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Archive for Mai 2015


« Allô, allô, habitants de l’Étang-Salé, des Avirons, de Saint-Leu, vous êtes tous concernés ! », peut on lire dans un appel qui circule actuellement sur les réseaux sociaux. Cet appel s’adresse à tous les Réunionnais car, selon son auteur, c’est de la qualité de vie dont il est question. Une qualité de vie qui serait mise en danger par le projet de carrière à Bois Blanc destinée à fournir les roches qui font toujours défaut au chantier de la nouvelle route du Littoral…

st leu

Au sujet de la carrière de Bois-Blanc à Saint-Leu – les Avirons

Allô, allô, habitants de l’Étang-Salé, des Avirons, de Piton Saint-Leu et de Saint-Leu, vous êtes tous concernés !

Je sors de la consultation publique. C’est une monstruosité. On peut tous se barrer du Sud-ouest ! Ça nous concerne tous, c’est maintenant qu’il faut réagir, cette enquête publique va déterminer si « OUI » ou « NON » les habitants acceptent cette carrière géante au bord de l’océan.

Ce n’est plus une possibilité mais un projet très sérieux qui démarrera dans quelques mois. C’est toute notre qualité de vie qui va basculer, 2 passages de camion par minute par jour sur la route du bord de mer (+/- 450 rotations par jour de 5h du matin à 20h le soir… oui, oui, oui soit 900 poids lourds !).

Fini le vélo sur la route bord’mer ; la fréquentation de la route va bondir de 900 poids lourds supplémentaires par jour… L’échangeur d’Étang-Salé les bains sera un giratoire géant à poids lourds ! Je ne vous parle pas de ce que cela va produire tous les matins au niveau de Saint-Paul puisqu’il y a 4 ou 5 h d’embouteillage terlà et que cela va ramener entre 480 et 600 PL en plus dans ces bouchons…

C’est la fin du développement touristique de toute la zone sud-ouest.

De la poussière très dangereuse pour la santé : Silice Cristalline (autant que l’amiante)… Elle s’étendra jusqu’à Saint-Leu vers le nord et jusqu’à Saint-Louis vers le sud, et bien-sûr énormément plus au dessus, vers Les Avirons : c’est à 1km du centre ville des Avirons (asthme, troubles de la santé, cancers…). On trouve 4 écoles et une PMI dans la zone ! C’est très sérieux pour les enfants et les personnes âgées.

Tirs de mine et fabrication d’explosifs rythmeront vos journées : on les entend à plus de 6km.

carte1

L’eau sera puisée depuis le bras de Cilaos ; elle disparaitra pour arroser une carrière car l’eau va soit disant permettre d’arrêter toute éventualité de propagation de poussière… Lol, on y croit ! Avec bien-sûr juste en dessous une nappe phréatique importante : c’est un réservoir pour l’île, il sert à la consommation, et sera pollué par celle-ci.

Cette eau (30.000 l/heure) mélangée à la poussière partira directement dans des bassins de décantation, avec un déversoir dans la ravine… Si, si, si… Et hop, il n’y aura JAMAIS de pollution… On le sait bien, ici les pluies fortes sont un mythe et le ruissellement aussi…

 

Alors que peut représenter une carrière à ciel ouvert de 55 hectares au bord de l’océan ?

D’ailleurs pas un mot sur la réserve marine : les milliers de litres de boue dans la zone littorale ne sont simplement pas envisagés, donc aucune dérogation, rien, et si cela arrivait (comme régulièrement !) on dira que l’on ne savait pas et ce sera la mort par envasement de toute la zone depuis le lagon de l’Étang-Salé jusqu’à Saint-Leu…

La réserve marine est totalement silencieuse sur ce sujet… alors que 500m plus loin, une station d’épuration n’arrive pas à rejeter ses eaux claires et traitées dans la réserve !

Cette carrière fera plus de 55 hectares et sera creusée jusqu’à 60m de profondeur durant minimum 5 ans. Ce seront des dommages irrémédiables sur le paysage, la faune, la flore. Tout sera pulvérisé.

Mais le pire reste à venir. Une fois l’exploitation finie, le site sera préparé pour — tenez vous bien — l’installation d’un incinérateur à déchets ! Et oui, c’est là qu’ils comptent le faire… Au bord de l’océan sur une zone calme, tranquille en plein développement touristique, à plus de 50km de toute grosse agglomération.

