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Archive for the ‘Nature et culture’ Category


Cet article paru en 2013 avait valeur prémonitoire: La catastrophe annoncée il y a 5 ans s’est confirmée en cette saison cyclonique 2017-2018. Il faut absolument que les Réunionnais prennent conscience des dangers qui menacent leur île et exigent une autre politique qui protège réellement leur environnement. Nous y reviendrons . (DPR974) 

Effondrement de l’esplanade (Décembre 2012).

L’effondrement de l’esplanade surplombant la plage des Roches Noires n’est qu’un nouvel épisode du phénomène d’érosion qui affecte 50 % des côtes réunionnaises et qui semble désormais irréversible du fait d’une artificialisation croissante du littoral réunionnais. L’enrochement auquel la mairie de Saint-Paul a procédé pour parer au plus pressé, est symptomatique de l’étroitesse des marges de manœuvres des élus. On va peut-être freiner l’érosion mais en accentuant l’artificialisation du rivage on le fragilise encore plus et on se condamne à devoir recommencer inlassablement la même opération

 

Depuis cinquante ans, la pression exercée par les activités humaines s’est considérablement accrue à La Réunion, plus particulièrement sur le littoral où est concentrée la population. Ce sont d’abord  de grands travaux d’artificialisation qui sont à l’origine des menaces, comme par exemple l’endiguement des ravines, la construction de ports, de digues, de l’aéroport de Gillot et de la route du littoral. Cette dernière doit d’ailleurs être régulièrement consolidée par l’ajout de tétrapodes pour éviter qu’elle ne s’enfonce dans la mer. Toutes ces grandes infrastructures modifient les transferts sédimentaires côtiers et ont comme conséquence indirecte l’érosion de portions du littoral éloignées du lieu de leur construction.

Enrochement gros-doigts (1) ; on pare au plus pressé.

Enrochement gros-doigts (1) ; on pare au plus pressé.

Ainsi au Port, la Pointe des Galets a subi une érosion  de 230 m en 50 ans en raison de la perte des sédiments qui provenaient de la Rivière des Galets et qui sont désormais bloqués par la jetée sud du Port Ouest. Le même phénomène affecte le front de mer de Saint Benoît depuis la construction de la digue du Butor.

Les menaces, ce sont aussi des activités  comme l’extraction d’alluvions dans les rivières ce qui a comme conséquence de limiter l’apport en sédiments ou encore la dégradation des récifs coralliens qui perturbe leurs fonctions régulatrices.

Enfin, le non respect de la loi Littoral s’est traduit par la multiplication des constructions en dur empiétant sur la zone  de stocks sableux qui permettait une régénération naturelle des plages par le mouvement des vagues. Désormais, l’action de la houle a un impact surtout destructeur. La disparition de la plage de Saint-Pierre en face de l’ex gendarmerie en est l’exemple le plus frappant.

Disparition de la plage de Saint-Pierre en face de l’ex-gendarmerie.

Disparition de la plage de Saint-Pierre en face de l’ex-gendarmerie.

Dans le contexte du changement climatique et de l’élévation du niveau des océans, l’avenir des plages réunionnaises est  donc très incertain. A quoi il faut ajouter la menace que fait peser le projet de la nouvelle route du littoral dont une large partie reposera sur deux digues monumentales.

Celles-ci, d’une longueur totale de près de 7 km, auront  100 m de large à la base et une hauteur de 18 m au-dessus de l’océan au lieu de 4 m actuellement ! Elles vont nécessiter près de 22 millions  de tonnes de matériaux, 18 millions de tonnes de remblai et d’enrochements et 4 millions de matériaux alluvionnaires donc l’extraction aura aussi un coût environnemental. Ces digues auront, en dépit des dénégations officielles, des impacts importants sur le littoral dans la mesure où elles vont modifier les transits sédimentaires.

 

A Maurice, en Thaïlande, de vastes programmes de lutte contre l’érosion des plages sont mis en place, mais comme à La Réunion, il s’agit en général de travaux accentuant l’artificialisation des côtes et qui risquent de s’avérer coûteux, insuffisants, voire contre-productifs. Reste la stratégie du repli des activités humaines, ce qui supposerait une transformation radicale des activités économiques et d’un mode de vie qu’on aurait pu croire immuable.

 

Une des deux digues littorales en projet.

Une des deux digues littorales en projet.

Jean-Pierre Marchau

 

(1) un travail gros-doigts : un travail mal fait, peu fiable.

 

Nous remercions M. Jean-Pierre Marchau qui nous a donné l’autorisation de publier ce texte qui figure sur le blog :JOURNAL D’UN ECOLOGISTE/ que nos lecteurs prendront intérêt à consulter. (DPR974)

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L’œil du cyclone Gamède (2007)

 

Nous sommes en été, la saison des cyclones. Nous risquons très bientôt les foudres de Berguitta…l’occasion rêvée de voir comment les Réunionnais réagissaient naguère lors d’un cyclone.

Aujourd’hui, quand commence la saison des cyclones, nous sommes assurément bien informés : un cyclone n’a pas encore vu le jour au fin fond de l’océan Indien, qu’on l’a déjà débusqué. Matin et soir, à la télé, nous sommes tenus au courant de ses moindres mouvements ; nous pouvons même le regarder dans le blanc de l’œil : nous voyons s’il faiblit, s’il se renforce, s’il vient vers nous ou s’il a décidé de passer au large… Autrefois, les choses étaient bien différentes. Par le fait, comment cela se passait-il jadis, en période de cyclones ?

 

Ciel de veille de cyclone

Ciel de veille de cyclone

 

Vous vous en souvenez, pas vrai ? Quand les escargots au lieu de ramper à même le sol  grimpaient aux arbres, quand les guêpes entraient jusque dans les maisons pour y bâtir leurs nids, les anciens ne disaient-ils pas en se raclant la gorge : « Hem, hem ! On dirait bien que ce sera une année à cyclones ! » Alors, quand par un beau soir d’été les nuages cuivrés dessinaient dans le ciel l’arbre du vent, plus de doute possible : le cyclone était proche. Il n’y avait pas de temps à perdre ;  on remplissait dare-dare d’eau potable, brocs, cuvettes et casseroles. On faisait réserve de bougies, de maïs sosso et de pistaches (2). On rentrait poules et poussins dans la cuisine. Et commençait alors, Bim ! banm ! banm ! un véritable festival de percussions ; kalous (3) et marteaux s’en donnaient à cœur joie ; on clouait les portes, on clouait les fenêtres…

Puis soudain toute vie s’arrête : plus une feuille ne bouge. La terre, l’air, les gens retiennent leur respiration, comme pour respecter une minute de silence devant la mort …qui va venir.Tout d’un coup, une première rafale.…Grand chambardement dans la cour : sous les bouffades du vent les arbres se courbent jusqu’à terre, relèvent la tête dans un sursaut de volonté, chavirent  puis se redressent… Les pauvres ! L’heure  fatale ne tardera pas à sonner. Sur le toit de tôle la pluie chasse à grand bruit ; le tambour du tonnerre annonce l’enfer. Le vent, vague après vague, cherche à déglinguer le toit, à écarteler la charpente, à déraciner la case (4). Il faut parfois se battre avec une bascule, quand il prend à la fenêtre des envies de décoller. La case coule en panier percé. Femme et enfants égrènent des prières avant de ramper à quatre pattes sous le lit de fer, car la case menace de s’effondrer. La peur alors s’empare de vous, vous oppresse le cœur, vous enserre le crâne dans son étau. Toute la nuit vous demandez pardon à Dieu pour des péchés que vous n’avez pas commis ! Il y aura-t-il seulement un lendemain ?

 

 

Quand la force de l’eau prête main forte au vent (Firinga 1999)

Quand la force de l’eau prête main forte au vent (Firinga 1989)

Au lever du jour, à la place du toit, le ciel ! Au  dehors les arbres gisent raides à même le sol. Des animaux  au ventre gonflé descendent la rivière à vau-l’eau. Dans les plantations les chemins ne sont plus que ravines ; les cultures sont en lambeaux. Partout une vision de fin du monde. Les enfants, eux, ne sont guère concernés, courent dans tous les sens, sautent tels des cabris dans la boue, rient de bon cœur en plongeant au creux des  bassins ; ils reviennent tout fiers, les mains débordant de mangues vertes… C’est comme s’ils découvraient un nouveau pays.

Qui d’entre nous n’a pas la tête remplie de souvenirs de cyclones ? Pour nous, Réunionnais, notre vie pourrait se compter en cyclones : il y a ceux qui nous ont marqués, ceux qui nous ont épargnés, ceux que notre père nous a racontés quand nous étions enfants. Cyclones de vent, cyclones d’eau, cyclones de feu, cyclone 44, 45,48, cyclone Jenny, Hyacinthe, Firinga… Ils ont marqué notre vie, forgé notre mentalité, imprégné notre culture. On aimerait parfois les oublier, mais à l’arrivée de l’été, dans notre imaginaire ils refont surface.  On vit avec eux, avec la peur au cœur, avec l’espoir que notre case va leur résister, avec l’idée que, peut-être, ils vont nous oublier… Mais nous savons tous que c’est le cyclone qui décide de nous écraser ou  de nous laisser la vie sauve. Nous savons, quand il nous déboule dessus, qu’il faut baisser la tête, courber le dos,  rester recroquevillés dans notre trou, le temps  qu’il s’éloigne. Il n’y a rien à faire …Que la volonté de Dieu soit faite !

Pont de la rivière Saint-Étienne après le passage de Gamède (2007)

Pont de la rivière Saint-Étienne après le passage de Gamède (2007)

 

 

Mais à peine est-il parti, que tels des fourmis nous émergeons à nouveau, nous redéplions notre carcasse, nous relevons la tête ; nous recommençons à bâtir, nous recommençons à planter, nous recommençons à vivre… jusqu’au prochain cyclone… Nul ne peut comprendre l’âme réunionnaise, s’il n’a jamais vécu de cyclone…

Robert Gauvin

(Traduction du créole d’un extrait de « La Rényon dann kër »).
Notes :

1) Dumilé : cyclone du début janvier 2013.

2) pistaches : cacahuètes

3) Kalou : pilon

4) Case : maison, qu’il s’agisse d’une case en paille, d’une modeste maison en bois sous tôle ou d’une grande case créole.

