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Archive for the ‘coup de coeur’ Category


(La citation ci-dessus est attribuée à Brillat-Savarin.) 

 

Un ami a récemment  attiré mon attention sur un article du fameux « Album de  l’île de La Réunion » de Roussin, réédité en 1975 aux Editions Jeanne Laffitte de Marseille, qui est un véritable trésor de notre patrimoine historique, géographique, culturel voire gustatif… car l’article en question traite sous la plume de P. de Monforand dans les années 1860 du piment et de son importance dans la nourriture créole ; en voici un extrait : «

… Il semble que la science culinaire ne soit employée ici (à La Réunion) qu’à mettre le piment en usage : la volaille est pimentée, les viandes de boucherie sont pimentées, le poisson est pimenté, les légumes de toute espèce sont pimentés ; les fruits eux-mêmes – proh pudor ! (1)-  n’échappent pas à la loi générale : oranges, fruits de Cythère, ananas, tout est pimenté. C’est le piment qui est la chose nécessaire, indispensable, ou plutôt c’est lui qui est le véritable mets : ce qu’on lui adjoint n’est que le prétexte pour le produire ; il combat, il efface, il confisque despotiquement à son profit tout autre goût : que vous importe le nom de l’animal ou de la plante que l’on vous sert, du moment que le piment y domine et que lui seul a le droit de s’y faire reconnaître ? Votre bouche est brûlée, vos lèvres sont deux charbons ardents, votre langue est cuite comme un damné après mille ans d’enfer, des larmes involontaires s’échappent de vos yeux rougis : cela suffit et de reste, la chère était divine. – N’est-il pas vrai, Mesdames et Messieurs ; n’est-ce pas à ces indices caractéristiques que vous reconnaissez l’excellence d’un plat ? »

Il me semble que l’auteur, emporté par son élan littéraire exagère…mais à peine. Il me souvient par exemple que lors d’un repas officiel où force huiles politiques et culturelles étaient réunies, on servit dans un restaurant de la côte Ouest un des ces repas dits de « cuisine moderne » où les mets parcimonieux ont toutes les couleurs de l’arc en ciel mais dont la fadeur est faite pour ne pas  choquer un tant soit peu les bouches tendres…Quel ne fut pas alors notre soulagement de voir que l’un de nos collègues prévoyants et flairant l’embrouille, s’était muni d’un bon bocal de piment crazé avec force ail et gingembre qui circula autour des tables à la grande joie des initiés.

 

Un peu plus loin le même Monforand nous fait part d’une découverte inattendue qui surprendra plus d’un d’entre nos lecteurs. Je ne résiste pas au plaisir de la partager avec vous «  … l’usage du piment, nous dit-il, est fort ancien dans les pays chauds ; j’en ai trouvé une preuve assez curieuse dans l’ouvrage du médecin hollandais Bontius, établi à Batavia au commencement du 17ème siècle, et dont les observations ont été revues et annotées après sa mort, par un compatriote et confrère, Guillaume Pison, qui les a publiées avec ses propres travaux sur le Brésil qu’il avait visité. Dans cet ouvrage, imprimé par L. et D. Elzévir, Amsterdam 1658, Bontius nous donne la recette du Rougail, tel, ou à peu près, que nos créoles le font encore aujourd’hui: « 

Sumunt fructus illius mandragoroe quam Itali melansana vocant, Neoterici poma amoris, Lusitani tamatas et poma doro a pulcherrimo et lucido in maturis rubro colore. Discidunt fructus hos cum pipere chilensi in minutissimas particulas, easque crudas oleo et aceto perfundunt cum pauco sale, eoque pro cupediis utuntur. (Jacobi Bontii, Hist. Nat, et med. Lib.VI, pag. 131.)

Rougail tomates du 21ème siècle avec Kalou et pilon.

On prend les fruits de cette espèce de mandragore que les Italiens nomment melansana, les habitants du Nouveau-monde, pommes d’amour, et les Portugais tomates ou pommes d’or, à cause du beau rouge vif qui les colore quand elles sont mûres. On coupe ces fruits très menu avec du piment et, sans les cuire, on les arrose avec du vinaigre et de l’huile : on ajoute un peu de sel, et l’on s’en sert comme d’assaisonnement. (2)

Ce qui me plaît dans le texte de Bontius, cité par Monforand c’est qu’il atteste de l’ancienneté du rougail tomate… quoique depuis lors bien des améliorations aient été apportées à la recette initiale : emploi de l’oignon, du gingembre ou du combava.… et je m’attends de la part de nos lecteurs à une avalanche de recettes personnalisées. Par avance, merci à tous !

 

DPR974

1)   ô honte !

2)    Mes condisciples, adeptes comme moi du latin de cuisine, me pardonneront de donner la traduction française de cette recette historique.

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la Rényon dann kèr

« Eskuz po l’retar,

La pa  nou la fot :

Dann shemin demoun té ki grouy,

Loto, inn déryèr l’ot,

Pa moiyen avanssé.

Zot i koné…premié novanm…

Tout Rényoné

Bouké flèr dan la min

I rann in pti vizit zot famiy

Sak la fine désot la vi.

 

« Zot i woi,

Nou la pa amène lis blan :

Dan l’tan, lodèr, zot té gingn pa suporté ;

Épula,

Roz noré kapul tro vitman la tèt an pitié

Ek le fésho ki fé.

Alorss

Ala pou zot

In bouké plui-d’or

Nou la kass granmatin 

Dann jardin.

« Zot i woi,

Konm tou-lé-zan

Nou lé la ;

Konm tou-lé-zan,

La repinn lantouraj ;

La pass la grate pou tir zoumine ;

Ek touf margrit, la bute in pé la tér…

 

« I sufi pa ?

In nafèr i shagrine azot ?

Nu konpran :

Zot i émré woir anou plu souvan…

Nu rode pa d’zeskuz

Mé la journé lé kourte

Ek tout sak nana pou fé…

 

« Soman,

Alé pa kroir nu oubliy azot :

Souvandéfoi, dan nout majinasion,

Nu koz sanm zot,

Ek zot nu devid le kèr.

Lérk gro traka i anklav la tète

Nu kalkul kosa zot noré di

Koman zot noré fé

Si zot té nout plass.

Toudsuit nuaj noir i fane…

Nu arpran kouraj

Pou kontinué avanssé

Dann santié zot la trassé.

Épula nu devine koman zot lé fier

Kan nu tienbo séktèr…

 

« Mé la pa tou sa : solèy la fine ariv anlèr dann sièl :

Dann simetièr Saint-Paul

Ma tante Marie i atann anou ;

Saint-Pierre,

Néna Tonton Kaliss pou alé woir.

« Adié !

In jour,

Lé sur,

N’artrouvé pou d’bon…

Mé avan sa na ankor in takon zafér pou fé :

Aranj la kaz,

Fé grandir marmay,

Donn azot in bon métié…

 

Èpula, zot i koné,

La vi…défoi…

Na osi son bon koté ! »   

                                                                                               Robert Gauvin.

 

Note : Une traduction française viendra pour qui sait attendre… 

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Aou Bondië,

La pa ou-minm

La rantr architèk pou aranj Luniver ?

La pa ou-minm la-niabou démay

Tout sak, premié débu, té anmayé ansanm an dézord ?

La gingn sépar la tér èk la mér,

Le jour èk la nuite ?