Voilà ! Si vous penser que cela ne vous touche pas, que vous ne verrez pas la différence, vous vous trompez, c’est toute la vie du sud-ouest qui est en danger !

Je ne plaisante en rien ; tout est écrit noir sur blanc dans le dossier consultable… en mairie ! Bien-sûr ne vous attendez pas à ce qu’il soit accusateur puisque c’est la société exploitante qui l’a rédigé, mais en prenant le temps de le lire, vous relèverez des aberrations ou des manques, il y a des paragraphes qui vous glacent le sang, d’autres, comme le NON sujet sur la pollution de l’océan, vous laissent sans voix… ou encore le calcul de propagation des poussières fines par vent fort : soit 28 km/h ! Lol jaune… En hiver, les alizés soufflent jusqu’à 80 km/h… Ou simplement que l’étude prend en compte les Avirons situés à 1km mais PAS Piton Saint-Leu situé à 2 km !

carte 2

Il est capital de répondre à cette consultation publique, qui aura lieu en mairie de Saint-Leu, les Avirons et l’Étang-Salé, ces jours-ci. On peut y aller tous les jours et noter ce que l’on pense (son opinion et ses questions) dans un cahier fait pour cela, les jours de permanence servent à rencontrer le commissaire-enquêteur pour lui poser des questions.

Le commissaire consignera tout cela dans un rapport qu’il donnera à la société d’exploitation, puis celle-ci évaluera les contraintes, et redonnera le tout au commissaire qui transmettra avec l’avis des habitants, au préfet pour autorisation ou non.

C’est maintenant qu’il faut s’y opposer. Notre futur et celui de nos enfants en dépendent ! Merci de faire tourner largement !

Le commissaire-enquêteur sera dans les mairies suivantes selon ce calendrier :

Mairie de Saint-Leu
Mardi 26 mai, 9h/12h
Lundi 1er juin, 13 h/16h
Lundi 8 juin, 9h/12h
Lundi 15 juin, 13h/16h
Lundi 22 juin, 13h/16h
Mairie de l’Étang-Salé
Mercredi 27 mai, 9h/12h
Mercredi 3 juin, 13 h/16h
Mercredi 17 juin, 9h/12h
Mairie des Avirons
Vendredi 29 mai, 9h/12h
Jeudi 4 juin, 13 h/16h
Jeudi 18 juin, 9h/12h

Nos remerciements au site de 7lameslamer dont voici le lien

http://7lameslamer.net/

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Profitant de la qualité de ses sols et de son climat tropical, la Réunion offre une végétation souvent abondante et luxuriante qu’il est essentiel de préserver et d’utiliser dans l’habitat.

 

La végétation représente, en premier lieu, un élément décoratif de la maison, mais elle lui offre surtout un confort thermique naturel. Il ne faut donc pas négliger les plantations. Pensez tout d’abord à la végétation existante : préservez les arbres actuels pour accompagner judicieusement les constructions. Estimez ce qui peut-être conservé et ce qui peut-être remplacé pour maintenir un maximum d’arbres sans gêner le chantier.

La végétation filtre le soleil entrant sous la varangue du CAUE.

La végétation filtre le soleil entrant sous la varangue du CAUE.

 

 

Il est aussi conseillé de planter abondamment les talus et les abords de la maison. La végétation favorise, en effet, un climat agréable autour de l’habitation par l’ombre qu’elle procure et abaisse la température ambiante en absorbant le rayonnement solaire. Au contraire, une cour entièrement bétonnée ou un mur de soutènement exposé au soleil accumule la chaleur qui rayonne alors  vers la maison. Le béton est un véritable accumulateur thermique qui chauffe l’air autour de votre case.

Pour bien se protéger du soleil, quelle que soit sa position dans le ciel, la végétation doit être de différentes hauteurs. Pour cela, privilégiez des arbres qui offrent naturellement de l’ombrage comme : le Bois noir, bien adapté pour les grands jardins, l‘Ylang-ylang, idéal pour les petits jardins, le Natte ou le Benjoin.

La grande allée de la Maison Larrée à Saint-Louis.

La grande allée de la Maison Larrée à Saint-Louis.