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Dans notre imaginaire, le baobab est un arbre de puissance et de majesté que nous associons aux régions sèches ou semi-sèches de Madagascar et d’Afrique. Certains, qui ont traversé les siècles et millénaires, ont une stature vénérable. Jusqu’à peu, alors que bien des espèces venues d’ailleurs ont proliféré et se sont naturalisées à La Réunion, on pouvait encore compter les quelques rares baobabs de notre île. Cet arbre, de la famille des géants, est pour nous l’objet d’une curiosité mêlée à une forme de respect. Sa seule vue suffit à retisser les liens entre Madagascar, l’Afrique et La Réunion. D’ailleurs, les baobabs qu’on peut rencontrer dans l’île sont de l’espèce Adansonia digitata présente dans ces deux espaces géographiques (1).

Dans mon enfance, chaque baobab rencontré, comme celui devant l’hôpital de Saint-Louis, était l’objet d’une parole de notre père, d’une observation ou d’un arrêt. « Vous avez vu le baobab ? ». Aujourd’hui, ils se sont tant multipliés dans l’île que nous limiterons notre investigation à quelques-uns de ces arbres remarquables qui marquent des lieux et places de Saint-Denis et participent ainsi à l’architecture et la construction du paysage urbain.

Baobab rond-point et Baobab du Parvis des Droits de l'homme, montage M.David

Baobab rond-point et Baobab du Parvis des Droits de l’homme, montage M.David

Quel serait le plus ancien baobab du chef-lieu ? Difficile à dire car les spécialistes ont du mal à dater cet arbre qui ne porte pas de cercles de croissance signifiants et dont le développement dépend du milieu de vie. Dans un sol aride, il lui faudra du temps alors que dans un terrain plus fertile, il peut atteindre un beau volume en deux à trois décennies.
Quant à savoir quand et qui a introduit les premiers baobabs dans l’île, on a peu de certitudes. Plus que séculaires seraient les baobabs du jardin de l’Etat, « sans doute Adansonia digitata L. l’africain, déjà présent en 1825 et 1856 dans les catalogues des jardiniers-botanistes », – Nicolas Bréon et Jean-Michel Claude Richard – selon Roger Lavergne (2). Mais, dans cet espace très arboré, ils ont une allure élevée et peu imposante (2). Celui, à l’extérieur du jardin, et situé sur le parking de la rue Malartic face au commissariat de police, a plus belle allure.

Mais qu’en est-il des autres baobabs ? Portés et plantés par des hommes dont l’histoire n’a pas gardé le nom ? Hommes de pouvoir ? Hommes serviles ? A quelle époque ? Entre le XVIII ou le XIXème siècle ? Dans la Flore de la Réunion, ouvrage paru en 1895, le Docteur Jacob de Cordemoy évoque la présence du baobab Adansonia digitata, « grand arbre, bien connu, au tronc volumineux. Cultivé et se reproduisant spontanément dans quelques localités [dont] Saint-Paul ». Pour sa part, Emile Trouette dans son Introduction aux végétaux à l’île de La Réunion fait remonter sa présence à la 2ème moitié du XVIIIème, sans apporter de preuve suffisante (3). Le même Trouette fait surtout part d’une rencontre exceptionnelle avec un baobab gigantesque, du côté de l’ancienne usine sucrière du Chaudron. Baobab observé « une cinquantaine d’années » avant la rédaction de l’article de son ouvrage paru en 1898. Ce baobab aurait-il donc traversé le siècle et vécu l’esclavage et son abolition ? Si c’est le cas, ces hommes esclaves arrachés à l’Afrique et à Madagascar et qui portaient en eux la silhouette et l’imaginaire lié à ce grand arbre de légendes et de palabres, l’avaient-ils peut-être, pour certains, contemplé avec nostalgie, douleur et colère. Et une fois ses feuilles tombées, car elles sont caduques, peut-être s’identifiaient-ils à l’arbre de la légende, aux racines plantées à l’envers sous l’effet de la colère des dieux… « Qu’est-il devenu ce baobab ? » se demande Trouette dans le même article. Tout comme nous, aujourd’hui…

 Le vénérable baobab de la placette, photo Marc David

Le vénérable baobab de la placette, photo Marc David

Par son amplitude, il pourrait faire penser au majestueux baobab qui couvre presque toute une placette située entre Les Camélias et La Trinité (4). Ce dernier a des allures d’ancêtre par la puissance de son tronc ventru et la large et haute portée de ses branches. Un « papa baobab » (5). « C’est sans conteste le plus beau spécimen de La Réunion, de plus bien mis en valeur sur une placette surélevée à proximité des habitations, et certainement le plus âgé. » dit-on (6). Le vénérable semble en effet d’âge respectable. On ne peut dire s’il a accompagné le passage de la servitude à la liberté, mais sans doute a-t-il vu l’implantation du Château Morange dans un quartier couvert de manguiers, lataniers et kapokiers et vu passer AbdelKrim El-Khattabi le guerrier du Rif (région nord du Maroc) exilé sur notre île en 1926. Il a accompagné les transformations de la société réunionnaise et des quartiers environnants gagnés par le béton ces cinquante dernières années, et entendu en 1989 l’appel vibrant du Pape Jean-Paul II aux Réunionnais rassemblés sur la vaste esplanade devant l’église de la Trinité : « Rest’ pa dan’ fénoir ». Depuis peu, il a retrouvé la compagnie des benjoins, bois d’éponge et autres espèces plantées à proximité du boulevard Sud. Veillons à préserver au mieux cet ancêtre qui a su s’adapter à l’écosystème environnant, dût-il en souffrir. Il est superbe, même si une de ses branches semble fatiguée et sa floraison inégale. En saison fraîche, il est encore plus beau quand il a perdu ses feuilles et qu’on voit se détacher ses ramures sur les immeubles alentour, telles les racines du ciel.

Le baobab de la cour de la D.D.E, photo Marc David

Le baobab de la cour de la D.D.E, photo Marc David

Autre fameux baobab de Saint-Denis : celui de la cour de l’ancien Parc d’artillerie ou actuelle cour de la Direction Départementale de l’Equipement, entre le Barachois et la rue de Nice. Lui aussi, de l’espèce digitata et de la génération des anciens semble t-il. Beau et bien membré. Se détachant avec superbe des galeries superposées et des arcades en pierre du bâtiment qui longe le Barachois. On ne peut en dire autant de son compagnon qui, sur la même place, de l’autre côté d’une fontaine carrée, semble davantage souffrir de vivre « comme un arbre dans la ville ». Quel rapport entre l’un et l’autre ? Mystère.

Et que dire encore des quelques autres baobabs de la ville ? Ils sont beaucoup plus récents et se sont bien développés en deux à trois décennies.
Ainsi le baobab du Parvis des Droits de l’homme à Champ-Fleuri, sur l’esplanade devant le théâtre, à proximité du Palais de justice et des bâtiments modernes des Archives. Magnifique emplacement qui relie mémoire, justice et culture ! L’arbre est vigoureux dans un sol riche – expliquant sans doute son développement rapide -. Cet Adansonia digitata fleurit abondamment, laissant pendre ses fleurs blanches comme des parachutes de porcelaine puis ses gros fruits bruns oblongs et duveteux contenant des graines (7). Avec le vent, ils échouent parfois, corolles vite défraîchies ou grosses coques qui ne s’ouvrent pas toujours spontanément. Un bel arbre pour palabrer sur ce Parvis des Droits de l’homme qui invite dans les circonstances graves à dépasser le malheur par la fraternité.

On peut être finalement surpris par la présence, aujourd’hui plus marquée, des baobabs à La Réunion. Poussés non pas spontanément mais à partir de plants grandis en pépinières et qui semblent s’épanouir et fructifier malgré l’absence de certains de leurs pollinisateurs de prédilection.
Dans le chef-lieu, regardez bien, vous pourrez voir leur silhouette ici et là, par exemple sur les ronds-points du Chaudron, du parc de la Trinité, vers le stade Jean-Ivoula et le crématorium de Prima… Le parc jouxtant la médiathèque François Mitterrand abrite même un petit bois d’une dizaine de baobabs ! Certains disent amoureux ou jumeaux ceux dont les troncs dédoublés lors de la croissance de l’arbre laissent penser qu’ils proviennent de deux plants distincts noués à la vie, à la mort. Regardez ailleurs, vers l’ouest et le sud de l’île jusqu’à la région de Saint-Pierre et du Tampon : vous découvrirez de beaux ronds-points arborés avec ce que des voix entendues ont désigné comme « Bois d’rond-point » ! Un arbre qui, avec ses fleurs qui tombent en parachutes délicats, apporte quelque chose de magique à un univers de béton et de bitume.

Fleurs et fruits de baobab, montage Marc David

Fleurs et fruits de baobab, montage Marc David

Voilà qui aidera peut-être à mieux faire connaître cet arbre. A La Réunion, nous avons perdu presque tout ce qu’il représente dans la culture africaine et malgache. Sa portée magique et sacrée, ses mythes de fondation et légendes, ses vertus médicinales et cosmétiques, ses usages alimentaires. N’est-il pas l’arbre emblématique du Sénégal ? Ne l’appelle-t-on pas aussi pain de singe en Afrique ? Tout est bon et utile dans le baobab. Les feuilles, l’écorce, les graines, les fibres… On peut en faire de la farine. Des huiles essentielles. Des boissons. Puiser à boire dans le tronc spongieux de l’arbre bouteille en période de grande sécheresse. Ainsi le baobab intéresse-t-il aujourd’hui l’industrie agro-alimentaire et pharmaceutique. Il fait l’objet de programmes d’études, de préservation et de développement. A Madagascar notamment car le pays, avec ses 7 espèces différentes (sur les 8 qui existent sur Terre) présente une biodiversité unique au monde. Elle doit être préservée ainsi que l’a montré le film « Baobabs entre ciel et terre » (8) réalisé par des chercheurs du CIRAD et primé au festival Ciné Science de La Réunion en 2010. Et, si les baobabs de notre île n’ont pas l’envergure et la puissance symbolique de leurs ancêtres millénaires, leur présence à La Réunion nous est chère car ils disent notre part africaine et malgache.

