(2èmeépisode) : La guérison du mourant.
Nous avons fait récemment la connaissance de Laramée, cet ancien soldat démobilisé et celle de son compagnon de route dont nous ne connaissons pas vraiment l’identité. Les deux compères avaient décidé de faire la route de concert. Comme le compagnon de Laramée était quelque peu sorcier, sinon plus – nous n’en savons rien – il avait commencé par un miracle : Il avait fait la récolte d’un champ de mapinm pour venir en aide à des gens car la pluie arrivait qui risquait de réduire leur récolte à néant.
Il y avait une fois un monsieur Le Foie qui mangea son foie avec un grain de sel.
Nos deux compères avaient donc repris leur route. Ils marchaient et marchaient encore, qu’il pleuve, que le soleil brille ou qu’il vente. On aurait dit que rien ne pouvait les arrêter. Laramée trouvait cela un peu étrange, mais vous savez, quand on a fait l’armée, il n’y a plus grand chose qui puisse vraiment vous étonner. Il pensait seulement que son compagnon devait savoir où il allait. Et pour l’heure il voyait bien que celui-ci continuait à avancer.
À force de marcher ils finirent par arriver près d’une maison : certes ce n’était pas le palais d’un roi, mais c’était assurément la maison d’une famille qui avait quelques moyens. De cette maison parvenaient des pleurs et des lamentations. C’était à vous fendre le cœur ! Les deux compères se demandaient ce qui avait pu se passer pour que ces gens soient si malheureux. C’est alors qu’ils aperçurent un homme qui donnait l’impression d’être raisonnable, un homme solide, avec qui on pouvait discuter, alors qu’il n’était pas question de parler aux autres qui semblaient être dans le brouillard et, disons le tout net, qu’ils avaient apparemment perdu la raison.
Le compagnon de Laramée s’adressa à cet homme : « Monsieur je vois bien que vous êtes tous accablés de chagrin. Que s’est-il donc passé ? » L’homme répondit alors : « Notre papa va bientôt mourir. Une affreuse maladie est sur le point de l’emporter dans l’au-delà. Il râle déjà ! » Le compagnon de Laramée dit alors : « Je veux bien essayer de guérir votre père étant donné que je possède un don ! »…
Qui ne sait qu’en pareille situation l’on est prêt à faire confiance au premier venu ? L’homme lui donna donc son accord…
Kriké, monsieur, kraké madame, le coton (1) de maïs coule et la pierre flotte !
L’homme conduisit nos amis dans une chambre où un vieillard attendait sa dernière heure. Le compagnon de Laramée demanda alors qu’on lui apporte un tonneau, une hache, du sel et de l’eau et prévint l’assistance qu’il ne fallait pas l’interrompre dans son intervention, qui risquerait alors de ne pas réussir. Il ordonna ensuite à Laramée de couper le malade en morceaux, de placer ceux-ci dans le tonneau, d’y ajouter du sel, une bonne quantité d’eau et de reclouer le couvercle.
La famille commençait à être tracassée… Quoi de plus normal ? Laramée, lui, cherchait du regard une sortie propice à la fuite au cas où l’opération raterait. Son compagnon signifia à l’assistance de se taire, fit quelques gestes cabalistiques et ordonna à Laramée de déclouer le couvercle du tonneau.
Et voilà qu’un homme, jeune, costaud, en bonne santé et j’en passe, sortit du tonneau, reprit la place de chef, car il était effectivement le chef de famille.
Tous les assistants se réjouirent et demandèrent aux deux étrangers ce qu’on leur devait. Le compère de Laramée leur répondit alors : « Nous ne voulons pas être payés ; nous voulons seulement deux sous. Un sou pour moi et un sou pour Laramée ». Le sang de celui-ci ne fit qu’un tour. Il pensait, en effet, que c’était l’occasion ou jamais d’avoir une bonne somme et cet autre imbécile qui ne demandait que deux sous !…
Une fois pour une bonne fois, Monsieur Le Foie mangea son foie avec un grain de sel. Si cette histoire n’est pas vraie, ce n’est pas de ma faute à moi !
À suivre…
Traduction DPR974.
Illustrations Huguette Payet.
Note :
1) En français : la rafle ; en créole : le « coton » de maïs, partie centrale de l’épi de maïs sur laquelle sont fixés les grains.
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