 

Les plantes et arbres procurent aussi un climat agréable car ils font écran aux vents tout en favorisant la ventilation. Ils oxygènent l’air et le rafraîchissent. Plantez également de part et d’autre de la clôture des arbustes variés et colorés ou des plantes grimpantes : cela cache partiellement la vue mais permet une bonne circulation de l’air.

En plus du confort thermique de la parcelle et de l’agrément de la cour, la végétation est indispensable au maintien de la terre et de la stabilité du sous-sol. Il est donc utile de la prendre en compte dans votre projet et de la protéger avant et pendant le chantier.

 Case de Saint-Denis au centre du jardin créole.

Case de Saint-Denis au centre du jardin créole.

 

Si vous plantez abondamment, évitez la dispersion désordonnée et proscrivez les espèces étrangères à la région. Regroupez au maximum les espèces en fonction de leur taille, de leur volume, de leur couleur. Votre jardin participe au paysage de votre quartier. Vos arbres forment entre les maisons un petit écrin vert qui lie les bâtiments les uns aux autres et les protège de la chaleur. Il est important pour vous, votre santé et votre bien-être de reconstituer rapidement ce coin vert, frais et sécurisant qui donne une si grande unité à votre quartier. N’oubliez pas la règle d’or : votre jardin se conçoit avec la maison et non pas l’un puis l’autre.

l’esthétique va de pair avec la dissuasion : attention aux bougainvillées, qui s’y frotte, s’y pique !

l’esthétique va de pair avec la dissuasion : attention aux bougainvillées, qui s’y frotte, s’y pique !

 

  • Le jardin animé au CAUE à Saint-Denis

 

Le dimanche 7 juin, des animations autour du végétal auront lieu au CAUE à Saint-Denis à l’occasion de « Jour de jardin ». Au programme : brocante, projection d’un film sur l’agro-écologie et exposition sur les espèces endémiques de la Réunion.

Pour la 3ème édition de Jour de jardin, le CAUE reconduit sa traditionnelle brocante qui attire chaque année des centaines de badauds. « Même si la vente est permise, nous souhaitons favoriser par cette action le troc de plantes ou de graines, et les échanges de conseils entre les personnes, le tout dans une ambiance bon enfant », explique le paysagiste Clément Aquilina. Seuls les particuliers sont autorisés à occuper gratuitement un stand pour vendre ou échanger des plantes, outils, livres, mobiliers de jardin… François Le jardinier, spécialiste en jardinage, sera également présent pour conseiller les visiteurs et les guider dans leur choix.

Suite à son succès lors de l’édition précédente, la grainothèque du CAUE sera de nouveau accessible au public pour des échanges de graines (bois d’arnette, bois de judas, poivrons, corossol, etc.) et des ateliers pratiques. Il sera aussi question de sensibiliser les visiteurs au réseau de semences paysannes qui travaille à la promotion de modes de gestions collectives de la biodiversité cultivée. Pour alimenter les discussions, l’Ecole du jardin planétaire proposera également la projection du film consacré à l’itinéraire de l’un des pionniers de l’agro-écologie en France Pierre Rabhi, « Au nom de la terre ».

Jour de jardin est aussi l’occasion de mettre en lumière des productions consacrées au végétal. Cette année, le CAUE propose au public une exposition sur les arbres endémiques de la Réunion. Le photographe Benoit Davroux et Mathieu Hoarau, passionné de botanique ont répertorié 16 espèces dans le sud de l’île (Mapou, Bois de Pomme Rouge, Bois de Rempart, etc.). « Les photos ont principalement été prises de nuit, avec un éclairage à la torche. Au delà des espèces remarquables, le résultat photographique est saisissant ». Si la manifestation a essentiellement lieu le dimanche, l’exposition, elle, sera visible du 2 au 7 juin.

 

Dpr 974 remercie le CAUE de son aimable autorisation de reproduire les textes ci-dessus. Site du Caue : http://www.caue974.com/fr/

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Il nous fallait un guide pour découvrir Trois-Bassins, petite commune de notre île, que beaucoup de Réunionnais connaissent fort mal … Pouvions – nous rêver de guide plus passionnant que Daniel Vabois, l’humoriste bien connu, mais aussi le naturaliste, le poète, l’amoureux de l’histoire de son île? L’on sent, à travers ses récits, ses anecdotes, ses rires, ses indignations même,  l’amour qu’il porte au « péi » natal. C’est là que ses parents se sont installés au pied du Grand Bénare, entre  Grande et Petite Ravine, au début du 20e siècle. C’est là que Daniel a pris racine. Il s’est livré avec nous au jeu de questions-réponses, pour le plaisir des  lecteurs de Dpr974.