Marie-Claude DAVID FONTAINE

1. Avec mes remerciements aux guides malgaches, Christian MAROVAHINY et GOULAM, qui m’ont accompagnée dans ma découverte des baobabs de Madagascar.
Le baobab, est un arbre de la famille des Malvacées ou Bombacacées (selon les classifications). L’Adansonia digitata tient son nom du botaniste français Michel Adanson – qui visita le Sénégal au XVIIIème – et de la forme de ses feuilles digitées. Les autres espèces de baobab (tous nommés Adansonia) sont Andansonia grandidieri, A. Suarezensis, A. Madagascariensis, A. Za, A. Rubrostipa, A. Perrieri, A. Gibbosa. Madagascar compte 7 espèces de baobabs. Adansonia digitata est commun à L’Afrique et Madagascar. Adansonia Gibbosa se trouve en Australie. On distingue mieux les diverses espèces par leurs fleurs pendantes ou dressées, de couleur blanche, rouge, orange ou jaune et par leurs fruits plus ou moins oblongs ou arrondis.
2. Propos cités dans un compte-rendu de visite du jardin de l’Etat le 29 octobre 2004 pour la Société botanique de France avec le Docteur Roger Lavergne, auteur par ailleurs de Fleurs de Bourbon, édition Cazal. Cf. également note 4.
3. Emile Trouette, Introduction de végétaux à l’île de La Réunion, notes historiques, publié en 1898, 2ème édition en 1983 par la SREPEN. « J’ai lu, je ne sais plus où, que Bellecombe, qui nous est arrivé en 1767, nous a apporté des baobabs, en même temps que les chênes d’Europe qui lui sont attribués ».
4. L’arbre, à la jonction des Camélias, de Château-Morange et de la Trinité, est situé près du gymnase Patrick Cazal, non loin de la médiathèque F. Mitterrand et de l’église de La Trinité. Il est visible depuis le boulevard Sud.
5. « papa baobab »: gros, énorme baobab.
6. Cité par la Revue Latania, le magazine de Palmeraie-Union, n°23, juin 2010, compte-rendu de J.M Burglin après une visite du jardin de l’Etat avec les explications de Roger Lavergne. Le même article émet l’hypothèse d’une espèce hybride au jardin de l’Etat.
7. Adansonia digitata est la seule espèce à porter des fleurs blanches pendantes avec un fruit ovale. Adansonia grandidieri et suarezensis ont des fleurs blanches mais dressées (cf. article Baobabs de Lucile Allorge).
8. « Baobabs entre ciel et terre. Quand les satellites observent Adansonia grandidieri », film produit par le CIRAD, sous la direction de C. Cornu et P. Danthu, réalisé par S. Corduant, et primé au festival Ciné Science de La Réunion en 2010.

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Beaucoup de choses ont été dites ou écrites sur le Bourbon pointu et pourtant la plupart des Réunionnais ne sont pas mieux informés pour autant. Le lecteur de bonne volonté est souvent noyé sous une masse de détails qui l’empêchent d’arriver à l’essentiel. Dpr974 a voulu rencontrer des responsables de cette filière pour faire le point sur ce café d’exception. Nous nous sommes donc rendus à la coopérative Bourbon pointu à la ligne Paradis à Saint-Pierre et avons été reçus par M. Descroix et M. Dami.

Mr Dami est technicien qualité à la Coopérative Bourbon pointu et M. Descroix est chercheur au Cirad, coordonnateur du projet Bourbon pointu et Directeur de la coopérative. C’est lui qui dès le départ a été chargé de mener à bien ce projet.

Nous les avons interviewés à tour de rôle et les remercions bien sincèrement de tous les éclaircissements qu’ils nous ont apportés. (dpr974)

« Récolte du café à Bourbon ». Peinture attribuée à Jean-Joseph Patu de Rosemont (1766-1818).

« Récolte du café à Bourbon ». Peinture attribuée à Jean-Joseph Patu de Rosemont (1766-1818).

Dpr974 : Pouvez vous nous parler des différentes sortes de cafés ayant existé sur le sol de La Réunion ?

F.Descroix : Il ne me sera pas possible de toutes les étudier. Je me limiterai aux principales : il faut tout d’abord dire qu’existaient à Bourbon comme à Maurice des cafés endémiques, des cafés « sauvages ». Les différences entre ces cafés étaient minimes et ils furent baptisés « Coffea Mauritiana ». Au début on a pensé à Bourbon que l’on pouvait récolter les cerises de ces caféiers et en tirer un café de qualité. Ce fut un échec : le café obtenu ne contenait pas de caféine et avait un goût amer. Il fut rapidement abandonné après que l’Intendant du roi de France eut écrit à la Compagnie des Indes que ce café envoyé depuis l’île Bourbon était « de piètre qualité » en comparaison de celui de Moka.

Les choses évoluèrent positivement avec l’arrivée dans notre île en 1715 du vaisseau « Le Chasseur» placé sous le commandement de Dufresne d’Arsel. Il apportait des plants embarqués à Moka au Yémen. Des 60 plants du départ il n’en restait que 25 à l’arrivée qui dépérirent rapidement sauf un qui avait été confié à M. Martin à Saint-Denis et dont les graines furent par la suite distribuées aux colons. Ce café, un Coffea Arabica cultivé au Yémen, d’où son nom de Coffea Arabica, venait en fait, à l’origine, d’Éthiopie. Il a été appelé dans notre île de différentes façons : café pays, café Bourbon et plus tard Bourbon rond pour le différencier du Bourbon pointu.

 

  Caféière de Bourbon pointu au Tampon (Fleur de kfé). (Pyramides étêtées pour faciliter la récolte). Photo Nicolas Broders.

Caféière de Bourbon pointu au Tampon (Fleur de kfé). (Pyramides étêtées pour faciliter la récolte). Photo Nicolas Broders.

Dpr974 : Et d’ou sort alors le fameux Bourbon pointu ?

F.Descroix : J’y viens ! C’est en 1771 à Bourbon, à la pépinière de Mr Pajot, à la Ravine des Chèvres, que le chef de culture, Mr Leroy, un ancien officier de marine, découvrit parmi ses caféiers Arabica de Bourbon quelques petits plants qui n’avaient pas la même morphologie que ceux qu’il multipliait habituellement pour agrandir l’exploitation de son patron. Au lieu de les éliminer comme non conformes, il les a mis de côté et les a plantés au dessus du domaine. Quelques années plus tard il a récolté des cerises mûres sur ces caféiers, en a fait du café qu’il a fait goûter à son patron. Celui-ci l’a apprécié et a dit à Mr Leroy : «  Si ce produit s’avérait supérieur, je le garderais et lui donnerais ton nom ».

Et quand moi-même suis arrivé à La Réunion en 2002 et que je cherchais à savoir s’il était possible de relancer le Bourbon pointu, tous les anciens que je contactais, me disaient à la vue des plants en question : « Ça la pa Bourbon pointu, ça ! Ça café Leroy ! »

 

Floraison de Bourbon pointu. (Photo Patrick Bénard).

Floraison de Bourbon pointu. (Photo Patrick Bénard).

Dpr974 : Par quel phénomène ce caféier différent, qu’on appelle Bourbon pointu ou café Leroy, a-t-il vu le jour?

F.Descroix : L’on a émis différentes hypothèses quant à la genèse de ce caféier nouveau. Le botaniste Joseph Hubert a pensé à une hybridation Coffea Arabica x Coffea Mauritiana, le café endémique : il y avait dans l’environnement bourbonnais un Coffea Mauritiana sans caféine. Puis on a introduit un Arabica du Yémen qui a 1.1ou 1.2 de caféine et l’on a eu ensuite le café Leroy avec 0.6 ou 0.7 de caféine. Pour Auguste de Villèle, le café Leroy est bien un hybride de Coffea Mauritiana et de Coffea Arabica. Mais cette hypothèse a été infirmée : aujourd’hui, les différentes analyses biochimiques et génétiques menées sur la variété Bourbon pointu montrent qu’elle découle en fait d’une mutation récessive de la variété Bourbon et on lui a donné le nom de Coffea Arabica, variété Laurina, étant donné que ses feuilles ressemblaient à celles du laurier (du latin laurus : laurier).

L’on en a eu d’abord une preuve non scientifique, mais visuelle qu’il était de l’espèce Arabica, lorsqu’on a constaté que sur un pied de Bourbon pointu certaines branches s’étaient développées exactement comme celles d’un Arabica. (Ceci a été observé en 2005 sur la plantation du Domaine de Maison Rouge à Saint-Louis). C’est ce qu’on appelle le phénomène de reversion : le Bourbon pointu était revenu à son aspect originel d’Arabica.

Nous avons eu ensuite des moyens plus conséquents et la possibilité de faire de la génomique (1). Le résultat des recherches effectuées est clair. Cela a été scientifiquement démontré que le génome du Coffea Mauritiana est bien différent de celui de l’Arabica et que le génome du Bourbon pointu est le même que celui de l’Arabica de Bourbon, à un gêne près.

Dpr974 : Votre réponse est sans appel… Le Bourbon pointu est une variété de l’Arabica de Bourbon. Dites-nous maintenant, en quoi le Bourbon pointu diffère du Bourbon rond, descendant de l’Arabica introduit dans notre île en 1715 ?…

F.Descroix :   Globalement, du point de vue morphologique, l’arbuste du Bourbon rond se forme en « gobelet » (2), alors que le Bourbon pointu a la forme d’un petit sapin, c’est ce que notait déjà Auguste Billiard dans les années 1817-1820. Il écrit en effet dans ses « Voyages aux colonies orientales » que « ce caféier a le port d’un arbre d’ornement ; il s’élève en pyramide. Ses branches se détachent toutes d’une tige commune ».

Cerises de Bourbon pointu à pleine maturité. (Photo : Patrick Bénard.)

Cerises de Bourbon pointu à pleine maturité. (Photo : Patrick Bénard.)

 

Leur différence morphologique provient de la longueur des entre-nœuds qui sont extrêmement courts chez le Bourbon pointu (entre 2cm et 2,5 cm), de là cette forme de l’arbuste de Bourbon pointu alors que chez le Bourbon rond (Arabica ordinaire) les entre-nœuds sont de l’ordre de 8 cm et sous ombrage peuvent atteindre 15 cm.

On a parfois imaginé que ce nom de Bourbon pointu viendrait de la forme des cerises qui seraient plus pointues chez le Bourbon dit pointu que chez le Bourbon rond. En fait il n’y a aucune différence statistique si l’on mesure la longueur et la largeur des deux sortes de café.

Par contre une différence vient des fèves se trouvant dans les cerises des cafés en question. Les cerises de l’un et l’autre café peuvent contenir trois fèves, deux fèves ou une fève. Or l’on a noté que le pourcentage des cerises à trois fèves était de 1 pour 800 chez l’Arabica de Bourbon alors qu’il est de 1 pour 80 chez le Bourbon pointu. Mais on ne peut réellement parler de « Bourbon pointu » en fonction du pourcentage des cerises à trois fèves : statistiquement ce n’est pas un critère discriminant suffisant.

Si l’on veut noter encore une autre différence entre ces deux cafés, il nous faut mentionner qu’ils affectionnent des zones aux climats un peu différents. Le café Bourbon, variété Laurina, c.à.d le Bourbon pointu, préfère un climat plus frais que celui qui convient à l’Arabica de Bourbon (2 à 3 degrés de moins et peut donc être cultivé plus sur les hauteurs.)