La pa ou-minm la invant solèy ?…

(Photo Marc David)

Alorss trouv pa drol,

Si jordi mi domann aou in grin la lumièr

Srèss in mti klerté,

Pou moin konprann ousak mi lé,

Pou devine, dann fénoir, mon shemin,

Kan sréti in mti santié koudkongn,

Provik obout mi apersoi,

In Koin Trankil, in Bassin la Pé !

 

Parss la, toudbon, zafér lé sérië ;

Ogard ou-minm laba Manhattan :

D’anlèr le sièl in lavalass defë

La likid demoun par milié.

Par koté Jérusalem, linsandi lé pankor paré pou tinn ;

Déryér la montagn Kaboul nüaj la guér l’apo antassé

Minm si na pü tro gran shoz pou krazé.

(Photo Marc David)

Shak koté i prétan,

Sa in batay rant le Bien èk le Mal :

Le Bien lé dan zot kan, par lot koté le Mal.

Shak koté i avanss san tranblé :

Zot lé sür-é-sertin, azot zanfan Bondië,

Anfass la rass le diab ;

Shak koté i doute pa : Bondië lé avèk zot !

Kër klér, pou Bondië, zot lé paré pou tué,

Pou Bondië, kër klér, zot lé paré pou mor.

 

Bondië ! Ou i antann amoin là ?

Dieu, Allah, Yahweh, Vishnou,

Aou minm mi koz !

Ou té pa pou la pé, ou ? Ou té pa pou la vi ?…

Bann-la le fou, la tête la bloké !

Ou va lèss azot ankor lontan anserv out nom

Pou anbrouy léspri demoun ?

Pou fé pète la guèr ?

Pou fé gingn la mor ?

 

Di in mo, fé in jèss !…

Amont anou out shemin galizé,

Amont anou koman i fo fèr,

Pou k’nu gingn viv

An frér…                                                                                    Robert Gauvin.

 

 

 

 

 

A propos du poème :          « BONDIË LA PA OU LOTËR ? »

 

 

C’est le titre du poème final du recueil La Rényon dann kër de Robert Gauvin, que nous vous invitons à relire dans le désordre du monde d’aujourd’ui.

En effet, il nous faut bien constater que ni les armes, ni la violence, ni l’exclusion de l’autre – celui qui de soi diffère par son identité ou ses croyances –, ni les velléités d’impérialisme et la volonté de puissance ne se sont tues depuis la parution de ce poème en 2007 après la tragédie du 11 septembre et l’effondrement des tours de Manhattan. Guerres, exécutions, mutilations ou exils accablent toujours les hommes, hélas.

 

Alors, quand le monde s’ébranle, on voudrait retrouver le chemin de l’humanité. Mais sur qui compter ? Qui appeler au secours ? De qui attendre raison, soulagement ou compassion pour les malheurs du temps ?

 

C’est la grande question posée par ce poème en vers libres, avec les mots et les images qui sont les armes d’un poète dont la plume audacieuse semble osciller entre apostrophe, humilité ou colère, supplique, scepticisme ou accusation, voire mise en demeure de Dieu. Ce qu’on peut lire à bien des signes du texte, parmi lesquels la récurrence des formes interrogatives présentes dès le titre : Bondië, la p’aou lotër ?

 

Si l’apostrophe à ce Bondië peut paraître vive et caustique, dès même les premiers vers, qui font écho à la Génèse, peut-être est-ce en vertu de la toute puissance de ce dieu, considéré tel l’architecte de l’univers et cependant impuissant au regard des fléaux qui affligent le monde actuel. De quoi susciter une angoisse métaphysique, exaspérée chez le poète, par la pensée que, dans ce monde, on attise la haine de l’autre et la violence des conflits au nom même de Dieu, lequel devient alors la mesure du « Bien » et du « Mal », dans le combat qui oppose les « zanfan Bondiëu » à « la rass le diab ». Voilà qui fait enfler la voix de l’écrivain qui en vient à interpeller nommément « Bondiëu, DIEU, ALLAH, YAHWEH, VISHNOU ». Voilà aussi qui donne une portée nouvelle à la question de la responsabilité et de la toute puissance de Dieu, quand cette dernière passe par les mains des hommes qui prétendent agir en son nom : « Ou va less azot ankor lontan ansèrv out nom ? »

 

Sur ce point cependant, le poème ne lève pas les ambiguités. Mettre Dieu sur la sellette, le mettre en demeure de répondre de la folie des hommes qui le trahissent et lui refuser toute parole en suspendant le verbe divin, c’est renvoyer à un non-dit du texte. Poser la question Bondië, la p’aou lotër ?– le responsable – c’est à la fois laisser penser qu’il pourrait l’être mais aussi, peut-être, ne pas l’être. Alors, si « la p’aou loter », Bondië, qui donc le serait ? Serait-ce nous, les hommes, dont ces « zot », ceux-là qui sont évoqués dans le poème, tous emportés par la folie et l’inconscience ? A défaut de réponse, une seule voie s’impose esquissée par la voix même du poète, sur un ton plus humble et suppliant : l’espérance d’un monde plus fraternel, dans lequel « viv an frèr ».

 

Finalement, ce poème, qui donne à lire beaucoup de questions sans réponses, laisse à chacun une part de liberté pour interpréter les mots comme pièce à charge ou à décharge contre un Dieu dont le texte souligne ou le mutisme ou l’indifférence, ou l’impuissance, ou les manipulations qu’en font les hommes. Ce qui laisse ouverte la porte à la question même de son essence, voire de son existence.

 

Il y a donc à une belle pluralité de sens qui peut toucher ou heurter selon la force, la faiblesse ou l’absence des convictions religieuses de chaque lecteur. Peut-être, peut-il affecter certains d’entre nous, Réunionnais, de manière plus particulière par son caractère iconoclaste, ou par la force du dialogue intime noué avec Dieu, au vu des relations que nombre de Réunionnais entretiennent avec le Bondië, ou tel des dieux ou saints vénérés dans notre île.

Au-delà des sens ouverts par ce poème, il convient de rappeler qu’au terme de l’œuvre, ce texte met un point final à la section « Kan la kolér i lèv », dans laquelle Robert Gauvin interroge les maux d’une société réunionnaise aux miroirs trompeurs. Ainsi, entre l’intime et les manières d’être et de vivre d’une société créole affectée par la modernité, ce recueil s’inscrit-il dans une dimension plus large en reliant notre île au monde.

 

Marie-Claude DAVID FONTAINE

 

 

SEIGNEUR DIEU, QUI DONC EST RESPONSABLE ?…(1)

 

Dieu,

N’es-tu pas celui

Qui  s’est fait architecte

Pour mettre de l’ordre dans l’univers ?

N’es-tu pas celui qui a réussi à démêler

Le chaos originel ?

Celui qui a séparé la terre de la mer,

Le jour de la nuit ?

N’es-tu pas celui qui a fait naître le soleil ?…

 

Alors, ne t’étonne pas,

Si aujourd’hui je te demande un rien de lumière

– Ne serait-ce qu’un soupçon de clarté –

Qui me permette de me repérer,

De deviner dans l’obscurité mon chemin

– Même si ce n’était qu’un sentier coups-de-cognes- (2)

Pourvu  que j’aperçoive au loin

Un Coin Tranquille, un Bassin La Paix ! (3)

 

Car, à la vérité, la situation est grave :

Regarde toi-même vers Manhattan :

Du haut du ciel, un déluge  de feu

A liquidé des vies humaines par milliers.

