les saucisses frites –  telle la manne –   vous tombassent du ciel; De toutes les fontaines au bord des chemins, toute l’année durant, le Beaujolais nouveau coulait à flot. Sans compter que les gens de là-bas avaient pour eux le modernisme, l’éducation, la culture, les bonnes manières  et tutti quanti…

Nous autres, pauvres de nous, tout ce que nous avions n’était pas bon ; tout ce que l’on faisait était mal fait… Ce que nous mangions, le cari, le rougay, le piment n’était pas bon pour la santé ; nos techniques de construction de maisons n’était pas rationnelle : « Pourquoi bâtir un toit en pente ? …Faites  donc un toit plat, en béton ! »

La religion, nous ne la pratiquions pas comme il fallait : parfois même nous menions jusqu’à trois religions de front, un vrai zanbrokal (3) ! Pire encore, le créole que nous parlions, notre patois, qui avait bénéficié d’une coupable sympathie, ne fallait-il pas l’extirper comme mauvaise herbe, comme ivraie, comme chiendent , comme zoumine fil de fer?  (4)

Progressivement nous avons fini par croire que nous n’avions aucune valeur. Je me souviens par exemple de la réaction d’une vieille dame des Hauts de l’île, lorsque fut nommé un évêque réunionnais : «  Mon  Dieu ségnèr, mèt-lékol dakor, zavoka akoz pa…Mé préfé èk Monségnèr, sa nou lé pa kapab ! » (5)

Pour être des êtres humains dignes de ce nom, il fallait que nous changions complètement…Nous nous sommes mis à la tâche, avec tout notre cœur. Nous avons tout fait pour imiter « demoun-déor » (6) … Nous avons utilisé moult pommades pour lisser nos cheveux, avons roulé les « r » qu’on nous reprochait d’avaler. Nous avons commencé à perdre le goût du « riz chauffé ». … Mais à vrai-dire le modèle était trop éloigné pour qu’on arrive à parfaitement l’assimiler:  nous lui ressemblions un peu, certes, mais nous n’étions pas vraiment pareils…

Illustration de goyave album de Roussin

                     Cette peinture est l’oeuvre d’ A. Grimaud . Elle est intitulée : branche de goyaves ( vers 184O)  et fait partie de la Collection du Musée Léon Dierx où on peut actuellement  l’admirer . 

Depuis lors la terre a tourné, la vie a changé. Partout les gens se rendent compte qu’il faut cesser d’imiter les autres comme des Jako (7). Les touristes qui nous rendent visite, apprécient le goût du café-vanille, du cari volaille, du cabri massalé ; ils s’intéressent à la manière dont nous aménageons nos jardins, aux techniques de construction de nos cases créoles…Notre langue créole est mieux considérée. Nous retrouvons notre identité. Nous nous rendons compte que nous avons ici des gens de valeur : écrivains, peintres, sculpteurs, musiciens, sportifs…Il est sûr que le monde entier nous apporte bien des choses, mais nous aussi avons à offrir, à partager… Notre pays a sa beauté, notre culture a son goût de sel.

Aussi, imaginez  notre joie d’entendre, il y a quelque temps de cela, un étudiant américain à l’Université de Saint-Denis  nous déclarer tout de go à la télé : « La Réunion, voilà l’Amérique que je cherchais ! »

Robert Gauvin

Notes :

1)   D’aucuns disent « goyave », mais les Réunionnais disent la plupart du temps « gouyave ».

2)   Organisme chargé d’organiser vers la France les migrations des  jeunes des Départements d’Outre-mer.

3)   Repas traditionnel créole où riz, viande et « grains » sont cuits ensemble.

4)   Mauvaise herbe particulièrement tenace.

5)   «  Mon Dieu seigneur, instituteur d’accord, avocat, pourquoi pas… mais devenir préfet ou évêque nous en sommes bien incapables ! »

6)   «  Les gens venus de l’extérieur ».

7)    Les singes.