Et il y a, bien sûr, le goût ou plutôt les arômes que « distille » le Bourbon pointu. Mais nous en reparlerons.

 

Fèves de bourbon pointu. (Photo Nicolas Broders).

Fèves de bourbon pointu. (Photo Nicolas Broders).

Dpr974 : Pouvez-vous nous dire quel est le café de La Réunion qui a eu historiquement le plus de succès en France ? L’Arabica de Bourbon ou le Bourbon pointu (Le Coffea Arabica, var. Laurina)?

F.Descroix : On n’a quasiment pas d’information là-dessus jusqu’au XXème siècle. Mais à partir de là on dispose d’une « Bible », à savoir le livre de M Philippe Jobin, importateur de café du HAVRE : « Les cafés produits dans le Monde ». Il indique les pays producteurs, les variétés, les surfaces, les tonnages annuels et en tant qu’importateur et dégustateur il donne son appréciation. Il note dans son livre qu’à son avis, « Le café de l’île Bourbon est l’un des meilleurs du Monde. » (3) À suivre…

Notes :

1) Cf. La Thèse de Doctorat : Caractérisation de certains impacts de la mutation Laurina chez Coffea Arabica aux niveaux histo-morphologique et moléculaire ; Aurélie Lécolier ; Université de La Réunion, Soutenance 11 décembre 2006.

2) La forme en « gobelet » de l’arabica Bourbon résulte de la taille. Celle-ci consiste à former quatre bras issus d’un pied central en éliminant ceux du centre afin de répartir et d’aérer les grappes quand il s’agit de raisin ou les branches porteuses de fruits pour les pommiers ou d’autres fruits…On ne peut « former » le Bourbon pointu en gobelet car ses ramifications sont latérales et denses.

3) Compte tenu que M. Jobin est né en 1929, il ne peut avoir dégusté que les dernières exportations de café de La Réunion, soit le Bourbon pointu de M. Roussel du Tampon.

4) Voici un site auquel le lecteur pourra se reporter utilement : http://www.cafe-reunion.com

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Au commencement il y eut le ciel, la mer et la terre ; un ciel uniformément bleu, une mer désespérément vide et une terre de sable et de rocaille qui ne laissait survivre – sous un soleil inexorable – qu’une maigre végétation de bois de lait et d’herbes Saint-Paul … Et c’est là, dans ce désert, qu’un port fut créé, qu’une ville sortit des sables et des galets qui reçut le nom de Port de la Pointe des Galets ; ce qui dénotait chez les habitants du lieu une imagination un peu courte, certes, compensée toutefois par un sens certain des réalités.

Un jour trois hommes originaires de Madagascar, de l’île Maurice et de La Réunion se rencontrèrent sur cette terre et prirent la décision de célébrer leur entente et leur foi en l’avenir en plantant sur une place circulaire trois jeunes plants de figuier du Bengale, autrement dit de Ficus Benghalensis Linné, communément appelé Banian.

le banian à la toison crépue.

le banian à la toison crépue.

La destinée de toute nouvelle plantation dans ces lieux était jadis de s’étioler, de se faner et de disparaître dans un sol peu nourricier. Cette fois, cependant – ô miracle de l’instinct de vie ! – les trois plants fraternisèrent, s’attachèrent l’un à l’autre, pour n’en faire plus qu’un, mirent un point d’honneur à s’épauler, à croître ensemble, à monter vers le ciel pour constituer avec le temps et bien des efforts un « géant végétal » à la chevelure crépue qui envahit la place…

Non contentes de monter vers les cieux, les branches de cette nouvelle trinité donnèrent naissance à de multiples racines qui, depuis les airs, redescendirent vers le sol, s’ancrèrent résolument dans la terre et se transformèrent en troncs. La boucle était accomplie. L’union entre le ciel et la terre était scellée!

Qui saura démêler les racines des troncs ?

Qui saura démêler les racines des troncs ?

Ce ne fut pas une mince affaire ; il fallut un travail gigantesque accompli par cette force de la nature qu’est le banian. Personne assurément n’a mieux que Paul Claudel décrit ce processus qu’il vit en Chine, où il exerçait les fonctions de consul de France : c’est un « monstre qui hale, se tend et travaille dans toutes les attitudes de l’effort, si dur que la rude écorce éclate et que les muscles lui sortent de la peau. Ce sont des poussées droites, des flexions et des arc-boutements, des torsions de reins et d’épaules, des détentes de jarret, des jeux de cric et de levier, des bras qui, en se dressant et en s’abaissant, semblent enlever le corps de ses jointures élastiques… » (1)

Libre à vous, si le cœur vous en dit, d’entreprendre le pèlerinage vers l’Empire du Milieu, mais un simple détour du côté du Rond-Point de la Glacière à la Pointe des Galets vous montrerait la justesse de cette description…

Il m’est arrivé, à vous aussi peut-être, de pénétrer dans la ville du Port par l’entrée Ouest et de découvrir ce géant végétal au travail. Je fus, comme quiconque passe auprès de lui, surpris par la masse de la chevelure à la Struwwelpeter (2), par le rideau de racines tombant du ciel, mais jamais je ne m’étais arrêté pour aller le voir de plus près…Un jour cependant, accompagnant des amis du dehors, désireux de mieux connaître notre île, je me laissais tenter, traversais avec eux la chaussée et me retrouvai au pied du banian.

Nous allâmes alors de découverte en découverte, de surprise en surprise, d’ébahissement en stupéfaction. Nous fûmes sidérés : le banian n’était pas un bloc refermé sur lui-même ; des espaces s’ouvraient en lui : ici une petite salle invitait à s’asseoir, là-bas un autre espace semblait une aire de jeux pour les enfants, un peu plus loin se dressait une sorte de cathédrale dont les colonnes montaient à l’assaut de la voûte céleste. Un entrelacs de branches et de feuillages s’ouvrait soudain sur une trouée de ciel bleu.

 Une cathédrale végétale…

Une cathédrale végétale…

Les racines et les troncs prenaient parfois des allures d’animaux préhistoriques, Tyrannosaures, Triceratops, voire Vélociraptors. Des oiseaux à queue de poissons s’enfuyaient devant des animaux dotés d’énormes pattes griffues et de gueules insondables, bref de quoi meubler les cauchemars des plus exigeants !…

Sous les pattes griffues des animaux préhistoriques.

Sous les pattes griffues des animaux préhistoriques.

 

D’autres fois les racines prenaient forme humaine : des bras se palpaient, des corps s’enlaçaient, s’étreignaient en de rudes chevauchées charnelles.

Œuvre de chair ne feras…

Œuvre de chair ne feras…

 

D’autres scènes renvoyaient à des épisodes bibliques : sur le sol des serpents se lovaient, des démons tentateurs essayaient de séduire Adam et Ève, de les amener à commettre LE péché… qui allait précipiter leur exclusion hors (3) du paradis terrestre…

Sur le sol s’approchent les tentateurs…

Sur le sol s’approchent les tentateurs…

 

On aura beau jeu de me reprocher mon éducation. Que voulez-vous ? On ne change pas à mon âge. On voit ce que l’on a appris à voir dans son enfance et je ne puis renier mon éducation judéo-chrétienne. Il m’en reste encore quelques bribes éparses imprégnées des notions de péché originel, de faute, de châtiment…

Un doute m’effleure  cependant : ne ferais-je pas fausse route ? Mon éducation ne me pousserait-elle pas à une interprétation erronée ?  Le banian n’abrite-t-il pas, à La Réunion même, nombre de temples hindous ? Mieux même l’arbre n’est-il pas déjà en soi un temple ? N’est-il pas, par essence, l’arbre sacré de la foi hindouiste? À en croire la Bhagavad-Gitâ le doute n’est pas permis : «  il existe un arbre, le banian dont les racines pointent vers le haut et vers le bas pointent les branches ; ses feuilles sont des hymnes védiques. Qui le connaît, connaît les Védas. »

 

R. Gauvin.

 

 

Notes : vous le savez certainement : un grand concours a eu lieu pour désigner le plus bel arbre de France 2015 et ce fut un fromager de Guyane qui obtint le prix. Le banian du Port fut second, battu d’une courte tête sur la ligne d’arrivée. Je me pose toujours la question de savoir si notre banian a été jugé à sa juste valeur, physique, esthétique et symbolique. Les membres du Jury possédaient-ils tous les éléments ci-dessus ? Chi lo sa ?

  • Citation extraite de Paul Claudel, in «  Connaissance de l’Est », recueil de poèmes en prose, publié en 1900 au Mercure de France.
  • « Der Struwwelpeter » est le titre d’un livre pour enfants d’Heinrich Hoffmann dont le héros porte une coiffure en « touffe cannes » ou en « corbeille d’or » qui aurait rendu jalouse Angela Davis à la coiffure afro.
  • Les latinistes distingués – ils le sont toujours – m’en voudront d’employer « hors de » alors que dans « exclusion » cette notion est déjà rendue par le préfixe « ex ». Trakass pa zot ! Sa mi koné, soman téi fé plézir amoin ; pousaminm moin la arbiss ali ! Comme disent les Allemands : « Jedem Tierchen sein Pläsierchen » c.à.d : « chaque petit animal a bien droit à son petit plaisir ! »
  • Nous signalons à nos lecteurs le livre de Brigitte Croisier, consacré au banian. Petit par la taille il unit un texte et des citations fort poétiques à une iconographie remarquable. Intitulé « Peuples du banian » il a été imprimé par Graphica en 2015.

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Quel titre étrange, voire paradoxal ! Comment un trou, synonyme d’enfermement, de prison, peut-il dans certains cas, évoquer à La Réunion, la liberté ? D’où vient ce goût des Réunionnais pour leurs cirques naturels, leurs grottes, leurs cavernes, leurs tunnels de laves, leurs trous de bébêtes (1), leurs îlets (2). Historiquement cela s’explique par le fait que les esclaves d’abord, pour échapper à la servitude, ont pratiqué le marronnage dans les endroits les plus cachés, les plus inaccessibles de notre île. Imités plus tard en cela par les descendants des colons blancs qui ne voulaient pas dépendre de l’autorité de leurs aînés, seuls héritiers des terres familiales : le trou c’était l’indépendance, c’était la liberté !