 

Dpr974 : Daniel Vabois, bonjour ! Un nom inhabituel que celui de votre commune, pas de nom de Saint comme dans le chapelet des communes du littoral, ni de nom malgache comme pour certaines communes des Hauts, souvenir de l’époque du marronnage. D’où ce nom vient-il ?

 

Daniel Vabois : C’est tout simple : la commune de Trois-Bassins tire son nom de celui d’une ravine connue depuis l’époque de la première tentative de colonisation de Madagascar par la France. En 1646, une douzaine de fortes têtes avaient été expédiées en exil à l’île Bourbon par le gouverneur du Fort Dauphin, Jacques de Pronis. Lorsque en 1649, Etienne de Flacourt, son successeur, les fit rapatrier, les mutins lui firent une description édénique de leur vie sur l’île Bourbon et mentionnèrent, notamment, une ravine située dans l’ouest de l’île et dont le lit comportait trois larges bassins dans sa partie littorale. Flacourt a d’ailleurs fait figurer ce cours d’eau, sur une carte parue en 1661, sous la dénomination : « ravine des trois bassins ».

 

L’île Bourbon, dessin Huguette Payet, d’après la carte d’Étienne de Flacourt.

L’île Bourbon, dessin Huguette Payet, d’après la carte d’Étienne de Flacourt.

 

Dpr974 : Voilà donc un premier mystère éclairci, mais quel rapport avec les bassins du Cormoran, des Aigrettes, des Trois Roches et du Bassin Malheur ?…

 

D.Vabois : Il n’y en a pas, géographiquement parlant. Le « Bassin Cormoran », « le Bassin des Aigrettes », « le Bassin Trois Roches », « le Bassin Malheur » se trouvent dans la Ravine Saint-Gilles, sur le territoire de la commune de Saint-Paul. Ceux de la Ravine des Trois Bassins n’ont pas reçu de noms particuliers. Par ailleurs, ils sont très difficilement repérables aujourd’hui, du fait du travail de l’érosion et de l’envahissement par la végétation.

 

Dpr974: Je fais volontiers mon mea culpa… Revenons à présent à Trois-Bassins et à son origine. Quand donc la Commune est-elle née?

 

D.Vabois : Elle est née en 1897 par détachement d’une partie du territoire communal de Saint-Leu (1) (arrêté gubernatorial du 15 avril) et élection de son premier maire, Henri Auber (le 09 mai). Jusque là, Trois-Bassins avait été une section administrative de la commune de Saint-Leu. Depuis 1888, dans une première pétition, les habitants de ce quartier avaient demandé la création d’un poste d’adjoint spécial. Il leur aura fallu beaucoup de persévérance et de combativité pour obtenir leur émancipation (2).

 

Dpr974 : Pouvez-vous nous parler des différents paysages de la Commune ?

Sur la carte de La Réunion, le territoire communal de Trois-Bassins présente les contours d’une langue de terre, qui s’étire « du battant des lames au sommet des montagnes », comme l’on disait autrefois. Il s’étend sur près de 4.500 ha au long d’un énorme relief pentu appelé planèze du Grand Bénare. En se basant sur la nature des formations végétales qui s’y sont développées, on peut grossièrement subdiviser ce territoire en trois grandes zones, correspondant à des paysages actuels :

 

Une zone littorale (de 0 à 400 m d’altitude)

 

Embouchure de la Ravine des Trois Bassins (Coll. D. Vabois)

Embouchure de la Ravine des Trois Bassins (Coll. D. Vabois)

 

Zone à déficit pluviométrique important, elle porte une savane couverte de Pikan, de Zépinar, de Galabert (corbeille d’or) et autres majestueux Tamarins de l’Inde. On y trouve aussi, dans sa partie haute, une abondance de faux Poivriers (dits Baies roses ou bois d’l’Encens). En bordure de mer, s’étalent deux petites plages de sable corallien, dont une située dans l’embouchure de la Ravine des Trois Bassins, particulièrement fréquentée pour la pratique du surf.