 

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L’ART DES JARDINS


Voici l’affiche de l’opération internationale : « Rendez-vous aux jardins »

L’art des jardins est une longue tradition réunionnaise ; il s’exprime près des modestes cases créoles de campagne comme autour des maisons de Maîtres au cœur de nos villes.  Chacun a encore à l’esprit, s’il a le bénéfice de l’âge, les jardins créoles de la rue de Paris des années 1950-1970 hérités de la grande époque classique du milieu du 19ème siècle. Point n’est besoin de faire un grand effort de mémoire pour voir resurgir des enfants en fonte d’art tenant sans crainte dans leurs bras potelés des animaux, caïmans ou dragons déversant jour et nuit une eau cristalline dans les bassins… Alentour, au sein de parterres bordés de tuiles, s’épanouissaient suivant la saison, rosiers, gueules de loup, becs d’alouette ou pois de senteur. Tel était en particulier le cas à Saint-Denis de la maison Barre-Déramond qui fut aussi la demeure du poète Léon Dierx.

La Maison Barre-Déramond, fin des années 60.               Photographie Bailleu ; Coll. A.M. Vauthier.

 

La maison, elle-même a été restaurée à l’époque de Mr Augeard, Architecte des Bâtiments de France, mais il faut reconnaître que peu d’attention a été accordée aux jardins. Récemment on s’est contenté d’enlever un banyan envahissant qui menaçait le mur de clôture ; on a repeint le mur et le guétali, mais le jardin fait pitié à voir ; les Putti font grise mine. Les massifs fleuris et les parterres dessinés ont fait place à un terrain pelé que le chiendent envahit à la saison des pluies. Il y aurait de quoi désespérer… Quelquefois, cependant, venue on ne sait d’où, s’élève une rumeur selon laquelle on voudrait rendre au jardin sa splendeur d’antan. Las, ces bruits n’ont jusqu’à ce jour jamais été suivis d’effet !

Aujourd’hui ce jardin au centre historique de Saint-Denis fait piètre figure (Coll. R.D.G).          

 

 Projet de revégétalisation du jardin de la rue de Paris.

On avait fini par ne plus y croire, mais ne voilà-t-il pas que l’on apprend de source autorisée que de grandes choses se préparent à l’occasion d’une manifestation nationale, voire internationale qui a nom « Rendez-vous aux jardins ». Bien sûr le délai est extrêmement court : la manifestation doit, en effet, se dérouler les 1, 2 et 3 juin prochains. Les autorités compétentes s’efforceront donc dans ce bref laps de temps de parer au plus pressé. Une indiscrétion (dont nous voulons faire profiter nos lecteurs) nous a permis d’apprendre que le jardin serait à cette occasion  revisité, réhabilité, revégétalisé.  On aurait, (nous parlons au conditionnel) l’intention de planter en un premier temps des palmiers de synthèse en polystyrène expansé, résistant aux intempéries, imputrescibles, ininflammables, le top du top en matière de développement durable, et ressemblant à s’y méprendre aux palmiers naturels (ici l’art  se conjugue à la nature pour le plaisir des yeux !)  C’est ainsi que les décideurs entendent redonner vie et couleurs au jardin de la maison Barre…Un de nos fidèles lecteurs, un peu paparazzo sur les bords, est même parvenu à obtenir une image virtuelle du jardin ainsi métamorphosé que nous proposons à votre admiration ; il faut reconnaître que cela a une certaine allure… Mais ce n’est qu’un début…

On apprend également de milieux généralement bien informés qu’il a été décidé en haut lieu, après une large concertation, de créer un emploi de jardinier à mi-temps, à partager par tiers entre la ville de Saint-Denis, le Conseil Général et l’Etat. Nos responsables se sont mis également d’accord pour redonner aux Putti (les angelots dans les bassins) leur éclat d’autrefois grâce à des techniques modernes de nettoyage de fonte d’art ; de même ils ont décidé la remise en eau des canalisations, le rétablissement des parterres bordés de tuiles et la replantation des roses qui ont fait la réputation des jardins de Bourbon et de France :  elles ont nom « Désespoir du peintre », « Souvenir de la Malmaison », sans oublier la rose Madame Meilland au capiteux parfum.
La Dac-Oi, en particulier l’ABF qui y possède ses bureaux, n’ont aucun doute sur le fait qu’un environnement si esthétique aura un impact non négligeable sur la productivité des personnels.

Outre ces projets de restauration, la Dac-Oi compte aller de l’avant en installant des projecteurs qui, la nuit tombée, créeront un spectacle réellement fascinant.
On parle même d’un féérique son et lumière qui fera revivre les grandes heures de Bourbon et les grands personnages qui ont habité ces lieux, du fondateur Gilbert Wilman en 1723, en passant par Gaspar Victor de Heaulme-Loricourt, le Prince des poètes Léon Dierx, le premier économiste de France Raymond Barre jusqu’à son Excellence Cassagnaud.