Proche de Jérusalem l’incendie n’est pas près de s’éteindre,

Derrière les montagnes de Kaboul

Les nuages de guerre continuent à s’amasser,

Même s’il ne reste plus grand’ chose à écraser.

 

Chaque camp prétend

Qu’il s’agit d’une lutte entre le Bien et le Mal.

De ce côté-ci le Bien, de l’autre le Mal.

Des deux côtés on avance sans trembler :

Tous sont sûrs et certains d’être les enfants de Dieu

Face à l’engeance du Mal.

Le doute n’effleure aucun des deux camps : Dieu est avec eux !

Le cœur serein, pour Dieu, ils sont prêts à tuer,

Pour Dieu, le cœur serein, ils sont prêts à mourir.

 

Seigneur Dieu, m’entends-tu ?

DIEU, ALLAH, YAWEH, VISHNOU…

C’est à toi que je parle !

Ne voulais–tu pas la paix ?

Ne défendais-tu pas la vie ?

Ces gens ont perdu la raison!

Ils sont devenus fous furieux !…

Les laisseras-tu encore longtemps se servir de ton nom

Pour  semer la confusion dans l’esprit des Hommes,

Pour faire éclater la guerre ?

Pour faire triompher la mort ?

 

Dis un mot ! Fais un geste ! Indique nous le droit chemin !

Montre-nous ce qu’il faut faire,

Pour que nous puissions vivre

En frères !

 

                                                                                           Traduction DPR974.

  • Le texte et le titre en créole datent de 2007, une époque où l’auteur était sous le coup de l’émotion et de l’indignation suscitées par les attentats du 11 septembre. La traduction en français (faite en 2019) témoigne de son évolution, même si la situation mondiale ne s’est guère améliorée…
  • – Sentier coups-de-cognes : sentier parsemé de cailloux auxquels se heurtent les pieds nus.
  •  Lieux-dits de La Réunion aux noms évocateurs.

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                  Péi Bondië

 

In zour l’roi Bondië la di/Moin la fini fé tout péï/Pou noir péï zafrikin/Pou blan péï zoropéin/Inn pou bann Zarab/Inn pou tout Shinoi/Inn pou tout Zindien/Èk in gran pou Zamérikin/Astèrk moin na la min/M’a fé kèkshoz lé byien :

Lü la fé inn ti boute la tèr/Lü la poz sü milië la mèr/Ou toultan solèy i briy/Lü la fé nout péï/La donn alü in ta d’nom/Pou fini La Rényon/Somanké pou sa sü l’boute la tèr/Nana d’monn tout koulèr/

Prömië débü té dézér/Prop konm la tête mon granpér/I fo di azot son manman/Lété in volkan/La briz la porté/Lo grin tout kalité/ Prömié kou la  plü/Tout sa la verdi/La pa atann lontan/L’prömié zabitan/

Zoizo la travèrs la mèr/Pou venir sü s’bout la tèr/Koman la fé pou gingn lapin/Sa dömann pa moin/Prömié boug la débarké/Lété in bann kondané/Lèrk la vnü shérsh azot, zot la di/Anou nü par pü/

Apré dot la débarké/Sa péï Bondië la doné/Zot va done alü la valèr/Va travay son tèr/La komans koupé/L’bon boi son foré/La tüé tout lapin/Èpi la fé plinn shömin/Ouk i lé nout péï/Lü k té bien zoli ?

Le roi Bondië sar pa kontan/Lérk lü va oir son zanfan/La sakaj son n’ti péï/Pou fé konm Pari/I di dann Loséan indyien/Lü vitrinn Zoropéin/Bondië mi domann aou siouplé/Di azot asé !

 

François Saint-Alme.

 

Carte du Péï Bondié. Illustration Huguette Payet.

 

Poème

 

LE PAYS DU BON DIEU (Traduction DPR974)

 

Un jour, Dieu le roi a dit/J’ai créé toutes sortes de pays/Pour les noirs les pays africains/Pour les blancs les pays européens/J’ai fait un pays pour les Arabes/Un autre pour les Chinois/Un autre encore pour les Indiens/Et un grand pour les Américains/ Maintenant que je me suis fait la main/Je vais faire quelque chose de bien/

Il a façonné un petit bout de terre/Qu’il a posé au milieu des mers/Là où toujours le soleil brille/Il a créé notre pays/À ce pays on a donné toutes sortes de noms et pour finir La Réunion/Peut-être est-ce pour cela que sur ce bout de terre/il y a des hommes de toutes les couleurs/

Au début ce pays était désert/Nu comme le crâne de mon Grand-père/Il faut dire que sa maman était une montagne-volcan/La brise a apporté des graines de toutes qualités/À la première pluie tout a reverdi/Et il ne fallut pas attendre longtemps ses premiers habitants/

Les oiseaux ont franchi les mers/pour se poser sur ce bout de terre/ Comment se fait-il qu’il y ait des lapins/Ma foi, je n’en sais rien/Les premiers hommes qui aient débarqué/C’étaient une bande de condamnés/Lorsqu’on est venu les rechercher/Ils ont déclaré/Nous, on ne repart plus/

Ensuite d’autres sont arrivés/Sur ce pays donné par Dieu/Ils le mettront en valeur/Travailleront sa terre/Ils ont commencé par couper le bon bois de ses forêts/Ont décimé tous ses lapins/Et ont tracé de multiples chemins/ Où est passé notre pays/Lui qui était si joli ?

Le roi Bon Dieu ne sera pas content/Quand il verra que ses enfants/Ont saccagé son petit pays/Pour faire comme à Paris/On prétend que dans l’Océan indien/C’est la vitrine des Européens/Je t’en supplie, Bon Dieu/Dis leur que cela suffit !

François Saint-Alme.

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À Noël, quand j’étais petit

Il n’y avait pas le moindre sapin,

On mangeait une queue de morue

Et du « riz chauffé » (1) qui croquait sous la dent.

 

À Noël, quand j’étais petit

On ne pensait même pas aux guirlandes.

Woo ! Les seules lumières qui brillaient

C’étaient les étoiles au loin, très haut dans le ciel (bis).

 

Refrain

J’étais un petit diable, débordant de vie :

Je n’arrêtais pas de danser, de virevolter,

Tant et si bien qu’on m’avait surnommé

Petite toupie oté, petite toupie baya !

 

À Noël quand j’étais petit

Le père Noël ne descendait pas chez nous

Papa disait toujours: « Sûr,

Grand Mère Kalle (1)fait peur à cet homme-là ! »

 

À Noël quand j’étais petit

On  bavait d’envie

Devant les gâteaux à la crème

On rêvait d’en avoir à satiété!  (bis)

 

Refrain

 

À Noël quand j’étais petit

On se régalait

D’une ou deux grappes de letchis :

Y avait pas de quoi se rassasier.

 

À Noël quand j’étais petit

Je ne recevais pas de cadeaux :

Une toupie faite d’un grain de letchi

Était le seul présent que me faisait mon papa (bis).

 

Refrain

Notes :

1) « Ri shofé »: riz réchauffé, accommodé avec de l’huile, du piment etc… A longtemps constitué

le petit-déjeuner des Réunionnais. (Dico. Alain Armand.)

2) Gran-mèr Kal : personnage légendaire et inquiétant de la Réunion.

Retrouvez le texte en créole interprété par Nicole Dambreville en cliquant ci-dessous:

 

Texte créole : Pierre Hoarau

Musique :Fabrice Legros

Chant :Nicole Dambreville

Traduction en français : H. Payet et R. Gauvin.

