L’HISTOIRE DE LARAMÉE : COMMENT ENTRER AU PARADIS ?
…Le temps passa et le jour arriva où Laramée « cassa sa cuillère de bois », autrement dit qu’il avala « son acte de naissance », bref qu’il mourut…mortibus crevatus est ! (sic)1. Le seul problème qu’il lui restait à résoudre, était de savoir comment gagner le Paradis.…
Une fois pour une bonne fois monsieur Le Foie mangea son foie avec un grain de sel.
Laramée leva son camp et se dirigea vers le Paradis : le chemin était fort mauvais, vous pouvez m’en croire ! À chaque instant on se prenait les pieds dans les galets de la grand route ! Le froid vous pénétrait jusqu’à la moelle. Ajouté à cela qu’il était seul à faire la route. Mais en mettant un pied devant l’autre il finit par arriver ; il paraît que la porte du Paradis est une belle porte de bois verni qui, sans doute, porte un bel écriteau indiquant « Porte du Paradis ».
Laramée arrive au plus noir de la nuit et se met toc, toc, toc, à toquer contre la porte. Arrive alors Saint-Pierre qui demande : « Qui êtes-vous ? » Laramée décline son identité, dit qu’il a un bon ami qui s’appelle le Bon Dieu et demande qu’on lui ouvre la porte. Saint-Pierre consulte alors ses registres, se gratte la tête et dit : « Laramée, tu es bien celui qui a fait danser un prêtre dans les épines de sapans ? Tu as été condamné à mort et tu as fait faux bond à la justice…Je regrette, tu vas en Enfer ». – « En Enfer, se dit Laramée, pour périr dans les flammes. Jamais de la vie ! Moi, je reste au Paradis. » Saint-Pierre lui répond que c’est bien dommage et que cela ne lui serait pas arrivé, s’il avait convenablement fait travailler sa tête quand il le fallait. Laramée est fort dépité et finit par dire : « Allons nous-en, on verra bien à quoi ressemble l’Enfer ! »
Kriké, monsieur ! Kraké, madame ! La clé dans ma poche ! La crotte dans votre sac !
Laramée arrive alors devant la porte de l’Enfer, c’était écrit sur la porte ! Il se présente. Et là, mes amis, quand le Grand Diable apprend son identité, il demande à ses serviteurs de fermer la porte à double tour, car il n’y a personne d’aussi dangereux que Laramée : « Va-t’en au diable Vauvert, Laramée ! Va où tu veux, mais tu n’entreras pas dans mon Enfer ! Va-t’en ! Fiche-moi le camp ! »
Le vieux soldat est décidément fatigué, dégoûté. Il en arrive à regretter d’avoir fait danser le prêtre dans les sapans. À force de descendre et de monter, de monter et de descendre, il n’en peut plus et se dit en lui-même : « Quel destin que le mien ! Au lieu de me donner le jour, mon père et ma mère auraient mieux fait de prendre deux petits bouts de bois et de jouer dans la malpropreté. » Le Paradis n’a que faire de Laramée ; l’Enfer n’a pas besoin de lui non plus. Il décide alors de retourner au Paradis : il ne peut, quand même pas devenir une âme errante pour les quelques bêtises qu’il a faites sur terre. Il faut qu’il arrive à entrer quelque part…Le voilà qui s’assied devant la porte du Paradis et se met à réfléchir, à ré-flé-chir, à ré-flé…
Comment Laramée finit par avoir sa place en Paradis…
Laramée se décide donc à toquer à la porte du Paradis ; Saint-Pierre apparaît à nouveau qui lui dit : « Qu’est-ce que tu veux encore Laramée ? On t’a dit que ton nom ne figurait pas sur les registres. Quand donc vas-tu entendre raison? » Et Laramée de lui répondre : « Monsieur Saint-Pierre, où pourrais-je donc partir d’après vous ? Personne ne veut de moi et je ne veux pas devenir une âme errante. Prenez mon sac avec vous. C’est tout ce qu’il me reste et je ne voudrais pas qu’on me le filoute : c’est mon seul bien ! »
Saint-Pierre n’a pas encore dit oui que Laramée a déjà échafaudé un plan dans sa tête et qu’il murmure cette formule : « Je veux être dans mon sac magique à quelqu’endroit qu’il se trouve ! » Sur ces mots il traverse le mur et woup !!… Le voilà dans son sac et il n’en bouge plus.
Kriké, monsieur ! Kraké, madame ! La clé dans ma poche, la crotte dans votre sac !
Dans la nuit, il entend Saint-Pierre qui fait les cent pas : toc, toc, toc, dans le Paradis. Laramée redresse un peu la tête pour voir ce qui se passe aux alentours. Il la baisse aussitôt, mais ce qui devait arriver, arriva : Saint-Pierre le découvre et lui dit : « Je n’arrive pas à m’en sortir avec toi, je vais me retourner vers le Bon Dieu ! » Le Bon Dieu arrive et demande ce qui se passe. Saint-Pierre lui explique la situation. Puis, c’est au tour de Laramée de donner son explication. Finalement le Bon Dieu déclare : « Ah, Laramée, tu es enfin arrivé! Saint-Pierre, trouve-moi une bonne place pour mon vieil ami ! » Et c’est ainsi que Laramée entra au Paradis. Je pense qu’il y est encore, car quand on y entre, c’est pour toujours. Cet exemple montre à l’évidence qu’il vaut mieux avoir à faire au Bon Dieu qu’à ses saints.
Mon histoire se termine ici. Merci à mon père qui me l’a racontée et comme le dit la formule consacrée : « Si l’histoire ment, ce n’est pas de ma faute ! La rafle de maïs coule à pic, la pierre, elle, flotte. Il y avait une fois, pour une bonne fois, un monsieur Le Foie qui mangea son foie avec un grain de sel.
Ainsi finit l’histoire…
Texte créole originel : Georges Gauvin.
Traduction française : Dpr974.
Illustrations : Huguette Payet.
NOTES :
1) Mortibus, crevatus est : expression en latin de cuisine, mais qui dit bien ce qu’elle veut dire.
2) Veuillez cliquer sur les images pour les agrandir…
Je suis à la recherche de traces de mon ancêtre Jean-Baptiste dit Laramée…
Pourrait-il avoir un lien avec votre Laramée ?
Le mien était esclave du tristement célèbre François Mussard, chasseur d’esclaves. D’origine indienne, né vers 1740, il fut affranchi en 1794 par les héritiers de Mussard,( représentés par le gendre, François Antoine Boudin de Kozet), en même temps que sa femme, Suzanne, une « cafrine ». Il mourut à Saint Paul le 18/06/1811. Peut-être faisait-il partie de la troupe que Mussard utilisait pour sa chasse et prêta-t-il son nom, une fois démobilisé, à l’adaptation créole de votre conte ??
Cher lecteur,
Ce que vous avez pu lire de Laramée sur le blog est une version créolisée, sans doute de contes d’origine française, en particulier de l’Ariège…Votre souci est de retrouver vos ancêtres. Dans ce cas le mieux est de prendre contact avec le Cercle généalogique de Bourbon qui se réunit le mardi matin à partir du 15 janvier aux Archives Départementales de La Réunion, non loin du Théâtre de Champ-Fleuri à Saint-Denis.
Je vous souhaite plein succès dans vos démarches.DPR974.