Cette zone est traversée du nord au sud par la route nationale N°1.

Une zone intermédiaire (de 400 à 1200 m)

En gros, jusqu’à environ 800 m d’altitude, les terres sont essentiellement couvertes de champs de canne à sucre.

C’est la partie la plus urbanisée du territoire communal (entre 500 et 750 m d’altitude). Elle comporte un « centre ville » où l’on trouve mairie, église, gendarmerie, poste, pompiers, écoles… et des écarts nommés Bois de nèfles, Montvert, La Grande Ravine, La Petite Ravine.

Elle est traversée du nord au sud, dans sa partie basse par la Route des Tamarins toute récente (livrée en 2009), dans sa partie haute par la Route Hubert de l’isle, voie de communication beaucoup plus ancienne (livrée en 1856).

Au-delà des 800 m, se développe une zone d’élevage caractérisée par des prairies d’altitude, depuis environ une trentaine d’années. Auparavant, on y trouvait des champs de Géranium rosat dont l’extraction de l’huile essentielle a constitué longtemps une importante ressource économique pour les familles de Trois-Bassins.

Une zone haute (de 1200 m à 2896 m)

Les formations végétales qui s’y développent conduisent à la décomposer en deux sous-zones : celle des forêts, qui s’étire jusque 1900 m d’altitude, et celle de la brousse secondaire (dite altimontaine) au-delà.

Cette zone est traversée, vers 1500 m, du nord au sud par une route forestière bétonnée (livrée en 1975), qui relie le site du Maïdo à celui du Tévelave, sur une trentaine de kilomètres.

 

Les paysages de Trois-Bassins s’arrêtent aux bords du rempart du Grand Bénare, troisième plus haut sommet de l’île après le Piton des neiges et le Gros Morne. De là, le regard porte sur les à pics vertigineux des cirques de Mafate et de Cilaos et l’on distingue, au loin, le Col du Taïbit. À cette altitude, en période froide, il n’est pas rare que l’eau gèle dans des excavations naturelles, ce qui a fait dénommer « Glacière » un site qui se situe un peu en-dessous du sommet du Grand Bénare.

 

village de Marla, col du Taïbit et massif du Piton des Neiges à l’arrière-plan. Photo prise en montant vers le Grand Bénare (Coll. Marc DAVID).

village de Marla, col du Taïbit et massif du Piton des Neiges à l’arrière-plan. Photo prise en montant vers le Grand Bénare (Coll. Marc DAVID).

Dpr974 : il n’est évidemment pas possible de citer toutes les curiosités naturelles et toutes les créations humaines qui appartiennent au  patrimoine de Trois-Bassins. Néanmoins, sur quoi voudriez-vous attirer particulièrement l’attention des visiteurs ?

L’histoire de Trois-Bassins a commencé à la fin de l’esclavage (3) mais surtout au cours de l’engagisme (1848…), alors qu’il ne s’agissait que d’un écart de la commune de Saint-Leu. On ne peut passer sous silence la longue époque lucrative de la culture du caféier à Saint-Leu et l’abominable résultante qu’a constitué la révolte des esclaves de 1811. Mais notre histoire a véritablement pris racines à l’époque de la culture de la canne à sucre.

Dans le quartier de la Grande ravine, dès 1850, les membres de la famille Gauthier ont été les bâtisseurs (aujourd’hui ignorés de tous) d’un vaste domaine foncier, sur lequel a fonctionné une usine sucrière d’envergure pendant plus de soixante ans, jusqu’au début de la première guerre mondiale. Cet établissement sucrier a eu la particularité d’être équipé de téléphériques pour l’acheminement des cannes, du champ au moulin. L’équipement industriel du domaine de la Grande Ravine a pesé lourd dans la balance pour obtenir l’érection du territoire communal de Trois-Bassins en 1897.

 

Un autre pan remarquable de notre histoire communale a été tissé par les nombreuses « familles des champs », qui sont venues du sud de l’île (Le Tampon, L’Entre-deux), après la fermeture de l’usine sucrière, pour défricher les terres situées au-dessus de la route Hubert de l’isle et planter le géranium rosat, nouvelle culture-providence. Beaucoup de leurs descendants, devenus Trois-Bassinois, peuvent encore en témoigner aujourd’hui. Ce travail, accompli dans un contexte de grande misère coloniale, mérite toute notre reconnaissance. Encore des bâtisseurs ignorés !