 

 

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I prétan dir, bann goloi, sa demoun navé kouraj poudbon ; in sél zafér soman zot lavé pér, lavé pér le sièl i tonb dsi zot koko d’tète…Anou k’lé pa goloi, la pér sa in afér ni koné, la pér na in ta pliss in paké : la pér shomaj, la pér siklone, la pér volkan, la pér la maladi, la pér la mor… la pér la route an kornish ! La route an kornish, na poin in zafér konm sa moin la pér, konm di la shanson…

Le sièl lé riskab tomb dsi nout tète (Coll. R.G.)

Majine zot-mèm : nou lé par là le moi d’déssanb : dsi la route an kornish vapér i monte, kaskad i rode émite le voil-la-mariée ; d’issi d’la-ba dsi le shemin blaké kék zékli le rosh, kék galé fané ; morso le kap jiska la-fine tonbé.

Aou ou i sorte Sin-Dni, ou i vé alé le Port… Ou–a passe par la Montagne ? Ek toute tournan nana, èk toute le tan ou-a perde ? Odémié fé l’tour d’l’ile alorss ? Ou la bezoin alé le Port, jist térlà mèm, i pé pa atann, alorss sak i fo i fo : ou i fé out sign de kroi ; toutfasson la mor arienk in foi, konm di l’kréol ! Epila in bon boug konm aou-la, ou lé dan la min Bondié. Fot éspéré li va pran pitié, li va vèy si ou, li va tienbo bann kap anlér pou anpèsh déboulé… E la le zanfan Bondié i anbèk dan la route an kornish …mé astèr  kél tiktak prann pou bien traversé ?

Parlfèt na dé fasson amène loto dessi la rout an kornish : désertin ki koné la prudanss sé la manman la sékirité, i déssid alé dousman-dousman, dé min si l’volan, in pié si l’frin, l’ot si débréyaj ; i karkiy le zié : in zié i okip la sirkilassion, l’ot zié i okip la montagne, i balèy ranpar, i inspèk le kap, i aguète anlér po woir si in galé i pran pa lanvi déboulé, jist lhér ou l’apo passé.

 

Na d’ot i kalkil, pli vite i roul, pli vite i vienbou shapé. Alorss i pèze la plate, i donn di gaz, i mète defé ; galé i pé kour déyèr zot, zot lé pa la èk sa… Apré moin lavalass !… alors zot i filosh…

I filosh ? Va filosh kosa la ? Sé lhér ki rantr dann kanal bishik ! E woila pa k’in spèss kokol, in tète-la-shiass, in zanfan d’modi i trouv moiyen ralanti, ralanti… I sar pa tonb an panne o-moin ?… Ay-ay-ay ! Té i mank rienk sa mèm ! Jist par koté ousak ranpar i pansh, jist sou in bél kap i demann pou shapé ; marmay dan loto, bouj pi, fé pa dézorde, koz pi, respir pi, sinonsa kap-la lé pou nou : arwoir Pièr, tak baro !

La flouté… (cliché Région Réunion)

Transpirassion froide i dévide dan out do, kapkap i monte si ou, la janb i rédi èk la kranp, le vantr i fé mal aforstan ou i moul poiv ; mank in pé le kér lé riskab sédé !

Kosa i rèst aou pou fé ? Ferm le zié, ansupli Bondié, toute Bondié nana, Bondié krétien, Bondié malbar, Bondié zarab, Bondié shinoi, Bondié malgash, Bondié kréol… Nana Bondié kréol koméla ?… Vat pou Bondié kréol :

Acte de foi : Oui mi kroi toudbon Bondié i égziss… Si ou i égziss pou vréman, Bondié, fé in jèss !

Acte Léspéranss : Bondié mi éspère ou-a tire amoin dann shemin malizé.

Acte kontrission : Bondié, mi rogrète, mi rogrète, ou i pé pa majiné komank mi rogrète moin la anbèk dan se fouti d’ salopri d’route an kornish-la ! Mon Dié, dernié kou mi fé sa, mi fé serman mi arkomansar pi… Si-sèlman ou i lèss amoin an vi !

Alleluja ! Alleluja ! ALLELUJA !

Granmersi Bondié : le loto té i sar tonb an panne la touss-touss in pé, la pète dé-troi kou pou dégaj léshapman, la sot-soté, la niabou ardémaré… Astèr, ala la grande Shaloupe, ala lantré la Possession, kaziman la tèr promiz : la tète, le kor, le kér, toute i repran son plass… Sové !… Sové !… Sové dakor… Mé talèr i fo artourne Sin-Dni… Par kél koté i passe la ?

Ek la nouvel route nou lé riskab ète koinsé rantr le kap èk la mer (Coll. j-m. Hoarau)

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(LETTRE D’UN PAPY PERPLEXE À SA PETITE-FILLE)

 

Chère  Anaïs,

Ma chère petite fille,

Je fais appel à toi, car j’apprécie ta sagacité malgré ton jeune âge ; je connais aussi l’amour que tu portes à la nature, à la protection de notre terre, de sa flore et de sa faune. Et je veux te soumettre une question délicate, devant laquelle, malgré l’expérience acquise, je ne sais à quel saint me vouer. Voici ce dont il s’agit :

Le conquérant (Photo : Michel Fontaine)

 

Tu les connais bien, chère Anaïs, les merles Maurice qu’on appelle aussi oiseaux Condé ou si tu préfères « les petits chapeaux noirs » : ces oiseaux élégants avec leur toupet de plumes crânement porté, leur petite culotte rouge, leur œil malin. Ils sont beaux et chantent joliment…Mais ce sont des ennemis des cultures : fruits, légumes, piments poiquants (2) fleurs d’orchidées et j’en passe, ils mangent de tout ! Cette année ils ont déjà liquidé les raisins de la tonnelle de Mme Hoarau, avalé goulûment les petits boutons fleuris de mon jasmin de nuit, se mêlent en misouk (3) aux tourterelles auxquelles je distribue des graines et maintenant ils osent encore attendre que les grenades de la voisine virent de l’orangé au rouge avant de se fendre en deux pour laisser entrevoir leurs graines d’un rose nacré.

Et alors c’est le carnage, le pillage, que dis-je la dévastation !

Même les caramboles y passent (Illustration : H. Payet)

Non contents de se goinfrer de la sorte, ils sont agressifs et menacent l’existence du merle Bourbon (4) en s’emparant de son territoire. Alors, même si je suis pacifique de nature, je considère le merle Maurice comme un ennemi. Je sens sourdre en moi des pulsions criminelles et je voudrais bien que La Réunion soit débarrassée de cet envahisseur…

J’étais, l’autre jour, assis rêveusement à mon bureau quand je vois un drôle de manège : dans l’ixora (5) tout proche j’entr’aperçois un furtif battement d’ailes : je crois entendre comme un frôlement entre les feuilles de l’arbuste ; je redouble d’attention tout en m’efforçant de ne pas me montrer et je vois un couple de merles Maurice qui continuent  leur carrousel quasiment à portée de ma main.

Non ! Ce n’est pas possible, c’est de la provocation ! Cela ne va pas se passer comme cela ! Venir me défier ainsi à mon nez et à ma barbe ! Je décide d’agir, de les chasser, de détruire le nid qu’ils ont sans doute commencé à édifier : je me lève, ouvre  doucement la fenêtre, écarte les ramures qui séparent sans doute ma main justicière de quelques brins de paille encore mal fixés… Et que vois-je ? Seigneur Dieu ! Trois petits corps nus, nus, nus et surtout trois petits becs largement, totalement, immensément ouverts, attendant la nourriture apportée par les parents…

Les bébés merles dans l’attente (Dessin d’Huguette Payet).

