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Archive for 6 juillet 2018


Étant donné que le Bon Dieu voudrait que Laramée se calme, il lui fait cadeau d’un fusil, d’un violon et d’un sac… magiques ! Il pense, en effet, qu’avec de tels outils Laramée n’aura plus besoin d’importuner les gens et qu’il gagnera sa vie honnêtement et surtout sans faire de bêtises. Mais voilà : le vieux soldat – du moins me semble-t-il – est quelqu’un qui aime « ravager » (1) et il n’est pas aisé de le calmer…

Il y avait une fois un monsieur Le Foie qui mangeait son foie avec un grain de sel…

Voilà donc notre Laramée reparti sur les grands chemins. Il marche, marche encore, marche toujours, sans but précis. Il est encore bien éloigné de son pays. Le soleil étant déjà assez haut dans le ciel, il s’arrête un peu, pense que ce sera bientôt l’heure de manger et qu’il n’a pas prévu son repas. Et soudain, justement, une flopée d’oiseaux se pose devant lui. Il se saisit de son fusil et, de son index, appuie sur la détente. Une forte détonation retentit, d’autant plus forte que son fusil était un calibre douze au moins et qu’à cette époque la région où il se trouvait était bien calme… Tous les oiseaux qui entendirent cette déflagration, tombèrent raides morts. Laramée enjoignit alors à son sac de se remplir d’oiseaux. En moins de deux son sac fut plein à ras bords. Son cari du soir était assuré et même à mon avis, plus qu’assuré.

Kriké  monsieur ! Kraké madame ! La rafle de maïs coule à pic et la pierre flotte.

 

Ah, si le prêtre avait su !…

 

Soudain un prêtre vint à passer qui vit la quantité d’oiseaux à même le sol. Il dit alors à Laramée : « Mon fils tu as abattu beaucoup d’oiseaux. Me permettrais-tu d’en prendre quelques uns ? » Laramée ne vit aucun inconvénient à cela et voilà le prêtre ramassant les oiseaux tombés dans les sapans épineux et les corbeilles d’or. Mais vous savez tous que Laramée est par nature un esprit curieux. Il a certes déjà vu l’effet produit par son fusil. Il sait également ce dont est capable son sac magique. Il reste cependant le violon qui doit encore montrer ce qu’il sait faire. Il le sort de son étui et se met à en jouer : tililil, tiloulou, tiloulou, tililil ! Ce violon est réellement magique… Les notes s’égrènent sous son archet. Et le prêtre se met à danser au beau milieu des épines. « Malheureux, s’écrie-t-il, arrête donc de jouer de ton violon ensorcelé ! Arrête donc, espèce de criminel !… »

Mais Laramée continue de jouer, puis se lève et s’en va. Une fois qu’il est arrivé assez loin, la musique s’arrête et le prêtre cesse de danser. Mais il est en sang : Les sapans ont en effet de grandes épines ! Sa grande robe en est toute déchirée. Sa dignité est mal en point, bien mal en point  même, et il pense qu’il ne tardera pas à déposer plainte contre Laramée…Tant pis pour le vieux soldat !

Kriké monsieur ! Kraké madame ! La clé dans ma poche, la crotte dans votre sac…

C’était la première fois que Laramée essayait ses « outils » et ce fut un vrai désastre : il paraît même que le Bon Dieu dans le ciel s’en est mordu les doigts…

Texte créole : Georges Gauvin.

Traduction française : Dpr974.

Illustration:Huguette Payet.

 

Note :

1) En créole cette expression « il aime ravager » signifie qu’il aime taquiner les autres, qu’il aime se comporter comme un enfant turbulent, qu’il  n’est pas de tout repos, qu’il n’est pas à une bêtise près.

2) Cliquer sur l’image pour l’agrandir.

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