Nous avons déjà écrit sur des trous de la Réunion, le Trou Pilon, le Trou de Sas et le Trou de Cissia qui se trouvent dans le sud de l’île (3). Nous poursuivons aujourd’hui notre périple de découverte avec trois autres trous  dans l’Est, dont deux sont en fait des îlets : le « Petit Trou » avant le pont de l’Escalier sur la route qui mène à Salazie et, dans le cirque proprement dit, les « Trous Blancs » au pied du Gros Morne. Notre dernier point de chute sera le « Trou de Fer », une curiosité naturelle impressionnante qui mérite le détour ou à défaut un survol en hélicoptère…

 

 

Quand on s’engage sur la route de Salazie, viennent immédiatement à l’esprit les vers de notre poète national (4) évoquant l’intérieur de l’île :

«Perdu sur la montagne, entre deux parois hautes,

Il est un lieu sauvage au rêve hospitalier… »

C’est à Petit Trou, dans un cadre semblable qu’a vécu, Léon LARAVINE, un personnage singulier dont Catherine LAVAUX (5) nous rapporte l’histoire : « C’était une figure originale : sur le « rempart » dominant la route de Salazie, près d’une aiguille très pointue, il avait installé son « boucan » (6) à peu près à la hauteur de Petit Trou. A cet ancien combattant, le gouvernement avait donné, en récompense de ses bons services, un petit bout de terre. On pouvait y accéder facilement par le chemin de Dioré mais Léon préférait la rapidité et la difficulté en grimpant par le rempart à l’aide d’une échelle de corde. Il élevait là-haut bœufs, cabris, porcs, volailles qu’il tuait et descendait par son échelle pour aller les vendre à St-André. Il vivait comme un Robinson… Un jour on s’étonna de ne pas l’avoir vu de la semaine ; quelqu’un monta et le trouva mort… »

Près de P’tit Trou au lieu dit « La Passerelle », vivent aujourd’hui des familles qui doivent traverser la Rivière du Mât pour rattraper la route de Salazie. Dans les années 1960 monsieur COLLET père, pour pouvoir écouler ses produits agricoles,  construisit de ses mains et à ses frais une « passerelle » au-dessus de la rivière, qui donna son nom au petit village.

 

La passerelle de Mr Collet (collection privée).

La passerelle de Mr Collet (collection privée).

La vie était dure et la passerelle d’alors  rendit bien service jusqu’au jour où le RSMA (Régiment du Service Militaire Adapté) se fit un devoir de la doubler d’un pont carrossable.  Cela a tout changé : Quel bonheur de vivre aujourd’hui dans de tels « petits trous »  à l’abri du vacarme des villes ! Aspect idyllique, vie de Robinson, mais celui qui connaît la nature réunionnaise sait que tout peut changer très vite. À preuve les cyclones, les crues, les éboulements de terrain comme nous le verrons bientôt.

Les Trous Blancs.

Nous continuons vers Hell-Bourg pour nous rendre aux « Trous Blancs » au pied du Gros Morne. A écouter les gens du coin, ce site aux coteaux pentus a connu une histoire paisible. Pourtant, en 1875, selon un document des Archives Départementales, les habitants ont eu une peur bleue et ont été « obligés de déguerpir des environs du sinistre arrivé au «Grand Sable» en raison du danger qu’il y avait à demeurer dans une localité devenue inhabitable ». Quittèrent ainsi la zone dangereuse : LEBRETON Hubert, veuve BILLAUD, TECHER, DUGAIN Henri, DUGAIN Auguste, FESSARD André, FESSARD Jean-Baptiste, DAMOUR Exoïde, PAUSE Jean, SAUTRON Henri, L’INTÉRESSÉ Oscar, TOUSSAINT, NICOLAS Joseph, ROBERT Charles, JULIENNE F. , L’INSENSIBLE Eugène…

 

 

Que s’est-il donc passé à cet endroit ? Charles LEAL, journaliste mauricien, qui visita l’île en 1877 raconte cet événement dans son « Voyage à La Réunion ». « Il me tardait – écrit-il – de voir de près l’endroit où avait eu lieu le grand éboulis de 1875, qui a fait tant de victimes au Grand Sable. M. Joseph TECHER, un cultivateur de la Terre Plate, que j’avais rencontré le jour même de mon arrivée, voulut bien me servir de guide, me déclarant qu’il avait été témoin de cette effroyable catastrophe. Voici textuellement l’histoire des faits tels qu’ils se sont déroulés, et tels que M. TECHER se rappelle les avoir enregistrés dans une lettre écrite à l’un de ses amis, le lendemain même de l’éboulis. »

Eboulis du 26 novembre 1875. (Album de Roussin)

Eboulis du 26 novembre 1875. (Album de Roussin)

« Mon cher ami,

… La pluie qui, depuis plusieurs jours, tombait par torrents, venait de cesser, quand tout à coup, j’entends (un) bruit terrible … Encore à demi mouillé, je sors de la paillote qui me sert de cuisine, et alors un de ces spectacles qu’il n’est pas donné de contempler deux fois dans la vie, s’offre à mes yeux ! Les blocs, descendant du Gros Morne, roulaient les uns sur les autres, s’entrechoquant avec un bruit semblable au roulement du tonnerre, puis, rencontrant un Morne qui s’élève au pied des Salazes et qui, à ce qu’il paraît, est plus dur que le granit, s’élevaient à plus de cinquante pieds et retombaient en bondissant comme une grêle gigantesque. Peu à peu le calme s’est fait et alors nous avons pu nous rendre compte de l’horrible désastre. Cases, familles, et plantations, tout avait disparu dans le Grand Sable naguère si animé ; hier encore, une jeune fille du fond venait nous faire part de son prochain mariage et aujourd’hui, elle et son fiancé dorment sous l’éboulis. »

 

Le 24 novembre 1875, sous un amas colossal de roches et de terre, (18 millions de mètres cubes), 17 cases furent englouties entraînant la mort de 63 personnes.  Aujourd’hui une stèle rappelle cet événement tragique sur le sentier de la boucle des Trous Blancs.

 

Le Trou de Fer… ou comment j’ai échappé à l’enfer.

 

 

Cascade du trou de fer, photo V. Gauvin

Cascade du trou de fer, photo V. Gauvin

« Quoi ? », me dit mon interlocuteur, touriste fraichement débarqué sur notre île, « Vous prétendez être Réunionnais et n’avez jamais exploré le Trou de fer ? Vous êtes bien tous les mêmes. Vous habitez une île extraordinaire, l’île à grand spectacle, à en croire vos agences de voyage à court de superlatifs et vous ne connaissez pas le Trou de fer ?! »

Je fus tenté de répondre vertement à ce représentant d’une espèce fort répandue, celle des Jesaistout, pour qui le monde n’a pas de secrets et qui connaissent notre île intimement avant même d’y avoir mis le pied et s’en repartent au bout de quinze jours, fort des convictions forgées bien avant leur arrivée.

Je voulais, pour prouver ma qualité de Bourbonnais grand teint, de créole authentique, de Réunionnais de bonne extrace, en appeler à mes ancêtres venus de Bretagne, de Goa ou du Tamil Nadu, du Mozambique et de Madagascar. Je voulais mettre en avant ma maîtrise incontestée de la langue créole, mon addiction au piment, au rougail, au carri et au punch. Je voulais invoquer ma foi, résultat d’une subtile alchimie de plusieurs religions, judéo-chrétiennes, hindouistes et animistes. …Mais je sentis que le cas de mon interlocuteur était désespéré et pensai in petto: « À quoi bon ? » en me contentant de sourire…

Et pourtant il y avait là une faille dans mon armure, un manque dans mon éducation, une lacune dans ma culture : je l’avoue humblement, je ne connaissais pas le Trou de fer. Je me devais de réagir avant qu’il ne fût trop tard. Je décidai incontinent d’explorer cet abîme, d’entreprendre la descente quasiment abyssale du Trou de fer, de risquer ma vie s’il le fallait. J’en pris l’engagement solennel :

 

Croix de bois, croix de fer,                                                                                                                                                      Si je mens je vais en enfer !

 

Première possibilité : la randonnée.

Plusieurs possibilités s’offraient à moi que j’étudiais avec le plus grand sérieux, la première étant la randonnée, sac au dos, à partir d’Hell-bourg ou de la petite Plaine vers le gîte de Bélouve avec sa magnifique forêt de Tamarins des Hauts et de là vers la cascade du Trou de fer.

 

 La reine des Tamarins, abattue peut-être, mais vivante ! Photo V.Gauvin

La reine des Tamarins, abattue peut-être, mais vivante ! Photo V. Gauvin

 

Je me réjouissais à l’idée de rencontrer en chemin la « Reine des Tamarins », arbre gigantesque, qui par sa hauteur, son diamètre, ses branches, son feuillage offrait, hélas, trop de prise aux cyclones. À force de rafales, de vents tourbillonnants, de ralés-poussés, un cyclone plus intense que les autres avait fini par l’abattre. Mais même dans cette position allongée, inconfortable et peu naturelle pour un arbre, il avait retrouvé assez de force et de ressource pour continuer à plonger ses racines dans les profondeurs du sol volcanique et lançait vers les cieux des branches nouvelles.

Il y avait cependant deux inconvénients à choisir cette voie : D’abord le sentier qui était difficilement praticable en temps de pluie (7) et Dieu sait si les averses sont fréquentes dans cette région de l’île ! Cependant que l’eau venue du ciel s’infiltrait par le moindre interstice, sous l’imperméable on dégoulinait de sueur. Dans la grisaille on n’y voyait goutte et la progression s’avérait malaisée… On pataugeait dans la gadoue ; les chaussures collaient au sol, et au moment où l’on s’attendait le moins, le sentier se transformait brusquement en toboggan et l’on entreprenait sur les fesses une glissade involontaire d’une bonne dizaine de mètres, au risque de se retrouver dans les ronces du ravin, corbeilles d’or, sapans ou raisins marrons qui vous attendaient toutes griffes dehors. Dans le meilleur des cas on se relevait, pantelant, le visage scarifié, le corps endolori, complètement mouillé, berné (8 ) de pied en cap d’une boue visqueuse, en se demandant ce que l’on faisait là, ne sachant s’il fallait poursuivre sa route ou rebrousser chemin…Bref, très peu pour moi !…

 

Lorsque le guide touristique que je m’étais procuré, m’apprit en outre que l’on n’arrivait pas réellement au trou de fer mais à un point de vue d’où l’on apercevait, en l’absence de brume, entre deux averses, la cascade du trou de fer à une distance respectable, je renonçais à prendre cette route qui ne me permettait pas d’arriver à mes fins : descendre au plus profond du Trou de fer !

Si je choisissais cette voie je risquais d’être la risée de générations de touristes.

 

La deuxième possibilité : la technique de l’araignée.