Je n’ai certes pas pu, (pas voulu ?) jouer le rôle de papa merle-Maurice : je suis si maladroit ! Mais c’en était fini de ma haine, de ma volonté merlicide, de mes intentions trucidaires. J’ai refermé la fenêtre, détourné la tête et depuis lors j’observe la plus grande discrétion, pas de bruit qui pourrait effrayer, pas de curiosité intempestive, pas de présence silencieuse qui pourrait être mal interprétée.

Chère Anaïs, viens à mon secours, donne-moi un conseil, aide-moi à résoudre ce problème qui est pour moi l’équivalent de la quadrature du cercle… Comment faire à l’avenir pour défendre la nature réunionnaise sans être un criminel de guerre ornithologique ?

Je t’embrasse bien fort et attends une réponse rapide de ta part, car cela urge !

Papy Robert.

 

NOTES

  • (1) La quadrature du cercle : un problème insoluble.
  • (2) Poiquants : piquants, qui, tels le piment « brûlent » la bouche.
  • (3) En misouk : expression créole réunionnaise signifiant : en cachette, en catimini, en douce.
  • (4) « Bourbon », l’un des anciens noms de L’île de la Réunion.
  • (5) L’ixora : petit arbuste tropical, joliment fleuri, de la famille des Rubiacées.

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Nos deux orateurs centrent aujourd’hui leurs interventions  sur la question  de l’esthétique dans l’œuvre de Jean Bossu.

 

Mr Ledoyen : Revenons, si tu le veux bien, sur «l’esthétique » des constructions de Bossu, si l’on ose employer ce mot. Tu ne vas quand même pas te pâmer là-devant ?…

 

Mr Lejeune : il y a un dicton fort connu qui nous dit que des goûts et des couleurs on peut discuter à perte de vue…Mais je voudrais d’abord, à ce propos, te rappeler que les goûts changent : l’on a dit le plus grand mal de la Tour Eiffel et de l’immeuble Lecorbusier à Marseille que l’on nommait «  la maison du fada » (1) ! Et aujourd’hui ces réalisations sont des repères incontournables en matière architecturale…Parlons plutôt de Jean Bossu …C’est d’abord quelqu’un dont le style a évolué des années 50 à sa mort dans les années 80. Il n’est pas resté figé dans un style, dans une forme. On sent au début une certaine rigidité, et plus on avance, plus on sent une opulence, un certain baroque qui n’existait pas dans l’architecture à La Réunion. (2)

Mr Ledoyen : Là, je t’attends au tournant : Tu ne vas quand-même pas me dire que tu tombes en extase devant la Poste Centrale de Saint-Denis ! Cet édifice de Jean Bossu est un défi à l’architecture créole traditionnelle.

 

Mr Lejeune : La Poste, il faut la resituer dans la perspective de la rue Maréchal Leclerc : Saint-Denis n’avait pas de centre. Pas de place, pas de monument qui indique la centralité. Que fait Bossu ? Il donne un centre à Saint-Denis.

L’auvent du central téléphonique, rue de la Compagnie.

Il crée un repère au milieu d’une ville au plan en damier où les places (celles de la rue de Paris) sont des places « de circulation » et non « des places à vivre ». En fait, de la fin des années 50 jusqu’au début des années 70, Bossu va structurer tous les carrefours de la rue Maréchal Leclerc : d’abord la séparation des rues Félix Guyon et Mal Leclerc avec un bâtiment d’angle remarquable, puis une partie du carrefour de Ravate, enfin le croisement avec la rue Jean Chatel (le bâtiment où se trouve Pardon, le magasin Badat, la bijouterie). Tout cela c’est à Bossu qu’on le doit… Aujourd’hui on ne voit plus rien à cause des enseignes envahissantes et laides qui masquent tout

Mr Ledoyen : Pour moi, la Poste est une « verrue » qui défigure complètement le centre-ville de Saint-Denis.

Poste Centrale de Saint-Denis.

.Mr Lejeune : Décidément il n’y a que la case traditionnelle créole qui trouve grâce à tes yeux ! Je n’ai rien contre ; je suis même pour, mais le patrimoine créole ne s’arrête pas en 1850, békali !… Il y a eu depuis une évolution et des réalisations qui font partie intrinsèque de notre patrimoine moderne. C’est le cas de la Poste …Ce sont malheureusement les constructions modernes-bas de gamme qui nuisent à l’idée que l’on devrait se faire de l’architecture de Bossu : le souci de Bossu n’était pas de calculer le profit maximum, contrairement à certains promoteurs  d’aujourd’hui et de naguère. A la différence d’autres architectes,  c’est aussi un véritable artiste : Comment expliquer que la Poste, avec ses multiples étages n’écrase pas le reste de la ville ? En fait Bossu a joué intelligemment en décalant sa tour ; il y a d’abord la partie basse du bâtiment, la « galette » qui reste à la hauteur des constructions qui l’entourent, le magasin Salojee Badat, la « Ville de Paris » entre autres. Bossu a observé ce qu’il y avait aux alentours et a d’abord placé son bâtiment avec un certain recul et cette tour il l’a élevée au fond de la « galette » pour qu’elle n’étouffe pas tout le reste : c’est un signe moderne au Centre-ville de Saint-Denis que l’on voit de loin et qui en même temps n’écrase ni les immeubles environnants, ni les passants. (3)

Mr Ledoyen : Décidément tu es atteint de dithyrambisme aigu quand il s’agit d’architecture moderne !!!

Mr Lejeune : Et pourquoi pas ? Soyons modernes ! Nous sommes au 21ème siècle, que Diable ! Il serait temps de se rendre compte que durant le demi-siècle qui vient de s’écouler on a construit beaucoup plus à La Réunion que dans les 250 années précédentes. Tout n’est pas d’égale valeur, tant s’en faut, mais ce que nous a légué Bossu est une richesse pour notre chef-lieu. Cet élément de notre patrimoine de la seconde moitié du 20ème siècle est un symbole, un repère pour deux générations. Va-t-on continuer à le traiter avec mépris ? A le dénigrer sans le connaître réellement ? Si on ne le  connaît pas, si on ne le respecte pas, si on ne le protège pas, on va tout droit à la perte d’une part  inestimable de notre patrimoine dû à un architecte dont la valeur internationale est reconnue. (4)        Hall d’entrée de l’Immeuble des Remparts. (Ci-dessous).

 Mr Ledoyen : Tu n’as sans doute pas complètement tort, mais tu ne m’empêcheras pas de préférer l’architecture créole traditionnelle.

Mr Lejeune : C’est tout à fait ton droit. Du reste je ne vois pas pourquoi on opposerait systématiquement ces deux formes architecturales. Saint-Denis a une architecture moderne qu’il faut mettre en valeur à côté de son architecture traditionnelle de cases créoles, de jardins qu’il faut impérativement restaurer ; il est des quartiers à respecter comme on le fait pour le Carré français de la Nouvelle-Orléans. Ces deux formes architecturales doivent trouver leur juste place dans le projet global de Saint-Denis, ville d’art et d’histoire. (5)

 

 

Texte et images : R. Gauvin.

 Notes.