Maison Barre-Déramond : putto en lutte avec dragon et caméléon.

DPR974.

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Au sud de Saint-Gilles-les-Bains un petit chemin sur la gauche mène vers la colline. C’est là que se trouve, non loin de quelques maisons modestes, l’héliport désaffecté…Le lieu a retrouvé le calme d’autrefois. Effacé le bruit des rotors, oubliée la circulation intense du littoral ; derrière les filaos on devine  le bercement perpétuel de l’océan.

Le palmier-relais de Saint-Gilles


La seule chose qui frappe celui qui s’est garé sur la petite place est un arbre, un palmier qui a, ma foi, fort belle allure. On en devient presque lyrique : on  se surprend à murmurer  les premiers vers du poème de Verlaine, admirable en sa simplicité :

« Le ciel est par dessus le toit,

Si bleu, si calme.

Un arbre par dessus le toit,

Berce sa palme.»

L’arbre semble défier le ciel. Il offre aux regards son tronc marqué des anneaux du temps qui passe ; son stipe arbore cependant une teinte brun-clair un peu trop uniforme. Au sommet, une couronne de palmes aux feuilles toutes identiques, trop identiques se détache sur l’azur… C’en est fini de la rêverie ; on revient à soi et l’on se rend compte que ce palmier est bizarrement entouré à sa base d’un quadrilatère de fer comme l’on en trouve parfois autour des statues des grands hommes auxquels la patrie reconnaissante élève un monument…

A regarder de plus près on constate que ce que l’on prenait pour une création de la nature est en fait une manifestation du « génie » humain, une réalisation culturelle, une « œuvre d’art » : c’est l’homme qui l’a conçue et façonnée d’acier et de… plastique. (J’entends d’ici des gloussements qui sont absolument hors de propos !)

Ce palmier  n’est pas un  arbre ordinaire, c’est une représentation d’arbre, un arbre fictif sans doute, mais sa plantation n’offre que des avantages : une fois dressé, il ne réclame guère d’entretien ; point n’est besoin de ramasser ses palmes tombées ; les oiseaux-bélier ne peuvent effilocher ses feuilles pour construire leurs nids ; les carias se casseraient les dents à vouloir le ronger ; les cyclones n’ont guère de prise sur son tronc « armé »…

Avec le seul souci de l’ésthétique…


Certains pourraient regretter qu’il ne porte guère de fruits. Sans doute ; par contre il intègre en sa couronne – j’oubliais de vous le dire – les antennes relais d’une marque bien connue de téléphonie. Ceci ayant pour objectif, nous dit la publicité, «  la réduction de la perception visuelle des équipements de téléphonie mobile. L’intégration paysagère permet de préserver les magnifiques panoramas de notre île grâce à des installations en harmonie totale avec le voisinage ». Voilà qui est admirablement dit. N’est-ce pas ?

Nous nous devons donc de rendre hommage à cette compagnie qui contribue de manière si désintéressée au respect de la beauté de notre île.

Il est certes des mauvais coucheurs, des pisse-vinaigre, des critiques professionnels qui poseraient encore des questions insidieuses, tendancieuses, indiscrètes du genre : combien ces antennes rapportent-elles chaque année à la compagnie en question ?… Fi, les vilains !… Le seul souci des créateurs de ces palmiers d’une espèce nouvelle est de contribuer à l’esthétique de nos paysages. Tenez le vous pour dit !

enraciné dans la lave du volcan (Cliché de F.L. Athénas)

Post-Scriptum :

Voici encore des questions de mécréants que nous ne mentionnons que pour les balayer d’un revers de main méprisant :

1)   Ces palmiers sont-ils à leur place, bien en évidence au bord de la mer, dans un sol de lave sur lequel ne pousse qu’une maigre savane jaunie par le soleil ?

2)   A-t-on la garantie que les ondes ainsi transportées n’ont pas de répercussions néfastes sur la santé des hommes ? Pourquoi, dans le cas de l’antenne installée près de l’héliport de Saint-Gilles, l’a-t-on  implantée près d’habitations de gens modestes ? Serait-ce parce qu’ils n’ont pas les moyens de se défendre ?

DPR974

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