Je décidai alors de changer mon fusil d’épaule et pour cela d’adopter la technique de l’araignée Nephila inaurata (à ne pas confondre avec le bibe vulgaire ou le babouk !) qui fait des prouesses de géométrie dans l’espace à partir du fil qu’elle fabrique en tant que de besoin. Je m’adressai à une équipe de canyonistes accomplis qui voulut bien m’initier et m’accompagner. Je me voyais déjà tout harnaché, chaussé de brodequins, la tête en sécurité dans un casque quasiment intégral. Je m’imaginais suspendu par un harnais et une corde à des sortes de piquets de métal, solidement fixés dans la roche dure. Tant bien que mal je progressais vers les profondeurs en repoussant du pied la paroi contre laquelle je risquais plus d’une fois de m’écraser.

Je me souvins alors que j’étais sujet au vertige et qu’il arrivait aussi – ce fut le cas récemment pour un malheureux alpiniste descendant les Salazes – que les piquets ne tiennent pas et que l’on soit précipité à quelques centaines de mètres plus bas avec le résultat qu’on devine aisément. J’eus la sagesse de renoncer à cette performance qui risquait de mal tourner.

 

L’araignée Nephila inaurata dans ses oeuvres…(Aquarelle H. Payet).

L’araignée Nephila inaurata dans ses oeuvres…(Aquarelle H. Payet).

 

Il ne me restait plus qu’une seule possibilité, le recours à l’hélicoptère…

On m’assura que ce moyen de déplacement offrait une sécurité satisfaisante, mais avant de m’engager plus avant je résolus de visionner un film sur le sujet. Ah, mes amis ce fut une expérience révélatrice qui hanta nombre de mes rêves avant le jour fatidique ! Je vis dans ce film comment l’aéronef décollait à la verticale en quelques rotations de ses hélices, puis, après le rapide survol de la plaine littorale, il s’engagea dans un lit de rivière entre deux parois qui progressivement gagnèrent de la hauteur. Bientôt il fut enfermé, enserré, bloqué : un mur à droite, à gauche un à-pic, en face une infranchissable muraille de Chine. Aucune issue, aucune perspective… L’hélico et ses passagers étaient pris au piège, mais le pilote, cet inconscient, ne semblait pas s’en faire, bien qu’il fût en charge d’âmes humaines. Que faire, Bon Dieu, Seigneur ! Que faire ?

Le bruit des pales du rotor se transforma, de bourdonnement il devint pétarade, puis vacarme que répercutait l’écho. L’hélico était condamné au sur-place. Dans le film les passagers s’affolaient, visiblement saisis de kap-kap (9). Une dame particulièrement pieuse, s’était déjà signée moultes fois ostensiblement… Soudain, ô miracle, alors qu’on ne s’y attendait plus, un espace se dégagea qui ouvrit à l’appareil une voie certes étroite, mais suffisante pour qu’il se faufilât sans demander son reste. Équipage et passagers étaient sauvés ! Alleluja !

 

Le film en question montrait alors l’endroit où devait commencer la plongée dans le trou proprement dit. Devant des yeux qui avaient du mal à rester dans leurs orbites, s’ouvrait un entonnoir dans lequel se précipitait une cascade qui se jetait à des centaines de mètres plus bas. Lentement d’abord, puis plus vite, l’hélico s’enfonça. En même temps s’amorçait un mouvement opposé de l’estomac, des intestins, bref des entrailles, qui voulaient trouver une issue… vers le haut. Comment cela allait-t-il finir ? Nul ne le savait, sinon peut-être le pilote qui gardait prudemment le silence… Tant bien que mal l’on arriva au fond de l’entonnoir qui ressemblait lorsqu’on levait les yeux à un tunnel vertical…On n’était pas au bout de ses peines, car il faudrait bientôt reprendre la montée !

 

Si la descente apparaît normale au commun des mortels en fonction des lois de la gravitation newtonienne, quelles sont donc celles qui sont à l’œuvre pour la remontée ? Je ne les connais pas toutes, si ce n’est que plus vite on monte et plus vite les entrailles, les tripes et autres boyaux ressentent une propension égale mais opposée à se précipiter vers le bas…

Une autre loi universelle également est celle qui nous enseigne que plus la situation est délicate et plus les appareils sophistiqués ont tendance à se dérégler…C’est à ce moment précis, en effet, que le bruit des pales se fit irrégulier, laissant craindre une panne plongeant équipage et passagers dans un doute métaphysique…

Après bien des vicissitudes et des tournés-virés l’on atteignit à nouveau le sommet de la cascade et d’un bond guilleret l’aéronef, comme délivré de la pesanteur, franchit la chaîne de montagne, déboula à toute vitesse dans le cirque de Salazie, frôla à la vole le Piton d’Anchaing et joyeusement regagna sa base. Ici finit le film.

Ils en sont revenus, photo V. Gauvin

Ils en sont revenus, photo V. Gauvin

…Deux jours plus tard j’eus de bonne heure un appel téléphonique urgent. La compagnie d’hélico m’annonçait que mon survol prévu pour cette date, devait être, hélas, pour d’impérieuses raisons météorologiques, annulé. Par politesse je feignis la déception, mais intérieurement je jubilais : mon esprit était soulagé, mon cœur bondissait d’allégresse. J’avais retrouvé l’optimisme et le goût de vivre. Le fameux survol en hélicoptère fut remis – Grâces soient rendues à Dieu – aux calendes grecques, ou si vous préférez à la Saint Glinglin !…

 

 

Christian Fontaine et Robert Gauvin.

 

 

Notes :

(1) Le « trou de bébête » évoque en créole réunionnais un coin perdu, situé au diable vauvert.

(2) « On appelle ainsi à Bourbon (La Réunion), les localités circonscrites comme des îles par des cours d’eau, des ravines et même de simples plis de terrain, sur les pentes des montagnes » (F.de Mahy, 1891). Cf. Le Dictionnaire illustré de La Réunion.

(3) Se reporter à l’article de ce blog intitulé : De la « Psychologie sociologique des trous »…

(4) Ce qui valait pour « Le Bernica », dans l’Ouest de l’île, sous la plume de Leconte de Lisle, convient parfaitement pour le cadre de l’îlet Petit Trou.

(5) Catherine Lavaux est l’auteur d’un livre remarquable sur La Réunion, constamment réédité depuis 1973, intitulé : «  Du battant des lames au sommet des montagnes ».

(6) Boucan : petite cabane de paille.

(7) Il faut reconnaître que depuis l’époque dont nous parlons l’O.N.F a travaillé à l’amélioration de ce chemin en construisant de nombreux caillebotis qui permettent d’échapper à la boue due à un climat particulièrement pluvieux.

(8) Nous créoles étions dans le vrai : le terme « berner » – courant en créole – n’existe pas dans notre Petit Robert français, mais l’internet nous apprend que J. Orr, s’appuyant sur une interprétation très plausible d’une expression utilisée par Rabelais, pense que le sens principal de « berner » serait « souiller » ; « berner » étant dérivé de « bren » (matière fécale). Cf : http://www.cnrtl.fr/ définition/berner in Etymol. et Hist.

(9) Kap-kap : avoir le kap-kap (Créole) : trembler de fièvre.

(10) D’après les connaisseurs de la terminologie géographique, le nom de Trou de fer serait utilisé par erreur. Le nom exact que l’on pourrait retrouver sur des cartes anciennes serait « Trou d’enfer » dont tous les visiteurs reconnaissent qu’il est tout à fait justifié. Une pétition devrait bientôt circuler pour obtenir la restitution de cette appellation contrôlable.

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À peine eurent-ils posé le pied sur l’île Bourbon, inhabitée à l’époque, que les exilés de Fort-Dauphin (1646-1649) n’eurent rien de plus pressé que de donner des noms à tous les lieux qu’ils découvraient ou créaient, ravines, caps ou habitations … Leurs successeurs continuèrent de plus belle et baptisèrent les pitons, les cirques, les remparts, sans oublier les bassins, les cavernes, les grottes et les trous… Des trous, justement, il n’en manquait pas : citons par exemple le Petit Trou, le Grand Trou, le Trou Rond, le Trou Blanc, le Trou Noir, le Trou à Cabris, le Trou de Cochon, le Trou de Chat, le Trou de Magasin, le Trou de Jacques, le Trou Maurice, le Trou du Cuisinier, le Trou Fanfaron, le Trou Malais, le Trou du Capitaine, le Trou de Cissia, le Trou d’air, le Trou d’Eau, le Trou de Fer à moins que ce ne soit le Trou d’Enfer…Tout cela   offrirait abondante matière pour une suite à la « Psychologie sociologique des trous » brillamment inaugurée par l’écrivain allemand Kurt Tucholsky qui notait de manière si pertinente : «  Un trou se trouve là où quelque chose ne se trouve pas. Le trou est un compagnon éternel du Non-trou. De trou seul, il n’y en a pas. Désolé ! »

Trou Pilon à Cilaos
L’un des premiers trous que j’ai fréquentés fut celui de Trou Pilon dans le cirque de Cilaos. A quoi doit-il son nom? Probablement à sa forme de « pilon », ustensile indispensable dans la cuisine réunionnaise, dans lequel l’on écrase gros sel, piment et autres épices à l’aide d’un kalou…C’était dans les années soixante. J’étais pensionnaire au collège Saint Jean-Marie VIANNEY, autrement dit le Petit Séminaire de Cilaos.

 

Le Trou Pilon transformé en aire de jeux, 2015

Le Trou Pilon transformé en aire de jeux, 2015

 

Le Trou Pilon en contrebas de l’église était notre terrain de jeu. Il était grand comme un terrain de football. C’était là que nous faisions nos exercices physiques et nos jeux de plein air. On se dépensait sur ce terrain dans de mémorables parties de foot le dimanche, les spectateurs assis sur ses pentes boisées. Ses buissons et ses fourrés nous permettaient de jouer à « gendarme-voleur »… S’il survenait un cyclone en janvier – février, il se remplissait d’eau. Les enfants de la ville venaient s’y baigner comme ceux du pensionnat. On attendait qu’il se vidât pour recommencer à jouer dedans.

Un vieux Cilaosien, Ignace RIVIERE (1893-1990), interrogé en 1980 par des élèves du collège Paul HERMANN (1), raconte ses souvenirs : «  Au pied de l’église en bois construite en 1858-59, le trou Pilon était un marécage. Il se remplissait d’eau jusqu’aux marches de l’église. Un jour, après le cyclone de 1874, mon grand-père Cyriaque PICARD a entendu comme un coup de canon, en pleine nuit. Il est allé voir et il a constaté que l’eau était partie par une tranchée. »

Selon les dires d’un fontainier qu’a connu Bernard ACCOT (2) né à Cilaos en 1936, le Trou Pilon aurait été relié à une galerie souterraine qui débouchait sur le « cassé » des Thermes, permettant son siphonage.