1) Le fada : se dit dans le sud de la France de quelqu’un d’un peu fou, de cinglé.

2) Une thèse récente d’histoire de l’art a recensé toute l’œuvre de Jean Bossu dont plus de la moitié se trouve à La Réunion.

3) Nous n’avons rien contre la convivialité et le petit commerce, mais l’on doit à la vérité de reconnaître que les petits bars-restaurants placés devant la poste dont elles encombrent l’entrée, empêchent également d’apprécier l’architecture de l’ensemble.

4) D’autres exemples de l’esthétique de Bossu peuvent se découvrir dans le hall de l’Immeuble des Remparts avec ses « vitraux » ou dans la villa de la route du Brûlé qui est une véritable réussite.

5) A lire : Jean Bossu, architectures 1950-1979, La Réunion ; collection « Itinéraires du patrimoine ». (Disponible au Caue à un prix modeste).

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Nous savons qu’au moins trois constructions de l’architecte Jean Bossu, à savoir la gendarmerie de Saint-Benoît, l’immeuble qui fait l’angle de la rue Félix Guyon et de la rue Maréchal Leclerc à Saint-Denis ainsi que la Direction de l’agriculture et de la forêt ont été inscrites, il y a quelque temps de cela, à l’inventaire des monuments historiques…Lors de leur incription un débat s’est engagé au sein de l’Association de Défense du Patrimoine ArchitecturalRéunionnais (ADPAR). Voici les positions qui se sont alors affrontées, représentées par deux membres de l’association : Mrs Ledoyen (Contre) et Lejeune (Pour).

Mr Ledoyen : Pour moi, ce qui fait l’intérêt de l’architecture à La Réunion, c’est la case créole avec son jardin, sa varangue, ses lambrequins, ses impostes et j’ai la conviction que Jean Bossu a, le premier, commencé à détruire l’harmonie du Saint-Denis d’autrefois…

Grand Case traditionnelle créole (Saint-Louis, La Réunion).

Mr Lejeune :Je ne le pense absolument pas, et je dirais en ce qui concerne ta position, qu’on ne peut rester cramponné sur le passé, sur une architecture qui a connu son heure de gloire au milieu du 19èmesiècle. J’ai le sentiment que nous sommes entrain, toi et moi, de recommencer la querelle des Anciens et des Modernes … Pourquoi pas, après tout ? Ces débats il faut les accepter. C’est comme cela que les choses avancent, sur la contradiction, sur le fait que l’on transgresse une certaine tradition pour laisser apparaître des formes nouvelles, aussi bien en littérature, en peinture qu’en architecture…Peut être manquons nous aussi de recul ; peut-être ne voyons-nous pas encore la qualité architecturale de ce qui a été construit depuis 70 ans environ et qui démontre la nouveauté, la créativité de certains architectes à La Réunion.

Mr Ledoyen : Je ne suis pas, par principe contre la nouveauté, mais je demande un peu de respect pour le passé, pour notre histoire ; on ne peut faire table rase de nos cases créoles et de leurs jardins. On ne peut, sous prétexte de densification dans le centre de Saint-Denis, faire de pseudo- cases créoles qui n’arrivent pas à masquer, à l’arrière, des  immeubles où l’on entasse appartements sur appartements. Il ne suffit pas non plus de coller des lambrequins sur un bloc de béton pour en faire une case créole ;  ces constructions qui prolifèrent ces dernières années, répondent au seul dessein des promoteurs de réaliser le maximum de profit sur la moindre parcelle de terrain et n’ont rien à voir avec le style et le véritable art de vivre créoles.

Immeubles  néo-créoles de saint-Denis

Mr Lejeune : je suis tout autant que toi révulsé de voir cette explosion de trompe-l’œil, ces imitations de style créole qui en fait  ne font preuve d’aucune créativité, d’aucune recherche esthétique, qui ne tiennent aucun compte des données climatiques… Cependant je te ferai remarquer que l’on ne peut condamner irrémédiablement l’emploi  du béton ; si l’on est passé du bois au béton, c’est que cela correspondait à une demande des Réunionnais eux-mêmes, à un besoin,  voire à une nécessité : autrefois l’on n’avait pas vraiment les moyens de lutter contre les carias (1) et les Réunionnais des générations précédentes vivaient dans la hantise de voir leurs maisons détruites par les « coups de vent » (2)… il fallait en outre donner un habitat durable à une masse de gens qui n’en avaient pas (On a vite fait d’oublier que dans les années 50, la moitié de l’habitat réunionnais au moins, était constitué de cases en paille ou d’abris de fortune, genre bidonvilles)…De là vient le succès du béton.

Mr Ledoyen : je ne suis pas systématiquement contre l’utilisation du béton, mais j’estime que le retour au bois est une bonne chose pour de multiples raisons et qu’il existe maintenant des techniques nouvelles et des traitements qui permettent de lui assurer une longévité certaine. Ce contre quoi je  m’élève, ce sont ces constructions en béton sans originalité, sans respect de l’environnement, sans âme : comme un architecte célèbre l’a dit avant moi et mieux que moi : une maison n’est pas faite uniquement pour protéger le corps de l’homme, elle doit lui assurer le bien-être et répondre à une recherche esthétique.

Mr Lejeune :je partage ton point de vue ; je crois seulement qu’à La Réunion on a essayé de parer au plus pressé et que trop souvent dans les années 50 et au-delà, bon nombre d’architectes se sont contentés d’utiliser des matériaux et d’appliquer ici des techniques, des modèles qui avaient cours en Europe ou dans le monde, sans prendre en compte les conditions climatiques et les traditions locales.  Mais il y avait d’autres architectes sur la place qui sortaient du lot, dont Jean Bossu. Bossu, tu le sais, sans doute, a commencé par faire l’école des Arts Décoratifs avant d’entrer dans l’atelier de Lecorbusier; il était considéré  d’ailleurs par Lecorbusier comme l’un de ses meilleurs élèves. Il fait partie des architectes reconnus, non seulement au niveau national mais aussi international : il a travaillé en Europe, en Algérie, mais en fait, la plus grosse partie de sa production se trouve ici, à La Réunion. Nous avons donc la très grande chance d’avoir chez nous nombre de réalisations d’un des grands novateurs en architecture du 20èmesiècle.

Mr Ledoyen : Je vois que j’ai affaire à un partisan inconditionnel de Bossu. Mais tu pourras difficilement me convaincre des qualités de l’architecture de Bossu du point de vue esthétique et encore moins en ce qui concerne l’adaptation au climat…

L’immeuble des Remparts

Mr Lejeune : en ce qui concerne le climat justement, prenons l’exemple de « l’immeuble des Remparts » que des créoles facétieux avaient appelé en manière de dérision « le classeur zorèy » (3). Sais-tu que les appartements ont de vraies varangues, qu’il y a là-dedans  de petits appartements sur le devant mais aussi de grands appartements traversants, extrêmement agréables à habiter, que l’air y circule librement, que les plafonds sont très hauts et qu’à l’origine les portes avaient un système de jalousies, que des claustras permettent à la lumière d’entrer tout en évitant la trop grande exposition à la chaleur ? La lutte contre la chaleur était d’ailleurs le principal argument de vente du constructeur ; la brochure disait en effet : « Vous avez dans ces appartements le climat de la Montagne en plein centre de Saint-Denis ! » (4)

Un autre exemple encore : quand Bossu a construit l’Ecole d’Agriculture de Saint-Joseph ou le bâtiment des Douanes à Saint-Denis, il a également imaginé un système de toiture double qui permettait à l’air de circuler et de rafraîchir ces constructions. Depuis, à l’immeuble de la douane à Saint-Denis, sous prétexte que les pigeons venaient y loger et s’en servaient pour tous leurs besoins (nidification etc) ; on a tout fermé, ce qui est une hérésie : il y avait certainement d’autres manières de faire pour éviter le recours probable à la climatisation qui a un coût considérable. Où donc est passé le respect de l’environnement ?