 

Je ne peux m’en aller sans avoir rendu un vibrant hommage aux habitants du quartier des Trois-Bassins pour leur engagement tenace et fructueux dans la construction de l’église de ND des sept douleurs, entre 1856 et 1858, soit trente ans avant la signature de la pétition demandant la création d’un poste d’adjoint spécial pour le quartier.

Les habitants avaient répondu à l’appel du curé Gaben pour aller chercher du sable noir destiné à la fabrication du mortier. La nuit, hommes, femmes et enfants suivaient le père en transportant péniblement le matériau, à travers les sentiers, depuis le bord de mer jusqu’à 750 m d’altitude.

Hélas, le cyclone du 16 janvier 1858 abattit les colonnes et les voûtes ! Mais ils recommencèrent et le 8 février 1859, l’église fut de nouveau ouverte au public.

 

Dpr974 : Merci Daniel Vabois de nous avoir guidés sur les chemins de votre péi natal. Nous avons à présent le sentiment de le voir avec vos yeux, avec les yeux du cœur. Pouvez–vous, en guise de mot de la fin, nous dire comment vous voyez l’avenir de Trois-Bassins ?

Pont-voilier de la Ravine des Trois-Bassins sur la Route des Tamarins (Coll. D. Vabois)

Pont-voilier de la Ravine des Trois-Bassins sur la Route des Tamarins (Coll. D. Vabois)

D.Vabois : Aujourd’hui, il est impossible de ne pas avoir conscience des crises graves auxquelles de plus en plus de pays sont confrontés dans le monde. Notre minuscule île départementalisée n’en sera pas épargnée, d’autant qu’elle est déjà très surpeuplée. Parvenu au bout de mon cheminement (ou presque), j’ai la conviction que l’état d’ignorance de son histoire, dans lequel les colonisateurs (de l’extérieur comme de l’intérieur), ont maintenu le peuple réunionnais, ne va pas arranger les choses. Plus que jamais, il m’apparaît incontournable de mettre en œuvre tout ce qui peut donner aux jeunes générations l’opportunité de s’approprier l’histoire de leurs terroirs. L’utilisation des nouvelles technologies d’information et de communication en est une, je les exhorte à entreprendre cette démarche. Allez puiser dans les valeurs transmises par nos aînés bâtisseurs, vous y trouverez souffle et énergie pour construire un développement approprié de votre « péi-zonbri » ! En faisant preuve d’inventivité, d’effort en solidarité mais aussi de ténacité, les obstacles qui encombreront immanquablement votre route, seront moins pénibles à surmonter. Prenez en mains votre devenir, avec clairvoyance et courage, et en toute fierté, et mettez en pratique l’adage créole « fié pa su lansor (4) tonton po sote la ravine » !…Ce qui signifie en français : ne pas s’en remettre aux seules initiatives d’autrui pour construire son lendemain.

 

(Interview de Daniel VABOIS par DPR974)

 

Notes

1°) Le territoire communal de St-Leu ayant été lui-même issu d’un détachement du territoire communal de St-Paul en 1790, par l’fète, TroisBassins i tonm « zanfan Saint-Leu » é « ti-zanfan » Saint-Paul.

 

2) Les habitants du quartier avaient avancé des arguments de poids pour obtenir leur émancipation : position très excentrée par rapport au centre administratif de Saint-Leu, importance économique et sociale du quartier du fait de l’activité d’une usine sucrière à la Grande Ravine, de l’existence d’une église, d’une école…

3) Madame Desbassayns, figure blanche de l’esclavage au 19ème siècle dans notre île, a marqué l’histoire du territoire communal de Saint-Paul, pas celui de Trois-Bassins. Quant à Abd-El_KRIM (20ème siècle), il n’a été qu’un habitant occasionnel de notre territoire communal (oiseau de passage), pas vraiment un bâtisseur ! Même s’il a fait l’acquisition d’un terrain (Terrain marocain au Câble), pour y faire cultiver le géranium, entre 1943 et 1947.

 

4) « Lansor » : sagaie servant aussi de bâton.