 

Trou de Sas ou Trou de Chat à Saint-Pierre

Descendons vers St-Pierre pour découvrir le « Trou de Sas » ou « Trou de Chat ». Dans « Le tour de l’île » du volume 2 de l’album de Roussin, (1845) Camille JACOB De CORDEMOY nous fait une description du Trou de Sas (ou Trou de Chat). « … Nous gravissons, en quittant les Grands Bois, une rampe du haut de laquelle on aperçoit au loin les navires mouillés devant St-Pierre…On me montre au bord de la mer le Trou de Chat, ou Souffleur. La mer pénètre sous une coulée de laves, dans une immense et profonde caverne dont le plafond supérieur, perforé ça et là, laisse chaque vague s’élancer dans les airs avec le bruissement formidable d’un cyclopéen soufflet de forge. »

Trou de Sas ou Trou de chat (Terre-Sainte/ St-Pierre).

Trou de Sas ou Trou de chat (Terre-Sainte/ St-Pierre).

Un autre témoin, Jules Hermann. Dans son Guide du voyageur pour le canton de St-Pierre (1923, il nous indique, page 5, « Dans les environs, au delà du bourg de Terre-Sainte, on va visiter le Trou du Sâs, trou triangulaire ouvert dans la lave du littoral par la main de l’homme (sic) à une époque qu’on ne peut préciser, et d’où la mer vient jaillir par grosse mer et forme écluse. »

Ce Trou de Sas ou trou de Chat est un souffleur comme il en existe plusieurs sur les côtes de l’île.       

 

Poursuivons vers St-Joseph et le Trou de Cissia

Le Trou de Cissia (St-Joseph).

Le Trou de Cissia (St-Joseph).

Gagnons les Hauts de Saint-Joseph et arrêtons-nous à Grand Coude près de la petite église. De là nous irons à pieds, en longeant la rivière des Remparts. vers des trous intéressants dont celui de Cissia.

 Jacques LOUGNON, « notre vieux tangue » écrit : « […] Vers 1950-55, j’ai eu la chance de visiter ce haut plateau tout à fait particulier, en compagnie de l’un des propriétaires, M. Charles PAYET, qui m’en fit les honneurs… On arrive tout à coup au bord de 2 cavités circulaires, une grande et une petite. C’est si loin dans mon souvenir qu’il m’est difficile d’en préciser les dimensions. Mais (l’une d’elles) doit bien faire environ 100 m de diamètre sur 5O m de profondeur. Le sol est coupé comme à l’emporte-pièce, un peu comme le cratère Commerson, mais en plus petit. Je n’ai pas eu l’impression d’une cheminée volcanique. J’ai pensé alors à un effondrement en bloc, où le morceau de forêt de la surface serait descendu en place. »

En fait, les deux trous de Cissia, au même titre que les Trous Blancs de la Plaine des Cafres et le Cratère de Commerson (265 m) sont catalogués comme des maars.

Comment se forme un maar ? Vikipedia nous apprend que le phénomène est le suivant : « Le magma, en remontant vers la surface, rencontre dans le sous-sol une nappe phréatique ou un cours d’eau souterrain. Une partie de cette eau se vaporise alors sous l’effet de la chaleur, ce qui entraîne une importante augmentation de la pression dans le sous-sol, au point que les roches en surface sont soudain éjectées à la manière d’un bouchon de champagne. Généralement, la nappe phréatique ou le cours d’eau souterrain qui a contribué à la formation du cratère alimente ensuite un lac dans le bassin ainsi créé. Les maars sont donc très souvent des lacs de forme circulaire aux pentes plus ou moins abruptes. »

 

L’un des Trous blancs de la Plaine des Cafres (route du volcan)

L’un des Trous blancs de la Plaine des Cafres (route du volcan)

Honni soit qui mal y pense…

Mais d’où vient le nom de Cissia ? Il s’agit du surnom d’une habitante de Grand-Coude du siècle dernier, une agricultrice qui s’appelait Anaïs GIGAN, née le 13 janvier 1892 au lieu-dit « les Bas de Jean-Petit ». Selon Mme Blanche Reine JAVELLE, conseillère municipale native de Grand Coude, Cissia a connu la vie dure des gens des hauts, quand il n’y avait ni électricité ni eau courante, qu’il fallait défricher pour planter le géranium et le distiller ensuite.

L’eau qui faisait défaut, elle l’a trouvée dans l’un des cratères au-dessus du village à une demie heure de marche. Cette source providentielle, elle l’aménagera et la protègera par un muret.

Cette source finira par prendre le nom de Cissia.

Il y aurait encore bien des trous à explorer. En attendant, et pour garder le sourire, revenons à notre écrivain allemand spécialiste de la « Psychologie sociologique des trous » : « Le plus intrigant dans le trou, c’est son bord. Il appartient encore à la matière mais regarde en permanence vers le néant : c’est le garde-frontière de la matière. » (4)

 

Christian Fontaine

  • Les collégiens étaient dirigés par leur professeur principal, Christian LANDRY.
  • Bernard est le fils du premier maire de Cilaos, Irénée ACCOT.
  • LOUGNON, «  Nouvelles chroniques, île de la Réunion » – 1977-1988, Azalées Editions, 1989.
  • Pour les citations en français de Tucholsky. cf. http://www.textlog.de/tucholsky-psychologie-1931.html.

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Vous réalisez un nouveau jardin ou modifiez vos espaces extérieurs déjà existants ? Vous avez besoin de conseils ? Le CAUE vous propose de rencontrer gratuitement son paysagiste. Celui-ci est à votre disposition pour vous aider à définir les étapes qui vous permettront de réaliser un jardin qui réponde au mieux à vos attentes.

oiseau_paradisLa rencontre avec le paysagiste

Le paysagiste du CAUE établit avec vous une check-list qui vous permettra de ne pas oublier les éléments importants à la réalisation de votre jardin. A commencer par les bonnes questions à se poser :

Dans quel environnement se situe votre jardin ?

La connaissance du microclimat de votre jardin (l’ensoleillement, pluviométrie, température, etc.) vous permettra de choisir les plantes réellement adaptées.
Votre terrain est-il en pente ?

Cette caractéristique permettra de définir les stratégies à adopter (choix des plantes et disposition) afin de limiter l’érosion.
Quelles sont les évolutions à venir sur votre terrain ?

Rares sont les constructions qui restent figées dans le temps. Bien souvent il est nécessaire d’agrandir, de construire un nouvel abri, de prévoir un lieu pour garer une voiture etc. Votre jardin évoluera au fil du temps en fonction de ces transformations.
Comment planter en limite de propriété ?

Les plantations sont souvent source de litiges entre voisins. Un arbre planté trop près, des fruits qui salissent la terrasse, bref tout est bon pour créer un litige qui empoisonne la vie. Il existe des règles en matière de plantation en limite de propriété.
Quelles plantes choisir ?

C’est le moment d’indiquer les plantes que vous aimez. Faites une liste de plantes et des couleurs que vous souhaiteriez voir dans votre jardin.paysagiste_clement
Comment les entretenir ?

Il existe un certain nombre de savoir-faire respectueux du jardin pour entretenir ses plantes et ses arbres : taille, désherbage, paillage, arrosage, compost, etc.
Comment réaliser une pergola, une clôture, un mur ou une toiture végétale ?

Toutes ces techniques destinées à embellir votre espace ont leurs avantages et leurs inconvénients et nécessitent des compétences professionnelles.

 

Quand rencontrer le paysagiste du CAUE ?

Tous les derniers mercredis du mois de 9h à 12h et de 13h30 à 16h30. Inscriptions au 02 62 21 60 86. Places limitées à 6.

 

Préparer l’entretien

Pour cet entretien (45 min), il est indispensable de vous munir de tous les documents qui permettront au paysagiste de comprendre vos intentions, vos envies et l’environnement du lieu dans lequel vous envisagez de réaliser votre jardin :

des plans permettant de visualiser votre terrain et le site environnant (Permis de construire, cadastre, esquisse ou plan simplifié)
des photos de votre jardin (numérique ou papier)

http://www.caue974.com/fr/evenements/autres/125-dernieres-actualites/370-profitez-des-conseils-gratuits-d-un-paysagiste

 

Nous remercions le CAUE Réunion de son heureuse initiative que nous partageons volontiers avec les lecteurs de DPR974

(1) Cf: Candide de Voltaire.

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Entretien avec Raymond LUCAS, Président de l’APN

 

Au bord d’un petit bras de la Rivière Saint-Jean, L’A.P.N. (Association des Amis des Plantes et de la Nature) nous a invités pour la 2ème fois à faire des « tit’ tentes vacoa » (1) qui peuvent remplacer les sacs et pots de plastique que nous utilisons d’ordinaire pour nos plantations. Quand une quarantaine d’amis des plantes et de la nature se retrouvent, il y a de la joie et de la ferveur, qu’il s’agisse d’explorer une forêt ou de faire travailler les petites mains et les langues à la confection des « tit’ tentes » (2). Dans l’effervescence des conversations croisées, où se distinguent les voix de quelques membres de l’A.P.N. dont Jacqueline Hoarau et Jean-Bernard Pause, écoutons son Président : Raymond Lucas.

« tit’tentes » réalisées en atelier

« tit’tentes » réalisées en atelier

 

1. Qu’est-ce que ces « tit’ tentes vacoa » (1) que vous réalisez ?  A quoi ça sert ?

R. Lucas : Ce sont des petites tentes faites avec des matières végétales – vacoa, bananier -, des produits pays de récupération de manière à  éviter les containers en plastique et la pollution de notre planète. On y met un petit plant et quand il atteint une certaine taille, on va mettre en terre la « tit’ tente » directement. Cette dernière va emmagasiner l’humidité et puis plus tard se décomposer naturellement.

 

2. D’où vous est venue cette idée ?

R. Lucas : A l’APN, on n’a rien inventé. En fouillant des vieux documents de l’ONF, j’ai découvert que dans les  années 40, toute la forêt de l’Etang-Salé a été reconstituée grâce à ces « tit’ tentes ». J’ai connu un homme handicapé qui gagnait sa vie avec fierté en les fabriquant. L’ONF les achetait pour y mettre des plants de filaos dans le but de fixer les dunes qui montaient vers les Avirons. Mon père lui, plantait du tabac comme cela. 22 jours suffisent avant la mise en terre pour un plant de tabac, quelques mois pour un plant de café…

3. Pourquoi ce retour aux « tit’ tentes vacoas »?

R. Lucas : A l’APN, on a voulu remettre au goût du jour l’expérience de nos ancêtres. Leurs trouvailles empiriques montraient du bon sens. Nos parents savaient travailler en harmonie avec l’environnement. Rien n’était jeté, tout était utilisé.