Mr Ledoyen : j’avoue humblement que j’ignorais tout cela…mais tu conviendras avec moi que du point de vue esthétique cela jure avec le style créole et je n’arrive pas… je ne suis pas le seul…à trouver du charme aux constructions de Bossu.…

Texte et photos de R. Gauvin…(à suivre)

Notes :

  • Carias : nom réunionnais des termites.
  • Ainsi appelait-on autrefois les cyclones.
  • « Classeur zorèy » : classeur fait pour le « rangement (sic) » des Zorèy, métropolitains nouvellement arrivés dans l’île.
  • « La Montagne », Quartier de Saint-Denis, situé sur les hauteurs et jouissant d’un climat plus agréable en été.

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Mon père m’a raconté les péripéties d’une course cycliste à laquelle il a participé en 1929. Cette course, il l’a vécue « avec ses tripes ». Quiconque l’a connu, pourrait penser qu’il l’a quelque peu enjolivée car il avait le don de raconter des histoires et de les rendre palpitantes et plus vraies que vraies, mais un compte-rendu de cette course se trouve également, dans un petit journal réunionnais de l’époque « Le Sporting »  sous la signature d’un journaliste au nom prédestiné : « Hémon Lesport » (1). Si les deux versions divergent sur certains détails, cela tient uniquement au point de vue différent des deux narrateurs : l’un étant en plein dans la mêlée, l’autre ayant le recul nécessaire à l’observateur.

 

Laissons la parole à F. Gauvin :

 

A 15 ans, j’ai eu un vélo bien à moi, une Française-Diamant : un beau nom pour une belle machine! Maman l’avait acheté d’occasion à Gaston Arnould, un camarade qui avait dix ans de plus que moi, travaillait à Saint-Denis, le chef-lieu de notre île et n’en avait plus besoin. Elle s’est saignée aux quatre veines pour moi. Pour elle, ce vélo était un investissement sur l’avenir… Il fallait absolument que je réussisse dans mes études : nous habitions en effet au Bois de Nèfles Saint-Denis, à 10 kilomètres de l’École Manuelle que je fréquentais et l’usage de la bicyclette diminuait considérablement la durée de mes trajets du matin et du soir!

Ma Française-Diamant était un bijou de bicyclette au guidon baissé et qui pesait bien ses 12,5 kg. Elle avait deux vitesses, d’un côté une vitesse à roue libre, mais pour l’autre vitesse il y avait un pignon fixe et il fallait tout le temps tourner les pédales : ma bicyclette faisait 5,75 mètres de développement pour le pignon libre et 5,25 mètres pour le pignon fixe. D’autres jeunes, aux parents plus aisés, paradaient déjà avec leurs bicyclettes neuves et leur développement de 7,50 mètres.

Félix Gauvin et sa légendaire Française-Diamant.

 

Mais ne nous plaignons pas : je possédais un outil indispensable à ma réussite professionnelle !… Je n’oserais pas cependant affirmer que d’autres idées ne me trottaient pas déjà dans la tête : quand j’avais du temps libre, j’enfourchais ma Française-Diamant, me lançais dans l’exploration de la côte Est de notre île, sillonnais la région de Sainte-Suzanne : Le Bocage, Le Niagara et Bagatelle n’avaient plus de secret pour moi. Je m’exerçais également à améliorer mes performances dans l’ascension éprouvante de la pente Bel-air…Je suivais aussi de près les prouesses des vedettes locales du cyclisme, celles d’ALEXANDRINO, de DIJOUX qui habitait face à l’Ecole Manuelle, d’HORTENSE dont le père était « garde-police » ou encore celles d’AFFIZOU, un jeune Comorien qui manœuvrait le grappin de la Sucrerie de La Mare.

Un jour, à l’occasion du 14 juillet 1929, La Municipalité de Saint-Denis organisa une course… cyclo-pédestre… s’il vous plaît, dans les rues du chef-lieu. J’avais à l’époque 17 ans et suis allé m’inscrire à la Mairie.

 Le jour de la compétition, nous étions 19 coureurs, âgés pour la plupart de 17, 18, ou 19 ans.

Devant le Monument de la Victoire nous étions  placés sur deux rangées pour le départ. J’étais dans la deuxième rangée. Je n’avais pas vraiment peur, mais j’avais un peu d’appréhension tout de même car j’avais un frein qui serrait avec modération  et de plus il ne fallait pas chercher en moi un virtuose de la descente

 

Le circuit de la course du 14 Juillet 1929

 

« Colonne de la victoire et rue plongeant vers l’Océan Indien »

 

 Il fallait d’abord  dévaler la pente de la rue de la Victoire menant tout droit vers l’Océan Indien, tourner au dernier moment à droite sur le Barachois, passer derrière la statue de Roland Garros dont le regard se perdait toujours au delà des mers, remonter devant la Radio, s’engager dans la rue de l’Embarcadère (actuelle rue de Nice), foncer en direction du  cimetière de l’Est et du pont du Butor…Arrivé là on devait prendre la rue Dauphine, (actuellement rue Général de Gaulle), bifurquer dans la rue Bouvet pour atteindre le boulevard Doret, le Château Morange et monter l’allée des « grains de bouchon » jouxtant un bras de  la rivière du Butor. On reprenait ensuite la rue de la Source en direction du jardin de l’Etat, puis, par les Rampes Ozoux, on atteignait  la rivière Saint-Denis.  On descendait alors tant bien que mal au fond de la rivière qu’on traversait à pied en portant son vélo, car il n’y avait pas de route à cet endroit…

Ensuite c’était la Redoute et l’église de la Délivrance…Passé le pont, la rue de la Boulangerie, le dépôt de rhum, on atteignait enfin la rue de la Victoire et la mairie où se terminait le circuit.

 

Rendons la parole à F.  Gauvin :

 

Au départ de la course j’étais derrière et en arrivant au niveau du Barachois, j’étais toujours derrière, mais dans la rue de Nice,  « moin l’a bour le fer », j’ai mis le paquet, et au niveau du cimetière des Volontaires j’étais le premier. AFFIZOU était avec moi : je le craignais et il me craignait, car l‘on s’était déjà « mesurés ». À part lui, il n’y avait pas d’adversaire à ma taille, mais il avait un avantage sur moi : il possédait une Alcyon, une bien meilleure bicyclette que la mienne !…

À l’époque, le long du cimetière, on déposait des déblais les plus variés et soudain j’ai entendu « Fiaac ! ». Un clou venait de jouer un vilain tour à mon adversaire… Cela m’a donné des ailes !

 

L’erreur de parcours vue par F. Gauvin :

La course se poursuivit donc, mais il y eut un problème au niveau de la rue Bouvet. Il y avait bien des policiers près de la dite rue, mais ils ne savaient pas par où il fallait passer. J’étais alors le premier ; nous sommes montés par la rue Dauphine (actuelle rue Général de Gaulle) et là les policiers nous ont arrêtés devant le Muséum d’Histoire Naturelle et on nous a donné un nouveau départ à tous, aux deux groupes qui n’avaient pas suivi le même itinéraire. Et comme j’étais en tête du peloton, on me plaça d’office derrière tous les autres. C’était du « makrotaj » (2) Tout cela parce que j’étais coureur indépendant : je n’avais pas le tricot bleu ou rouge d’une équipe ; j’avais un tricot blanc et une culotte blanche et personne pour me défendre !