 

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À peine eurent-ils posé le pied sur l’île Bourbon, inhabitée à l’époque, que les exilés de Fort-Dauphin (1646-1649) n’eurent rien de plus pressé que de donner des noms à tous les lieux qu’ils découvraient ou créaient, ravines, caps ou habitations … Leurs successeurs continuèrent de plus belle et baptisèrent les pitons, les cirques, les remparts, sans oublier les bassins, les cavernes, les grottes et les trous… Des trous, justement, il n’en manquait pas : citons par exemple le Petit Trou, le Grand Trou, le Trou Rond, le Trou Blanc, le Trou Noir, le Trou à Cabris, le Trou de Cochon, le Trou de Chat, le Trou de Magasin, le Trou de Jacques, le Trou Maurice, le Trou du Cuisinier, le Trou Fanfaron, le Trou Malais, le Trou du Capitaine, le Trou de Cissia, le Trou d’air, le Trou d’Eau, le Trou de Fer à moins que ce ne soit le Trou d’Enfer…Tout cela   offrirait abondante matière pour une suite à la « Psychologie sociologique des trous » brillamment inaugurée par l’écrivain allemand Kurt Tucholsky qui notait de manière si pertinente : «  Un trou se trouve là où quelque chose ne se trouve pas. Le trou est un compagnon éternel du Non-trou. De trou seul, il n’y en a pas. Désolé ! »

Trou Pilon à Cilaos
L’un des premiers trous que j’ai fréquentés fut celui de Trou Pilon dans le cirque de Cilaos. A quoi doit-il son nom? Probablement à sa forme de « pilon », ustensile indispensable dans la cuisine réunionnaise, dans lequel l’on écrase gros sel, piment et autres épices à l’aide d’un kalou…C’était dans les années soixante. J’étais pensionnaire au collège Saint Jean-Marie VIANNEY, autrement dit le Petit Séminaire de Cilaos.

 

Le Trou Pilon transformé en aire de jeux, 2015

Le Trou Pilon transformé en aire de jeux, 2015

 

Le Trou Pilon en contrebas de l’église était notre terrain de jeu. Il était grand comme un terrain de football. C’était là que nous faisions nos exercices physiques et nos jeux de plein air. On se dépensait sur ce terrain dans de mémorables parties de foot le dimanche, les spectateurs assis sur ses pentes boisées. Ses buissons et ses fourrés nous permettaient de jouer à « gendarme-voleur »… S’il survenait un cyclone en janvier – février, il se remplissait d’eau. Les enfants de la ville venaient s’y baigner comme ceux du pensionnat. On attendait qu’il se vidât pour recommencer à jouer dedans.

Un vieux Cilaosien, Ignace RIVIERE (1893-1990), interrogé en 1980 par des élèves du collège Paul HERMANN (1), raconte ses souvenirs : «  Au pied de l’église en bois construite en 1858-59, le trou Pilon était un marécage. Il se remplissait d’eau jusqu’aux marches de l’église. Un jour, après le cyclone de 1874, mon grand-père Cyriaque PICARD a entendu comme un coup de canon, en pleine nuit. Il est allé voir et il a constaté que l’eau était partie par une tranchée. »

Selon les dires d’un fontainier qu’a connu Bernard ACCOT (2) né à Cilaos en 1936, le Trou Pilon aurait été relié à une galerie souterraine qui débouchait sur le « cassé » des Thermes, permettant son siphonage.

 

Trou de Sas ou Trou de Chat à Saint-Pierre

Descendons vers St-Pierre pour découvrir le « Trou de Sas » ou « Trou de Chat ». Dans « Le tour de l’île » du volume 2 de l’album de Roussin, (1845) Camille JACOB De CORDEMOY nous fait une description du Trou de Sas (ou Trou de Chat). « … Nous gravissons, en quittant les Grands Bois, une rampe du haut de laquelle on aperçoit au loin les navires mouillés devant St-Pierre…On me montre au bord de la mer le Trou de Chat, ou Souffleur. La mer pénètre sous une coulée de laves, dans une immense et profonde caverne dont le plafond supérieur, perforé ça et là, laisse chaque vague s’élancer dans les airs avec le bruissement formidable d’un cyclopéen soufflet de forge. »

Trou de Sas ou Trou de chat (Terre-Sainte/ St-Pierre).

Trou de Sas ou Trou de chat (Terre-Sainte/ St-Pierre).