Je pense que nous n’étions pas encore victimes de la société de consommation et surtout La Réunion n’était pas encore établie comme une plateforme de consommation de produits venant de l’extérieur. C’est peut-être très politique ce que je dis, mais c’est sérieux et c’est vrai. On a utilisé pas mal de petits peuples et petites îles pour faire vivre de grosses entreprises. On nous a transformés en consommateurs. Alors que nous pouvons être des créateurs. La politique est belle chaque fois qu’elle sert la cause humaine et la cause de la planète.

Avec l’arrivée du plastique, on est allé vers la facilité et on a surtout fait marcher le commerce mondial. Or, on a des ressources. A l’APN, nous agissons pour la planète, pour l’environnement et pour la société.

R. Lucas et les « tit’ tentes »

R. Lucas et les « tit’ tentes »

 

4. Quel intérêt  et quels avantages y a t-il à utiliser ces « tit’ tentes  vacoa»  au lieu des pots en plastique du commerce ?

R. Lucas : Il y a une valeur économique, environnementale et sociale. On peut amener les gens à s’occuper utilement, leur apprendre qu’ils peuvent fabriquer des petits containers, même assis chez eux, même s’ils ont un handicap.

Quand on utilise les feuilles mortes, de vacoa ou autre, au lieu de les brûler ou de les envoyer vers les déchetteries, on leur donne une nouvelle vie, une mission. Le petit plant s’implante en terre ; la « tit’ tente » se décompose dans la nature, est biodégradable. C’est du développement durable.

Au niveau de l’arrosage, on dépense moins d’eau parce que la matière utilisée emmagasine l’eau et garde l’humidité plusieurs jours. C’est une économie pour la planète. La « tit’ tente » joue le rôle d’éponge et redistribue à la plante. Ainsi, à L’Etang-Salé, quand on a fait la forêt de filaos, il suffisait d’arroser une fois par semaine. Autrement, toute l’eau serait descendue dans le sable.

Au niveau de l’enracinement, comme la « tit’ tente » est enterrée avec la plante, il n’y a pas de traumatisme racinaire ; ce qui fait gagner du temps. Or, il y a des plantes dont les racines ne supportent pas la lumière -comme le Bois de pêche marron-. Nos amis en ont fait l’expérience avec un échec de 80 à 100%. Dans les « tit’ tentes », au fil du temps (après quelques semaines ou mois), les racines peuvent traverser la paroi végétale quand elles veulent et retrouver le sol. Elles ne s’enroulent pas, il n’y a pas de « chignon », pas d’obstacle. La « tit’ tente » impose elle-même le moment où il faut la mettre en terre. C’est le moment où le container se dégrade, mais pas n’importe comment : il se décompose en fabriquant de l’humus dont les racines ont encore besoin. Ainsi, à la différence du pot en plastique du commerce, la « tit’ tente vacoa » vit avec la plante de manière plus pérenne et plus naturelle par recyclage.

« tit’tentes » avec des plants

« tit’tentes » avec des plants

 

5. Comment peut-on envisager l’avenir des « tit’ tentes vacoa » ?

R. Lucas : C’est un savoir qui est à transmettre. D’où notre rôle de passeurs. Cela nous voulons le faire ; cela entre à fond dans les objectifs de l’A.P.N. Il faut que ce savoir entre à l’école. Il y a des enseignants du primaire et de collèges qui sont intéressés. On a été à l’école de Maison Blanche. Un élève a dit : « Mon papa est agriculteur. Mi sa montre papa faire ! ».

Les connaissances empiriques c’est aussi de la science sous une autre forme. C’est aux scientifiques de continuer les recherches que nous avons commencées pour approfondir les raisons pour lesquelles nos parents ont utilisé ces « tit’ tentes vacoa ». C’est un appel que je leur lance : analyser de beaucoup plus près ces savoirs empiriques. Nous leur lançons la perche, nous leur passons le relais.

Pour l’instant, il faut avoir les pieds sur terre. On ne peut pas se passer des pots en plastique du commerce pour planter. Mais, ce que nous voulons, c’est lancer ce nouvel esprit, se passer à terme des containers en plastique. Certains imaginent d’autres usages des « tit’ tentes », comme support de culture pour l’orchidée, cache pot, etc… Et pour l’exportation, pourquoi pas ? Si ça peut servir l’économie réunionnaise… Mais, comme dans toute chose, comme pour les produits alimentaires, il faut veiller à éviter les problèmes sanitaires.

« Notre objectif : reconstituer des forêts, avec un enracinement qui va permettre une résistance aux cyclones. » (3). Donc, « faisons des « tit’ tentes vacoa » ! » (4)

6. Le mot de la fin ?

R. Lucas : Il y a des trésors qui se cachent dans les plantes et que nous devons découvrir, décrypter, utiliser. Il nous faut assurer la sauvegarde du patrimoine floristique et la sauvegarde de notre planète et des espèces. Il faut sauver l’espèce humaine et le milieu de vie de l’espèce humaine.

Avec nos remerciements à Raymond Lucas pour son accueil chaleureux et son désir de partage.

Nos remerciements également aux Amis de l’A.P.N, à Jacqueline Hoarau et à Jean-Bernard Pause pour leur participation qui a permis d’enrichir la réflexion.

 

Marie-Claude DAVID FONTAINE

 

1. « tit’ tentes vacoa » : expression et graphie utilisées par l’APN sur l’invitation à l’atelier.

2. Pour la fabrication des « tit’ tentes », voir l’article précédent : Atelier « tit’ tentes vacoa ».

3. Approbation d’un propos émis par Jean-Bernard Pause (Représentant  scientifique de l’APN au Parc National).

4. Approbation générale d’un propos de Jacqueline Hoarau (Vice-Présidente de l’APN).

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Quelque part, sur une propriété agricole, au bord d’un petit bras de la Rivière Saint-Jean, du côté de Sainte-Suzanne, l’A.P.N. (Association des amis des plantes et de la nature) nous a invités à faire des « tit’ tentes vacoa » (1). Il ne s’agit nullement de sacs, paniers ou soubiques pour faire ses courses, mais de petits containers végétaux qui, mis en terre avec une plante, vont emmagasiner l’eau et se décomposer pendant que la plante se développe, en lui apportant de l’humus en plus (2). C’est pourquoi, nous pourrions gagner à remplacer nombre de sacs et pots en plastique que nous utilisons d’ordinaire pour nos plantations par ces « tit’ tentes » biodégradables qui étaient en usage autrefois.

A l’ombre des grands bambous, pieds de longanis, de figues, mangues, jamrosats et autres pieds de bois, nous nous mettons à la tâche. Il y a de la ferveur à fabriquer ces objets qu’utilisaient nos aïeux plus respectueux de la nature et moins esclaves de notre société de consommation. Il y a de la joie et du plaisir à retrouver les gestes ancestraux, avec les conseils et l’aide des uns et des autres. Les débutants préfèrent commencer en travaillant les zanpones (3) de bananier, plus souples et plus faciles à plier. Mais on passe vite à la fabrication des « tit’ tentes vacoa » dont la fibre est plus rigide et plus résistante dans le temps.

Sans doute voulez vous aussi faire ces « tit’ tentes » avec nous ? Rien de plus facile !

Atelier « Tit’ tentes  vacoa »

Atelier « Tit’ tentes vacoa »

 

Fabrication d’une « tit’ tente vacoa »

 

Matériel : feuilles de vacoa (ou de bananier ou autre végétal), ciseaux, couteau, une bouteille ou autre récipient pour le travail de la forme.

 

Préparatifs : Préparez vos feuilles à l’avance. Les zanpones de bananier, plus faciles à travailler, doivent être semi sèches. Les feuilles de vacoa doivent tremper une nuit (au moins) pour s’assouplir. Enlevez ensuite les épines sans oublier que « feuille vacoa i coupe 3 côtés ». Coupez vos feuilles en bandes d’environ 50 cm de longueur sur 8 cm de largeur. Avant de travailler la bande de vacoa, la lisser et l’assouplir en faisant rouler votre bouteille dessus.

                                                                                                                              

Mise en place des bandes.

Mise en place des bandes.

Fabrication (4)

1. Placez une bande en passant sous le culot de la bouteille, la 2ème en forme de croix. Bien appliquer en serrant sur les parois. Ainsi votre bouteille est totalement habillée.

2. Attachez avec des ligatures végétales évidemment : mini bande de bananier torsadée ou simple bande de vacoa. Placez une ligature au bas de la bouteille et une autre à mi-hauteur environ.

Ligatures 1 et 2

Ligatures 1 et 2

3. Repliez les bandes sur la ligature du haut et attachez de nouveau (3ème ligature).

4. Coupez les bandes tombantes à hauteur désirée.

Repli des bandes et ligature 3 avant égalisation

Repli des bandes et ligature 3 avant égalisation

5. Extirpez la bouteille (en faisant tourner et glisser). Et voilà. Votre « tit’ tente » est finie, prête à accueillir terre et plante pour quelques semaines ou mois.

Quelques mots encore

En fait, le travail (pliage des feuilles, serrage sur la bouteille et ligature) est facilité par l’aide ponctuelle d’un dalon ou voisin ! Et pour l’esthétique, vous avez le choix de la feuille et des veinages. Les pliages et découpes peuvent être plus ou moins soignés et fantaisistes. On peut même se sentir pousser des ailes de créateur. Voire, faire autre chose et passer de la « tit’ tente » pour plante à un cache-pot ou un présentoir de bouteille…

Pas de doute ! Vous ne pouvez que réussir !

Quel plaisir de réaliser soi-même ses « tit’ tentes » et de retrouver un moment le lien qui nous unit à la nature nourricière.

Avec nos remerciements à l’A.P.N. pour l’atelier et les conseils

Marie-Claude DAVID FONTAINE

1. Expression et orthographe utilisées par l’APN sur l’invitation à l’atelier.

2. Sur ce sujet, nous vous invitons à lire l’entretien annexe avec le Président de l’APN, Raymond Lucas : Planter avec les « tit’ tentes vacoa ».

3. Zanpones : enveloppes du tronc du bananier.

4. Les photos 2, 3 ,4 montrent une réalisation avec des zanpones de bananier, mais on procède de même pour le vacoa.

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