 

Comment le journaliste du « Sporting » rend-il compte de l’erreur de parcours ?

 

C’est ici que se place un incident qui eut certainement une grave répercussion sur le résultat général de la course : au coin de la rue Jacob se trouvait un indicateur officiel, insuffisamment au courant de l’itinéraire de l’épreuve, en dépit de ses assertions précédentes. Il eut le malheur d’indiquer aux premiers coureurs qui apparurent à ses yeux une fausse direction. Se trouvaient à ce moment en tête : GARBAY, ARNAUD, GAUVIN, VAUTHIER, DALAPA, NOBIS, De BALBINE, HORTENSE, PÉPIN, DUCAP, DIJOUX, etc…

De la manœuvre déplorable du contrôleur … naquit une regrettable confusion. Le peloton de tête continua sa route (la mauvaise) ; le peloton moyen stoppa, indécis, au milieu du plus grand désordre, cependant que le groupe de queue  (trois individus) s’engageait résolument dans la rue Jacob, conseillés par des suiveurs bénévoles.

Pour remettre les choses au point, une seule solution s’imposait : rallier les fuyards et les remettre dans la bonne voie.

 

 

La course reprit. Voici ce qu’en dit F. Gauvin :

 

Nous sommes montés vers le pont Doret ; Gaston ARNOULD, mon supporter y était posté avec sa moto ; il m’a stimulé : « Félix, courage ! Dépêche-toi ! » J’ai alors fait le forcing. GARBAY était juste devant moi. Sa casquette est tombée. Il s’est arrêté pour la récupérer et je l’ai dépassé.

  Là j’ai remarqué que tout le monde passait à la queue leu leu dans l’allée de « grains de bouchons » (3). J’ai trouvé cela bizarre. Je suis passé par le milieu et j’ai doublé un certain nombre de concurrents… En arrivant au niveau de la rue de la Source, il restait trois coureurs devant moi et là est intervenu le dénommé S. de K. (4) un turfiste bien connu et un grand sportif des milieux huppés  de Saint-Denis. Il avait une auto Talbot à grands rayons de bicyclette. Il protégeait, je pense, un coureur de la Patriote. Quand j’allais passer à droite, il m’empêchait de passer à droite ; quand je voulais passer de l’autre côté, il serrait de l’autre côté. Cela s’est produit au moins deux ou trois fois. J’étais hors de moi !

Devant moi il y avait DIJOUX, ALEXANDRINO et GARBAY, mais en faisant son virage de la rue de la Source pour tourner devant le jardin de l’État dans la rue qui va vers la Sécu, la pédale du vélo de GARBAY s’est cassée. J’ai dit : « Et d’un ! Il n’en reste  plus que deux à présent ! »

 

En arrivant au premier tournant des Rampes Ozoux pour descendre au fond de la rivière, le dénommé DIJOUX a fait un virage large, j’en ai fait un serré et je suis tombé. J’étais par terre, HORTENSE est arrivé et il est tombé sur moi. Il a alors porté sa bicyclette dans les escaliers et il est arrivé avant moi dans le fond de la rivière Saint-Denis !…

Pour traverser la rivière, je lui ai demandé de me laisser passer, car j’étais plus rapide que lui,  mais il a refusé : j’ai été obligé de rester derrière lui dans le petit sentier.

Je le voyais se débattre devant moi alors que j’étais gaillard comme un diable. J’ai insisté à nouveau.  Il n’a toujours pas voulu me céder le passage. Quand nous sommes arrivés sur le petit plateau devant la vierge et que je lui ai demandé une nouvelle fois de me donner le chemin et qu’il ne m’a pas laissé passer, j’ai attrapé sa bicyclette, j’ai tiré dessus et j’ai tout poussé sur le côté et je suis passé devant. Une fois arrivé à la Redoute, j’ai foncé dans la descente. J’ai laissé derrière moi l’église de la Délivrance et franchi le pont.

Arrivé à la rue de la Boulangerie, puis à la rue de Paris, les bougres (5) avaient deux bonnes longueurs devant moi. J’ai doublé ALEXANDRINO devant la Cathédrale, mais à partir de là le « tunnel » formé par les spectateurs s’était resserré et il m’était impossible de doubler l’autre coureur. DIJOUX est donc arrivé premier et moi second. J’ai eu une jolie prime de 450 francs et le vainqueur 750 F. Seuls 12  des  19 coureurs terminèrent la course.

L’arrivée de la course se jugeait devant l’Hôtel de ville !

Ce que dit le journal « le Sporting » :

L’arrivée, devant l’Hôtel de Ville se fit dans l’ordre suivant :

1er : DIJOUX Fortuné, 300 francs

2: GAUVIN Félix,    200 francs (6)

3: ALEXANDRINO Serge : 150 francs

4e : DALAPA Joseph,  100 francs

5e : PEPIN André,        50 francs ……

 

 

  1. Gauvin : c’est la seule course que j’ai faite étant donné qu’après cela je suis tombé malade. Je suis monté au Bois de Nèfles avec Gaston ARNOULD, lui à moto et moi à vélo. Il s’est arrêté devant la boutique Grand-moune (7) là où il y a le Christ aujourd’hui, pour prendre un paquet de cigarettes. Je l’ai doublé ; nous montions tous les deux chez Mme ARNOULD. Je suis resté l’après-midi à dormir là dans l’allée de la grande maison sous les araucarias; je me suis réveillé fatigué et je suis rentré chez moi. Après cela j’ai eu mal aux reins et à chaque fois que je faisais un effort, j’avais mal au dos. Si je roulais sur le plat, pas de problème, mais à chaque petite montée mon dos me faisait souffrir. Je n’ai plus jamais participé à des courses. La photo avec mon vélo a été prise 3 ou 4 jours après la fameuse course de Saint-Denis. J’avais alors 17 ans.

R. Gauvin

 

Notes :

1) « Hémon Lesport » : Lesport est certes un nom de famille réunionnais, mais derrière ce qui est ici un pseudonyme, se cachait un Mr Agénor, bien connu de toute La Réunion et qui ne manquait pas d’humour.

2) « Makrotaj » terme créole qui signifie ici « tromperie » « favoritisme » « affaire louche, malhonnête».

3) « Grains de bouchons », fruits durs non comestibles sur lequel on aurait pu facilement déraper et tomber. Le comportement des autres coureurs n’a donc rien d’étonnant !

4) Après le tour de cochon qu’il a joué à mon père, vous ne voudriez tout de même pas que je fasse passer son nom à la postérité !

5) En créole le terme de « bougre » est relativement neutre ; il signifie ici : «  les gens qui étaient là » « Les autres coureurs ».

6) J’aurais tendance à me fier plutôt à mon père qu’à Hémon Lesport en ce qui concerne les primes accordées aux coureurs arrivés en tête, car cette récompense représentait un « pactole » pour un jeune de 17 ans d’origine très modeste.

7 « Grand-moune » est le surnom du commerçant chinois qui officiait alors au centre du village. Il équivaut au « vieux », au « Grand-père », à « l’ancien ».

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