Un autre témoin, Jules Hermann. Dans son Guide du voyageur pour le canton de St-Pierre (1923, il nous indique, page 5, « Dans les environs, au delà du bourg de Terre-Sainte, on va visiter le Trou du Sâs, trou triangulaire ouvert dans la lave du littoral par la main de l’homme (sic) à une époque qu’on ne peut préciser, et d’où la mer vient jaillir par grosse mer et forme écluse. »

Ce Trou de Sas ou trou de Chat est un souffleur comme il en existe plusieurs sur les côtes de l’île.       

 

Poursuivons vers St-Joseph et le Trou de Cissia

Le Trou de Cissia (St-Joseph).

Le Trou de Cissia (St-Joseph).

Gagnons les Hauts de Saint-Joseph et arrêtons-nous à Grand Coude près de la petite église. De là nous irons à pieds, en longeant la rivière des Remparts. vers des trous intéressants dont celui de Cissia.

 Jacques LOUGNON, « notre vieux tangue » écrit : « […] Vers 1950-55, j’ai eu la chance de visiter ce haut plateau tout à fait particulier, en compagnie de l’un des propriétaires, M. Charles PAYET, qui m’en fit les honneurs… On arrive tout à coup au bord de 2 cavités circulaires, une grande et une petite. C’est si loin dans mon souvenir qu’il m’est difficile d’en préciser les dimensions. Mais (l’une d’elles) doit bien faire environ 100 m de diamètre sur 5O m de profondeur. Le sol est coupé comme à l’emporte-pièce, un peu comme le cratère Commerson, mais en plus petit. Je n’ai pas eu l’impression d’une cheminée volcanique. J’ai pensé alors à un effondrement en bloc, où le morceau de forêt de la surface serait descendu en place. »

En fait, les deux trous de Cissia, au même titre que les Trous Blancs de la Plaine des Cafres et le Cratère de Commerson (265 m) sont catalogués comme des maars.

Comment se forme un maar ? Vikipedia nous apprend que le phénomène est le suivant : « Le magma, en remontant vers la surface, rencontre dans le sous-sol une nappe phréatique ou un cours d’eau souterrain. Une partie de cette eau se vaporise alors sous l’effet de la chaleur, ce qui entraîne une importante augmentation de la pression dans le sous-sol, au point que les roches en surface sont soudain éjectées à la manière d’un bouchon de champagne. Généralement, la nappe phréatique ou le cours d’eau souterrain qui a contribué à la formation du cratère alimente ensuite un lac dans le bassin ainsi créé. Les maars sont donc très souvent des lacs de forme circulaire aux pentes plus ou moins abruptes. »

 

L’un des Trous blancs de la Plaine des Cafres (route du volcan)

L’un des Trous blancs de la Plaine des Cafres (route du volcan)

Honni soit qui mal y pense…

Mais d’où vient le nom de Cissia ? Il s’agit du surnom d’une habitante de Grand-Coude du siècle dernier, une agricultrice qui s’appelait Anaïs GIGAN, née le 13 janvier 1892 au lieu-dit « les Bas de Jean-Petit ». Selon Mme Blanche Reine JAVELLE, conseillère municipale native de Grand Coude, Cissia a connu la vie dure des gens des hauts, quand il n’y avait ni électricité ni eau courante, qu’il fallait défricher pour planter le géranium et le distiller ensuite.

L’eau qui faisait défaut, elle l’a trouvée dans l’un des cratères au-dessus du village à une demie heure de marche. Cette source providentielle, elle l’aménagera et la protègera par un muret.

Cette source finira par prendre le nom de Cissia.

Il y aurait encore bien des trous à explorer. En attendant, et pour garder le sourire, revenons à notre écrivain allemand spécialiste de la « Psychologie sociologique des trous » : « Le plus intrigant dans le trou, c’est son bord. Il appartient encore à la matière mais regarde en permanence vers le néant : c’est le garde-frontière de la matière. » (4)

 

Christian Fontaine

  • Les collégiens étaient dirigés par leur professeur principal, Christian LANDRY.
  • Bernard est le fils du premier maire de Cilaos, Irénée ACCOT.
  • LOUGNON, «  Nouvelles chroniques, île de la Réunion » – 1977-1988, Azalées Editions, 1989.
  • Pour les citations en français de Tucholsky. cf. http://www.textlog.de/tucholsky-psychologie-1931.html.

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