Le regard d’une reine :
La jeune femme que nous voyons sur cette photographie est la Reine Ranavalona III de Madagascar. Nous savons qu’elle fut dépossédée de son trône et envoyée en 1898 en exil en Algérie (1) après deux années passées à La Réunion… Notre île avait dû être jugée bien trop proche de sa patrie.
Sa coiffure, ses vêtements, sans doute à la mode sous la 3ème République, en particulier le col de dentelle blanche recouvrant tout le cou et la veste sombre rebrodée, donnent l’impression de la contraindre, de l’enserrer dans le carcan de l’apparence, de l’emprisonner…
Mais il y a plus important : son visage et ses yeux d’infinie tristesse ; cela fait des années déjà qu’elle a quitté le Rova et le palais dominant Tananarive, des jours et des jours qu’elle ne voit plus se lever le soleil derrière les collines sacrées, qu’elle a laissé, sans espoir de retour, sa terre, son peuple et ses morts.
Elle se laisse photographier, il le faut sans doute, mais dans ses yeux outre la tristesse, transparaît comme une réserve, une certaine retenue, davantage même, comme un jugement que confirme le « mouvement » du regard : où que l’on aille, à droite ou à gauche, ce regard vous suit, il vous juge. Il semble dire au colonisateur : « Vous avez pour vous la force, mais vous n’avez point prise sur mon âme…Vous pouvez inscrire au bas de la photo « ex-Reine de Madagascar », imiter ma signature (2) pour faire croire que j’adhère à votre décision, que j’accepte que vous m’ayez « déposée », que vous m’ayez déracinée, que vous m’ayez exilée. Vous pouvez tenter de m’humilier mais vous ne parviendrez pas à m’ôter ma liberté intérieure, à m’enlever ma dignité ! »
P.S. C’est ce que j’ai ressenti devant cette photo. Tout n’est peut-être pas exact, mais comme disent les Italiens : se non è vero, è bene trovato ! Il n’empêche que je donnerais cher pour savoir si la signature est ou non de la propre main de la Reine.
Signé : Créole de la Réunion, descendant de la Malgache Marie Toutte et d’un Breton (entre autres).
1) Ce cliché a été pris à Alger.
2) C’est une interprétation possible en attendant que l’énigme de la signature soit résolue.
DPR974 : Nous avons posé à Mr BOULOGNE la question suivante : la signature qui figure au bas de la photo est-elle bien de la main de Ranavalona III ? Voici sa réponse :
L’énigme de la signature :
Je ne peux rien dire sur cette « signature » qui se trouve sur cette Carte. Je ne peux, malgré du matériel très sophistiqué, confirmer une impression quelconque ou une signature mise après impression. Seule, une carte d’une édition semblable permettrait de lever le doute. Ce cliché a fait l’objet de nombreux retirages mais, à ce jour, je n’ai pas encore rencontré une autre carte de tirage.
Dans l’état de mes recherches, je ne peux rien affirmer. Est-ce la signature de la Reine ? Est-ce une identification mise après l’édition par un collectionneur ? Je ne peux rien dire à ce sujet. Mais, parmi ceux qui consulteront votre site, il y a peut-être quelqu’un qui pourra au moins dire si cela se rapproche ou non de la signature de la Reine…
Pour information, il n’était pas rare, à l’époque, sur les cartes postales, de faire un portrait et de reproduire la signature du personnage (souvent un politique, un artiste, etc.). Pour ce portrait, je poursuis mes recherches et attends peut-être la réponse d’un de vos lecteurs.
Voilà une bonne question à poser à vos lecteurs…
Eric Boulogne
Le devoir de mémoire :
(Poème d’une fidèle lectrice que nous remercions bien sincèrement).
Qui peut se dispenser du devoir de mémoire
Pour raviver les faits qui ont marqué l’Histoire ?
Que ce soit pour louer, réparer, décrier,
Il est bon de ne pas cacher la vérité…
‘’La dernière reine malgache, Ranavalo nommée,
En exil à Alger pendant dix–huit années,
En l’an 1901, ici, a séjourné.’’
Accroché rue St Honoré, à Fontainebleau,
Il attire l’attention des Français, l’écriteau.
Des Français, mais aussi celui des étrangers
En quête des trésors du présent, du passé.
Tant d’histoires ont lié la Grande Ile à la nôtre,
Qu’il serait bon qu’on puisse encore se souvenir
Que la femme qui vécut Rue Lucien Gasparin
Avec ou sans sa suite, avait bien du chagrin,
D’être exilée au temps béni des Colonies,
Privée de ses racines, privée de son pays.
Je rêve que le portrait de cette douce femme,
Dont le regard est si triste qu’il fend l’âme,
Aux barreaux de sa cage dorée soit placée,
Regardant vers la Délivrance qu’elle adorait.
Huguette Payet.
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